L’acrobate (Jean-Daniel Pollet, 1976)

Suite officieuse du merveilleux L’amour c’est gai, l’amour c’est triste. Léon, le personnage récurrent des films de Pollet, se met ici au tango. Le comique est donc ici plus visuel, plus ouvertement influencé par le burlesque américain. Les scènes de danse remplacent les tirades de Marielle. Et on y perd pas mal. Claude Melki a beau être aussi inexpressif que Buster Keaton, ses gagmen -si gagmen il y eut- n’avaient certainement pas le talent de ceux de l’homme qui ne souriait jamais. De plus, dans la mesure où Léon n’a pas évolué d’un iota par rapport au précédent film -c’est toujours le même personnage de timide maladroit avec les filles-, L’acrobate souffre d’un fort ennuyeux air de déja-vu.

La statue qui marche (Das wandernde Bild, Fritz Lang, 1920)

Un homme accuse une femme d’avoir tué son cousin et la poursuit à travers les montagnes.
Lorsqu’ils ne sont pas bardés d’un envahissant folklore (mythologique ou « serialesque »), les muets de Fritz Lang peuvent s’avérer aussi passionnants que les films de sa période américaine. Découvrir La satue qui marche est d’abord l’occasion de nuancer voire d’infirmer certaines conneries que j’ai pu écrire dans ma note sur Western Union. En effet, le jeune cinéaste fait preuve ici d’une remarquable appréhension des paysages. Mea culpa. De plus, l’écriture dramatique anticipe L’invraisemblable vérité. Pour faire vite, sans gâcher le plaisir de la découverte, disons que dans La statue qui marche, les présumés coupables ne sont pas coupables mais ne sont pas tout à fait innocents non plus. Le film est donc purement langien. Enfin, on peut noter que le style direct et sans fioriture n’a rien d’expressionniste alors que Fritz Lang venait de travailler sur Le cabinet du Docteur Caligari avant d’en décliner la réalisation. Bref, le cinéphile peut remercier -encore une fois- Patrick Brion d’avoir exhumé cette rareté qui est beaucoup plus qu’une curiosité.

Les neiges du Kilimandjaro (Henry King, 1952)


Médiocre adaptation d’Ernest Hemingway. Gregory Peck n’est pas très à son aise et le style très classique d’Henry King n’est pas adapté au portrait de cet écrivain baroudeur et tourmenté. Passées à la moulinette hollywoodienne, les affres de de la Génération perdue apparaissent comme des peripéties mélodramatiques convenues. Heureusement, Zanuck a mis les moyens et le Kenya, Paris et l’Espagne donnent lieu à des vignettes pittoresques et dépaysantes. Le Technicolor de Leon Shamroy est magnifique.  Un film qui reste en surface des choses. La surface est jolie mais pas très expressive.

Cheyenne (Raoul Walsh, 1947)

Un joueur professionnel au passé douteux est chargé de capturer un mystérieux braqueur de diligences. Durant ses tribulations, il va séduire l’épouse du voleur…

Un western qui, sans l’afficher ouvertement, ne manque pas d’originalité. Les auteurs se jouent des carcans du genre et n’hésitent pas à lorgner vers la comédie pour nous présenter la naissance houleuse d’une histoire d’amour. C’est le désir amoureux qui guide les personnages dans ce western. Répliques à double sens, jeux de séduction piquants…Certains passages, tel la rencontre entre les deux futurs tourtereaux autour d’une baignoire sont dignes des screwball-comedies de la grande époque. Une telle séquence comique et les péripéties qui s’ensuivent permettent à Raoul Walsh de délivrer d’une façon proprement réjouissante une vérité dénuée de la moindre sentimentalité sur les rapports entre les sexes. Suprême élégance d’un metteur en scène qui n’a rien à prouver mais tout à offrir à son public.

Evidemment, le dynamisme entraînant de la mise en scène ne concerne pas que les séquences de comédie. Encore une fois, Walsh prouve que personne mieux que lui ne filmait l’action à Hollywood. Cheyenne n’est évidemment pas avare en attaques de diligence. Voyez la façon dont sont filmés les chevaux galopant face à la caméra. Plutôt que de les précéder systématiquement comme c’est souvent le cas dans les productions habituelles, l’opérateur se laisse déborder par les cavaliers, donnant ainsi une impression de mouvement débridé.

Les scénaristes se sont bien autorisés quelques facilités pour lier les différentes intrigues, sentimentales et policières mais le rythme de la narration est si trépidant que le spectateur ne s’en formalisera pas.

Kansas en feu (Kansas raiders, Ray Enright, 1950)

Les tribulations des frères James au sein des pillards confédérés menés par Quantrill.
Un western bien fait (bien raconté, bien joué) bien que dénué du moindre génie. La relation entre Jesse et Quantrill est intéressante mais n’est pas mise en avant par rapport au reste. On peut le regretter dans la mesure où le respect qu’a Jesse James pour cet illuminé de pacotille, respect qui montre la foi irrationnelle qu’un jeune homme peut avoir en un mentor, est l’aspect le plus singulier de cette plaisante production de série.

Nuages épars (Mikio Naruse, 1967)

Le douloureux cheminement d’un homme qui a tué le mari d’une jeune femme lors d’un accident de voiture et qui, rongé par le remord, tente de se faire pardonner.
Le dernier film de Naruse est un mélodrame de bonne facture mais assez pesant. Il nous montre un Japon qui change, il oppose la ville et la campagne. Peut-être manque t-il l’égérie Hideko Takamine pour illuminer ce film un tantinet académique.

Danger: Diabolik! (Mario Bava, 1968)

Un pur plaisir de cinéma !

L’histoire, tirée d’une bande dessinée populaire italienne, est transfigurée par Mario Bava. Imaginez vous un James Bond ou un Fantomas qui serait pour une fois mis en scène avec style. Décors, couleurs, accessoires, costumes, transparences, musique (de Morricone), tout cela est ici délicieusement pop. Les péripéties sont délirantes mais jamais ennuyeuses car chaque geste de Diabolik, chaque vol, chaque évasion, donne lieu à une idée de mise en scène qui renouvelle la surprise du spectateur. Danger Diabolik est un des plus grands films d’action qui soient parce que l’action n’est pas un ornement spectaculaire mais l’essence du film, son principe actif. Tout y est mouvement, enchaînement, process. Comme chez Raoul Walsh ou le Bresson d’Un Condamné à mort s’est échappé. D’ailleurs, le jeu monolithique de John Phillip Law qui joue Diabolik renvoie aux modèles bressonniens. Aucune psychologie, aucune expression d’émotion qui viendrait parasiter le programme du film. Diabolik est un corps dont la fonction est d’abord de tourner en ridicule les institutions étatiques puis de s’en mettre plein les poches pour enfin coucher avec la ravissante potiche blonde qui se promène en mini-short du début à la fin du film. Fabuleux plan où les diaboliques tourtereaux font l’amour sur un matelas de billets de banque. Tout l’esprit du film, anarchiste, inventif et terriblement sexy, y est condensé.

Scarface (Howard Hawks, 1932)

Dans le cadre du « blogathon » Early Hawks

Pourquoi regarder le Scarface de 1932 aujourd’hui ?
Auréolé d’une réputation sulfureuse dûe à ses démêlés avec la censure, quasi-invisible jusqu’au début des années 80, il jouit aujourd’hui d’un statut de classique quasi-indiscuté. Discutons donc cette réputation à l’aune de l’oeuvre de Hawks mais aussi à celle des films contemporains du même genre.

Si Howard Hawks aimait à dire qu’il considérait Scarface comme son film préféré, c’était sans doute pour des raisons extra-cinématographiques. Scarface ayant été réalisé avec son copain Howard Hughes contre un système hollywoodien que tous deux abhorraient, l’expérience est restée pour Hawks un idéal de travail en toute indépendance. Pourtant, d’un point de vue esthétique, le film est un des moins typiques de son auteur. Il est gorgé de symbolisme lourdingue et d’effets de style ostensibles (la mort de Boris Karloff au bowling, Raft qui joue perpétuellement à pile ou face…) dont la principale fonction depuis 70 ans est d’alimenter la glose des médiocres historiens du cinéma. Or ce qui caractérise les chefs d’oeuvre (non-comiques) de Hawks, c’est l’apparente disparition du style. La rivière rouge, Rio Bravo, Air force…sont des films dans lesquels tout le génie du cinéaste semble travailler dans une seule direction: nous faire oublier sa présence derrière la caméra pour mieux nous faire partager le quotidien extraordinaire des groupes d’aventuriers montrés. Scarface, lui, est très théâtral en dépit de ses séquences d’action nerveuses. Il avance par scènes. Son rythme, pas complètement maîtrisé, n’a ni la frénésie de La dame du vendredi ni la tranquille fluidité de La captive aux yeux clairs. En 1932, le cinéma parlant en est encore à s’inventer.

Certes audacieux pour l’époque, Scarface n’était toutefois pas le seul film du genre et ses difficultés avec la censure sont venues autant de l’instrumentalisation de la commission Hays par des moguls hollywoodiens empressés d’étouffer les velléités d’indépendance des cinéastes que du contenu réel du film. Par exemple, L’ennemi public de William Wellman, tourné la même année n’est pas beaucoup moins violent que Scarface. Il a de plus le mérite d’être plus sec, de ne pas faire dans le symbolisme ou la suggestion mais de proposer des plans percutants qui vont droit au but. Ainsi, aucune image dans le film de Hawks ne produit un effet aussi frappant sur le spectateur que la « livraison » finale du corps de James Cagney dans L’ennemi public.

Reste aujourd’hui un film de gangsters d’excellente facture mais dont les aspects les plus originaux ont été atténués par les exigences de la commission Hays: la relation incestueuse avec la soeur n’est plus que suggérée tandis que la mère, à l’origine une criminelle, devient moralisatrice pour que l’image des Italo-Américains ne soit pas trop froissée! Reste aussi un film qui a le mérite essentiel d’avoir inspiré le chef d’oeuvre opératique et moral d’Oliver Stone et Brian De Palma. C’est peut-être le propre des classiques que d’être copié mais aussi dépassé par des successeurs. Au contraire des chefs d’oeuvre qui eux, sans nécessaire postérité, ne peuvent susciter qu’un amour inconditionnel.

Låt den rätte komma in (Tomas Alfredson, 2008)


exercice de style pour parler d’un film suédois vu en festival qui ne sortira qu’en février 2009 en France. N’hésitez pas à me signaler les fautes.
En tolv år gammal pojke avskydd av sina klasskamrater och fascinerad av morden som sker i landet träffar en mystisk flicka.. Låt den rätte komma in är en skräckfilm som inspelar blodsugaren. Det är översatt från en bok av John Ajvide Lindqvists. Tomas Alfredson avvisa bekvämen föreställningen. Rytmen är långsam. Det finns många ellipser men flera blodbefläckad bilder berör. Skräckfilmen är använt skull måla upphovet ungdomen. Vermod musiken gör känna förvirringar rollers. Aktören som förställer yngre blodsugaren är utmärkt. Låt den rätte komma in är en bra film.

L’enfer de la corruption (Force of evil, Abraham Polonsky, 1948)


Le cas de conscience d’un avocat au service de la pègre confronté à son frère qui lui est honnête.
On ne peut nier une certaine force dans la mise en scène -lors des quelques séquences d’assassinat notamment- mais la fable gauchiste est lourdement moralisatrice et convenue dans son déroulement. L’enfer de la corruption ne vaut pas les œuvres contemporaines de Jules Dassin, autre communiste hollywoodien qui réalisait des films noirs.

Les distractions (Jacques Dupont, 1960)


Paul, un journaliste parisien désoeuvré est chargé d’un article sur un malfaiteur qui a tué un policier en s’enfuyant. Il se trouve que le malfaiteur est un ancien camarade de régiment qui a sauvé la vie de Paul en Algérie…Les distractions est un film pleinement ancré dans la Nouvelle Vague telle que l’a définie Françoise Giroud en 1957 dans la mesure où c’est un film sur la jeunesse branchée de l’époque vu par un « jeune » (moins de quarante ans) cinéaste. Jolies filles, décapotables, fêtes sur les Champs-Elysées…le film raconte en fait l’histoire d’un jeune homme superficiel et amoral que l’expérience de l’amitié rendra un peu moins con. Son personnage n’est pas aussi intéressant que celui de Silien dans Le doulos mais Belmondo est très bien dans ce rôle. C’est filmé sans génie mais au sein d’un ensemble convenu, il y a quelques passages frappants comme le plan furtif où le fuyard mange dans une auge.

Les dents du diable (The savage innocents, Nicholas Ray, 1959)

La confrontation dramatique d’un inuit à la culture occidentale.
Les dents du diable commence par une longue exposition à la limite du documentaire. Le cinéma, c’était aussi un moyen de découvrir des contrées et des peuplades peu connues et cette partie du travail est bien remplie par Nicholas Ray. Voir les esquimaux filmés en Cinémascope déambuler au milieu des icebergs en kayak pourrait suffire au bonheur du spectateur avide d’horizons nouveaux. Lentement, la tragédie s’installe sans que la mise en scène ne perde son épure ni sa simplicité. Le récit s’articule autour de la confrontation de deux civilisations. Sans angélisme du type « bon sauvage », sans diabolisation de l’homme blanc, les auteurs font preuve d’un réel respect pour une culture qui vit en harmonie avec la nature au prix parfois d’âpres sacrifices. Anthony Quinn excelle dans l’interprétation du héros esquimau traqué.

Si, malgré ses multiples qualités, Les dents du diable ne figure pas parmi les chefs d’oeuvre de Nicholas Ray, c’est que le génie de son auteur réside d’abord dans la finesse de ses analyses psychologiques et que son lyrisme plastique s’épanouit avec la peinture de personnages tourmentés par une société aliénante ou par une fêlure intime. Caractéristique qui en fait d’ailleurs le cinéaste de la modernité par excellence. Manque donc dans ce film sur un héros au fonctionnement archaïque la secrète vibration qui parcourt La maison dans l’ombre, Le violent, Derrière le miroir et autres joyaux incandescents. Les dents du diable n’en reste pas moins un beau film.

Le pays de la violence (I walk the line, John Frankenheimer, 1970)

Dans une petite ville du Tennessee, un shérif marié s’amourache de la fille d’un trafiquant d’alcool…
L’ambiance du sud américain est remarquablement captée. Le rythme du film épouse la langueur associée à cette région, la caméra est particulièrement attentive aux tronches typiques de hillbillies. La sensualité innée de la jeune Tuesday Weld qui réveille le désir du shérif contribue à une atmosphère de concupiscence larvée qui rappelle l’univers d’Erskine Caldwell tandis que la sécheresse du style de Frankenheimer renforce le caractère inéluctable de la descente aux enfers du héros. Tout le film est une mise en pièce progressive de ses illusions. Celui qui tente de sortir de son cadre de vie mortifère, celui qui « walks the line », en paye le prix fort. L’interprétation de Gregory Peck vieillissant insuffle une émotion qui empêche l’oeuvre de sombrer dans le pessimisme facile et cynique.
Scandé par la magnifique country de Johnny Cash qui donne un sens métaphysique aux images automnales du cinéaste, I walk the line est une tragédie âpre qui compte parmi les plus beaux films de John Frankenheimer.