Un western singulier qui montre encore une fois la variété du genre. Ici, le western est un moyen de retourner à une époque archaïque et de mettre en scène des rapports humains dont la rudesse fait la beauté. On songe à Giono. Le paysan a perdu son épouse, il lui en faut une nouvelle parce qu’il faut une femme pour tenir le foyer. Quitte à ne pas l’aimer parce qu’il vit dans le souvenir de la défunte. Jusqu’à ce que l’étranger du titre, incarné par un jeune Robert Mitchum s’incruste et réveille du même coup le désir du mari pour sa nouvelle femme. La terre, la famille, le deuil, le désir. Et la frontière évidemment. Ici, le fermier est un pionnier qui doit faire face à la menace permanente constituée par les Indiens. Des situations apparemment simplissimes permettent de montrer des sentiments qui ne peuvent être que complexes. Rachel et l’étranger est autant l’histoire d’un foyer recréé que celle d’une mélancolie guérie. Le particulier et le général fusionnés dans un même mouvement. C’est le propre de nombre de chefs d’oeuvre classiques. D’un point de vue strictement formel, le budget restreint alloué par la RKO oblige les auteurs à se concentrer sur l’essentiel: la mise en scène de Norman Foster est alerte, la caméra semble semble toujours placé exactement à l’endroit où elle doit être, mettant en valeur les superbes décors naturels sans verser dans la contemplation. Les quelques chansons du film donnent lieu à des plans magnifiques où la seule composition du cadre montre que les personnages vivent des émotions différentes. Concision et beauté. Ce western élégiaque est une véritable pépite, de la même veine que Le bandit d’Ulmer.
Mois: avril 2008
Message à caractère informatif
Certains d’entre vous ont peut-être essayé de se connecter au blog durant les dernières 24 heures sans y parvenir. Sachez que c’est parce que des pirates roumains avaient attaqué le navire. Heureusement, il vogue à nouveau sans le moindre souci. Que ces quelques lignes soient donc l’occasion de rendre encore une fois hommage au capitaine pour son sérieux, sa générosité, sa réactivité et ses compétences techniques, assez larges je dois dire.
H. M. Pulham, Esq. (King Vidor, 1941)
Un quadragénaire bourgeois remet sa vie en question le jour où un ancien camarade d’université lui demande de la raconter sur quelques pages pour le trombinoscope des anciens étudiants…C’est le début d’une grande remise en question. Et si malgré l’apparente réussite sociale, il n’était pas passé à côté de son bonheur ?
A travers sa façon de symboliser l’ensemble d’une classe sociale dans un personnage de cinéma, H. M. Pulham, Esq. rappelle La foule. Ici, les désirs individuels sont contrariées par le poids du milieu d’origine. Contrairement à d’autres oeuvres plus flamboyantes de King Vidor, le lyrisme est sous-jacent, il irrigue de façon souterraine la chronique de la vie de H.M Pulham; chronique mise en scène avec une sécheresse qui rend d’autant plus cruelle la condamnation d’une passion par un implacable atavisme. La complexité des obstacles entre les deux amoureux fait que l’oeuvre va bien au-delà d’une simple critique des carcans sociaux. Bien que confrontant une bourgeoisie provinciale étroite d’esprit à la modernité new-yorkaise, l’auteur se désole des mirages de la société de consommation incarnée par la belle publicitaire amoureuse de Pulham, publicitaire qui croit toujours au prince charmant malgré une liberté financière acquise grâce à une carrière à laquelle elle a tout donné. C’est peu dire que le propos de ce film vieux de plus de soixante ans est toujours d’actualité. La satire du milieu publicitaire s’y distingue d’ailleurs par sa subtilité. Robert Young et Hedy Lamarr sont excellents, ils rendent crédibles et même attachants leurs personnages à haute dimension symbolique. H. M. Pulham, Esq., bien qu’acclamé par la critique à sa sortie, est clairement un des grands Vidor méconnus.
Thunder road (Arthur Ripley, 1958)
« There was this Robert Mitchum movie… it was about these moonshine runners down South… I never saw the movie, I only saw the poster in the lobby in the theatre… I took the title and I wrote this song… »
Tout amateur de Bruce Springsteen connaît, ne serait-ce que de nom, ce petit classique du film de drive-in qui a donné son titre à la plus belle chanson du boss. Le principal intérêt du film aujourd’hui est sa star, Robert Mitchum, icônisé dès le premier plan où il apparaît. Le metteur en scène -ancien monteur de Mack Sennett- n’insuffle guère de substance à son histoire ni de rythme à son film. Les courses-poursuites apparaissent aujourd’hui très datées. On n’ose imaginer ce qu’un Raoul Walsh aurait pu tirer de cette histoire de malfrat individualiste incapable de raccrocher, histoire dont Mitchum lui-même était à l’origine.
Don’t Knock the Rock (Fred F.Sears, 1957) et Go, Johnny, Go! (Paul Landres, 1959)
A l’âge d’or du rock&roll, Elvis n’a pas été la seule star à être récupérée par Hollywood. Ainsi de ces deux films oubliés aujourd’hui dont le seul intérêt réside dans la large place accordée aux numéros musicaux. Les histoires sont ineptes, les acteurs nuls (Alan Freed, disc-jockey et promoteur mythique mais piètre comédien joue dans les deux), les réalisations dénuées du moindre style. Ce sont des produits commerciaux pour ados dénués du moindre esprit de subversion (ça se finit toujours par une communion générale par le twist) en même temps que de la moindre ambition cinématographique (ce qui n’est pas le cas par exemple des films rock de Richard Lester tournés en Angleterre dans les années 60). Reste l’évocation désuète d’une époque révolue et surtout, surtout la musique. Une très large place est accordée dans chacun de ces films non seulement aux chansons des vedettes mais aussi à d’autre chanteurs qui jouent les seconds couteux pour l’occasion. Outre Alan Dale et Chuck Berry, Bill Haley and his Comets, Little Richards, The Treniers, The Cadillacs, Ritchie Valens, Eddie Cochran et bien d’autre jouent dans l’un ou l’autre de ces deux films musicaux. Ce qui, même si la musique n’est pas jouée live, devrait régaler les amateurs.
Le gouffre aux chimères (Ace in the hole, Billy Wilder, 1951)
Waouh !
Un des pamphlets parmi les plus violents, les plus percutants jamais réalisés à Hollywood. A travers cette histoire de journaliste qui fabrique ses scoops en jouant avec la vie d’un homme, Wilder le moraliste pourfend l’ensemble d’une société avide, désœuvrée, et surtout profondément malade. Le scénario brillant montre les multiples conséquences sociales de l’évènement à travers une galerie de personnages dont l’arrivisme est révélé au fur et à mesure du film; chacun -à quelques exceptions près- va chercher à tirer parti de la situation dramatique. Et c’est la crédibilité et la rigueur avec laquelle les motivations de chacun sont exposées qui rend le film aussi fort. Ce qui fait la beauté de l’oeuvre, c’est que tout en étant une fable, elle nous montre des personnages profondément humains y compris et surtout s’ils sont antipathiques. Ainsi, à la fin de chaque journée le journaliste boit un verre. Seul. Cet alcoolisme quotidien montre, subtilement mais clairement, bien avant le retournement final, que malgré son cynisme, il est le premier miné par sa mirifique combine. Hallucinant Kirk Douglas qui trouve ici un rôle à la pleine mesure de son talent expressif. Tour-à-tour séducteur, avide, violent et finalement meutri. Ce comédien -à la filmographie exceptionnellement riche en chefs d’oeuvre divers et variés- trouve ici son plus grand rôle. Enfin, la sécheresse de la mise en scène rend les séquences chocs d’autant plus percutantes. Billy Wilder -auteur de Assurance sur la mort– a mis en images Le gouffre aux chimères comme un film noir « hard-boiled ». Le plan final est d’ailleurs un des plus mémorables de l’ensemble de son oeuvre.
Man in the attic (Hugo Fregonese, 1953)
Découvrir un film signé Hugo Fregonese, petit maître d’origine argentine réalisateur de plusieurs joyaux de la série B hollywoodienne, est toujours intéressant. Mais malheureux qui comme le cinéphile oublie combien la frontière est mince entre secrète beauté et éventuelle insignifiance dans le cas de ces œuvres d’usine ! Ainsi de Man in the Attic, chronique sur Jack l’Eventreur qui s’avère ennuyeuse à cause d’un scénario convenu et lourdement psychologisant; le spectateur a généralement deux longueurs d’avance sur le personnage du flic de Scotland Yard. L’amateur appréciera cependant le rendu visuel des rues de Londres, (rien de tel que le fog pour l’ambiance gothico-fantastique, il est dommage que l’essentiel du film se passe en intérieurs), les fulgurances éparses de la mise en scène (le meurtre en caméra subjective) et surtout dans le rôle-titre, la présence de Jack Palance, la trogne la plus incroyable de tout le cinéma américain.
Les pièges de Broadway (The rat race, Robert Mulligan, 1960)
Ce deuxième film de Robert Mulligan n’est certainement pas son plus réussi. Le scénario n’est n’est pas très fin dans sa démonstration du « New-York, c’est la jungle pour les âmes pures venues de la province ». La mise en scène est assez statique, la dramaturgie évolue principalement via de longs dialogues -souvent justes- filmés en champ-contrechamp. Malgré cela, le film se suit avec plaisir grâce surtout à l’excellent duo de comédiens, Tony Curtis et Debbie Reynolds, dont les personnages sont très attachants. Un joli film.
Outrage (Ida Lupino, 1950)
Brûlant, sensible, direct, Outrage est un film qui ne s’embarrasse guère des convenances esthétiques. A l’époque, il n’y a guère que chez Fuller que l’on retrouve un tel filmage « droit au but » et une telle fièvre. Ida Lupino ne craint pas les outrances du mélodrame pour traiter son audacieux sujet, la destruction psychologique d’une jeune victime de viol. Outrage montre implacablement -en 75 minutes- que la plus terrible des conséquences du viol est l’impossibilité absolue d’accorder sa confiance à autrui, ce qui entraine une quasi-mort aussi bien psychologique que sociale. Fondamentalement, c’est donc la foi qui a été perdue, foi essentielle à la vie et il était alors naturel que la renaissance de la jeune fille passe par sa rencontre avec un prêtre. Bien que les effets de la mise en scène soient volontairement appuyés, le scénario est d’une belle simplicité. La crédibilité des archétypes n’est pas mise en doute une seule seconde par le spectateur grâce a la prodigieuse justesse des comédiens (inconnus pour la plupart, citons au moins celle qui interprète l’héroïne: la jeune Mala Powers dont l’incandescence rappelle Ida Lupino actrice).
Qu’importe la grossièreté des ficelles du scénario, qu’importe la faiblesse apparente des moyens à disposition, cette série B autoproduite montre que de telles contingences peuvent être balayées par la foi profonde d’une réalisatrice énergique en son art.
Le cheval de fer (The iron horse, John Ford, 1924)
Fresque édifiante sur la construction du chemin de fer américain. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas le meilleur muet réalisé par John Ford. La grandiloquence de l’histoire racontée n’est contrebalancée que par un trio de personnages comiques assez lourdauds. On peut cependant admirer la virtuosité du narrateur qui parvient malgré tout à maintenir un semblant d’intérêt chez le spectateur pendant plus de deux heures grâce à la multiplicité des intrigues et des personnages charriés par le film. Evidemment, chaque personnage pris individuellement est assez peu intéressant car il n’existe jamais au-delà de son basique stéréotype (le cow-boy intrépide, l’homme d’affaire lâche et véreux… ). On peut aussi regretter qu’une dimension politique essentielle de la construction du chemin de fer soit purement et simplement escamotée: le point de vue des Indiens dépossédés de leur terre n’est jamais exposé. Ils ne sont montrés qu’en assaillants permanents (à l’exception des Pawnees, gentils car alliés aux blancs) au cours de séquences redondantes mais indéniablement spectaculaires grâce à l’importance des moyens mis en œuvre. Au milieu de cette superproduction, Ford a tout de même réussi à intégrer une poignée de plans très personnels, donnant chair et sang à des figurants durant quelques secondes (ainsi d’un enterrement à la va-vite criant de vérité).
Bunny Lake a disparu (Otto Preminger, 1965)
Après plusieurs films à « grand sujet » (Tempête à Washington, Le cardinal), Otto Preminger s’essaie au thriller psychanalytique façon Hitchcock. L’argument de base est simplissime: une jeune femme, aidée par son frère, recherche sa fille disparue. Mais la petite fille existe t-elle vraiment ? C’est l’occasion de broder autour des fantasmes, des traumatismes et de la folie enfantine. Le traitement de Preminger est d’une rigueur imperturbable et jamais Bunny Lake a disparu ne dévie vers un quelconque grotesque façon Polanski. Le Cinémascope Noir et blanc est maniée avec l’élégance coutumière de cet immense cinéaste ici au faîte de son art. La neutralité apparente de la mise en scène rend d’autant plus insidieuse l’horreur de l’histoire. Les deux acteurs principaux, Carol Lynley et Keir-2001-Dullea jouent avec brio des rôles de névrosés a priori difficiles à rendre convaincants sans sombrer dans le ridicule post-Norman Bates. C’est ce sérieux d’une équipe d’artistes talentueux (il faut également citer la belle musique de Paul Glass) chapeautés par un réalisateur génial qui permet de rendre un film au scénario parfois bancal -la fin notamment- très intéressant.
A noter également pour les amateurs de pop que l’on voit les Zombies dans ce film.
L’escadron noir (The dark command, Raoul Walsh, 1940)
Un des premiers westerns de série A entrepris après le succès de La chevauchée fantastique en 1939.
Certains aspects sont encore d’une naïveté confondante. Ainsi, le héros joué par un John Wayne encore jeune est un des personnages les moins intéressants de l’oeuvre de Walsh. Il paraît bien fade face à Quantrill, la terreur de la guerre de Sécession présentée ici comme un amoureux désespéré. Ce lettré déçu par ses concitoyens, qui va se perdre en tentant de reconquérir la femme aimée, aurait pu être un bel avatar négatif du héros walshien si sa caractérisation avait été plus soignée. En l’état, son évolution est présentée assez sommairement.
Heureusement, le rythme enlevé de la narration, qui brasse plusieurs périodes (avant et pendant la guerre de Sécession) en 90 minutes, permet de passer un très bon moment. L’importance d’un contexte historique complexe entraîne une variété des enjeux dramatiques et des rôles endossés par les protagonistes (ainsi du frère de l’héroïne, joué par Roy Rogers, tantôt gentil tantôt méchant), variété qui confère un cachet feuilletonesque très agréable à l’histoire racontée. De plus, L’escadron noir comporte son lot de séquences d’action débridées, scènes extraordinaires comme on n’en filmait qu’à cette époque (par exemple, un attelage qui saute d’une falaise dans une rivière). La vivacité du rythme et la mise en scène spectaculaire permettent également de faire accepter au spectateur certains raccourcis scénaristiques un peu grossiers, la fin notamment.
Bref, L’escadron noir est un western de très bonne facture bien qu’assez superficiel du fait notamment de certains conventions narratives mal intégrées à la trame globale.
Indiscret (Stanley Donen, 1958)
Sur le papier, cela avait de quoi exciter l’amateur. Jugez-donc: une comédie romantique en Technicolor mise en scène par Stanley Donen avec Ingrid Bergman et Cary Grant dans un rôle de playboy similaire à celui qu’il tenait l’année précédente dans le chef d’oeuvre absolu de Leo McCarey qu’est Elle et lui. Le problème, c’est justement que le film ne va jamais au delà des clichés. Conscients des stéréotypes utilisés, les auteurs ne s’en servent pas pour arriver à quelque chose d’autre. Tout paraît balisé, tout semble avoir été déja vu auparavant en mieux (1958, c’est la fin de l’âge d’or). Le couple de stars cabotine plus qu’autre chose et le rythme est trop plat pour une comédie. Résulte de tout ça, un film assez ennuyeux malgré de jolis décors et un Cary Grant qui porte toujours aussi beau le smoking.
Une certaine rencontre (Robert Mulligan, Love with the Proper Stranger, 1963)
Merveilleux !
Un film qui, via un réalisme saisissant et des questions brûlantes abordées de front, régénère le pouvoir enchanteur du meilleur cinéma hollywoodien, pouvoir alors amenuisé par la fin de l’âge d’or des studios. En effet, le film démarre comme un drame intimiste avant de s’achever comme une comédie romantique sans que jamais le spectateur ne perçoive la transition. C’est que les clichés eux-mêmes sont des ressorts dramatiques puisque Une certaine rencontre peut être résumé comme la confrontation entre l’amour comme idéal formaté par les contes de fées et Hollywood et l’amour comme réalité sociale généralement contraignante (mariage…). Le film n’est ni plus ni moins que l’histoire d’une jeune femme à l’esprit indépendant (une femme « moderne » diront certains) qui va tenter de trouver sa voie entre le poids des traditions familiales et ses images d’adolescente qu’elle sait surannées mais qu’elle ne peut s’ôter de la tête. Ou comment composer avec la réalité pour trouver son bonheur. Le style de Robert Mulligan convient parfaitement à cette histoire à la fois crue et optimiste; c’est une parfaite synthèse entre acquis des nouvelles vagues (filmage dans la rue, ellipses audacieuses qui dynamisent la narration, représentation mature de la sexualité) et clichés utilisés avec justesse (la séquence dans le taxi de nuit, très hollywoodienne). Grâce à ce génie de la composition, le cinéaste arrive à de véritables miracles -tel, dans la séquence centrale de l’œuvre, la captation de la naissance du sentiment amoureux. De plus, la musique doucement lyrique d’Elmer Bernstein se marie à merveille aux images de Mulligan.
Enfin, il serait inconvenant de finir une chronique, si minime soit-elle, d’Une certaine rencontre sans parler du couple de vedettes. Steve McQueen est étonnant dans ce rôle à contre-emploi d’homme un peu terne dépassé par la situation.
Et, j’ai gardé le meilleur pour la fin, Natalie Wood est juste resplendissante dans ce petit chef d’œuvre. Comme j’espère vous en avoir convaincu, le film est excellent, mais Natalie est y tellement belle -ses yeux, son sourire, son corps, ses diverses coupes de cheveux, tout, tout, absolument tout concourt ici à l’élever au rang d’incarnation de la perfection féminine- qu’à elle seule elle justifie un coup d’oeil attentif sur cette oeuvre injustement méconnue du non moins injustement méconnu Robert Mulligan.
La Marie du port (Marcel Carné, 1949)
Après la guerre, les films de Carné sont débarrassés de la mythologie un peu toc insufflée par Prévert. Les films sont plus simples, les dialogues moins oiseux, les personnages plus désenchantés aussi. Néanmoins, une bonne partie de l’équipe mythique associée aux succès de l’avant-guerre (et de l’Occupation) a participé à La Marie du port. De Trauner aux décors à Kosma à la musique en passant par la dernière contribution, non-créditée, de Prévert au scénario. Sans oublier évidemment le retour de Gabin, excellent dans un de ses premiers rôles de notable provincial simenonesque, rôles qui allaient se faire récurrents dans sa filmographie à venir. Le film est bon, les décors sont évocateurs, la photo signée Alekan est superbe, le réalisme poétique a de beaux restes, même s’il est maintenant plus réaliste que poétique, ce qui n’est pas plus mal vu la gueule de la poésie dans des films comme Les visiteurs du soir ou Les portes de la nuit. Comme dans tous les Carné de l’époque, il y a cette peinture de la jeunesse que l’on sent faite par un vieux monsieur, mais le cinéaste se rattrape largement lorsqu’il évoque avec justesse la fin des illusions et la désacralisation des amours à travers un Gabin qui ne promet plus rien aux femmes, contrairement aux légionnaires des années 30. A ce titre, la fin apparaît un peu déplacée par rapport au reste.