Ce dernier film de Nicholas Ray, tourné avec ses étudiants, est le parangon d’un certain déclin du cinéma. Alors que son auteur réalisait des petits bijoux de sensibilité au sein des studios des années 50, il supervise ici -hors du système- un des films les plus imbitables que j’ai jamais vus. C’est comme si, après que Godard ait été inspiré par Ray, c’est Ray qui s’inspirait de Godard. Simplement, ne seraient retenues du Français et de l’avant-garde en général que les expérimentations fumeuses (triturage de la pellicule, split-screen dans tous les sens, son désynchronisé, récit sans queue ni tête…). Evidemment, il se trouvera toujours des analystes pour gloser à loisir sur les différents signifiants de l’objet. Pour s’amuser à faire le lien thématique avec l’oeuvre hollywoodienne du cinéaste. D’autant que celui-ci est assez évident, We can’t go home again parlant essentiellement de filiation mal assumée. Mais c’est bien là le drame. Ce qui était travaillé, stylisé et profondément vibrant dans les films classiques, est ici bidouillé et annihilé par l’ostentation arty (waouh, regardez l’image qui change de couleur, si ça c’est pas de l’art). Evidemment, une ou deux séquences sur l’ensemble du métrage peuvent émouvoir, je pense notamment au suicide final très cru donc très frappant. Reste que -quitte à passer pour un béotien- mon choix est vite fait entre l’art d’usine et l’art d’université.