La guerre est finie (Alain Resnais, 1965)

Les interrogations existentielles d’un militant communiste espagnol en exil à Paris.

Un film aussi excitant que le laisse présager ce sujet. C’est guindé, dévitalisé, théorique et finalement très marqué par son époque. Montand, déja moyennement crédible chez Carné ou Clouzot, est carrément gênant à écouter quand il récite de grandes phrases sur la révolution et la fin des idéaux. Tout apparaît alambiqué, bêtement complexe. Ainsi des séquences surdécoupées qui surlignent l’intention de faire de l’aaaaaart mais n’expriment pas grand chose. Ainsi des phrases pompeuses sur la révolution qui surlignent l’intention de faire un film « intelligent ». Tout simplement irregardable.

Le sport favori de l’homme (Howard Hawks, 1964)

Un expert connu pour ses articles sur la pêche est invité par une jeune attachée de presse à un tournoi. Seul problème: le journaliste n’a jamais pêché de sa vie.

Avec cette comédie loufoque, Howard Hawks tenta de renouer avec ses réussites passées, L’impossible Monsieur Bébé en premier lieu. Malheureusement, Le sport favori de l’homme n’est qu’un pâle ersatz des classiques hawksiens. La faute d’abord à un rythme paresseux. Le film dure deux heures, c’est bien trop long au vu de l’indigence dramatique du film. Les gags sont peu inventifs voire simplement repris tel quel des comédies précédemment réalisées par Hawks. Enfin, Rock Hudson, en s’appliquant à copier Cary Grant, fait cruellement regretter l’absence de son prédécesseur dont il n’a ni la fantaisie naturelle ni le charme inné. Son corps horriblement guindé n’est pas à son aise avec le burlesque hawksien. Bref, ce recyclage très faiblard n’a pour intérêt qu’une poignée de moments sympathiques dans lesquels les vieilles recettes hawksiennes parviennent à arracher un sourire ainsi que le charme de la trop rare Paula Prentiss.

Le bonheur (Agnès Varda, 1964)

François, jeune menuisier parfaitement heureux avec son épouse et ses enfants, rencontre un jour Emilie, une ravissante postière…

Le bonheur, c’est d’abord le plaisir d’un film ensoleillé qui, à l’aide de couleurs éclatantes et de magnifiques actrices, montre les joies d’une vie simple, en harmonie avec la nature. C’est ensuite un film triste sous lequel point cruellement, après une apologie décontratée de l’amour libre, une certaine gravité. Comme dans Jules et Jim, la réinvention des règles de l’amour est vouée à l’échec. Cette transition morale n’est pas aussi brillante, apparaît plus convenue que dans les films de Max Ophuls, influence maintes fois revendiquée par le couple Demy/Varda. Bien que dans l’ensemble le style soit sans éclat, des affèteries gâchent certaines séquences. Ainsi de l’ultime étreinte entre François et sa femme dont le montage sous différents angles annihile le potentiel dramatique au profit de…rien du tout. Le bonheur laisse le souvenir d’un film plaisant et intéressant mais inabouti. Il est en cela typique d’une certaine tendance de la Nouvelle Vague.

La nuit de Varennes (Ettore Scola, 1982)

Le récit de la tentative de fuite de Louis XVI, avec différents témoins, différents personnages.

Ce microcosme est évidemment censé symboliser la révolution. Le procédé est éculé mais plutôt bien utilisé. Les acteurs sont bons, Scola évite le côté « défilé de stars » malgré une distribution exceptionnelle (un film qui réunit Jean-Louis Barrault et Harvey Keitel, ça n’est pas rien) et le caractère polyphonique du récit évite un discours trop simpliste sur les évènements. Néanmoins, la mise en scène reste banale, les standards baroques réorchestrés par Armando Trovajoli peinent à lui donner un peu de poids. Pas désagréable mais loin d’être inoubliable.

De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (Paul Newman, 1972)

Une femme américaine élève seule ses deux filles de 13 et 17 ans. Elle tente de s’en sortir socialement et surtout sentimentalement et émotionnellement.

Et oui, c’est l’émotion qui est au centre de l’oeuvre. Les états d’âme d’une Joanne Woodward sublimée sont l’objet des attentions de la caméra de son mari. Derrière un très beau titre sibyllin dont la signification est révélée au cours du film, De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites est le superbe portrait d’une femme à la sensibilité à vif. Sans tambour ni trompette mais avec une justesse et une élégance de chaque instant (voyez notamment le soin apporté au cadre, à la photo), Newman magnifie le combat de cette héroïne des temps modernes qui se bat au quotidien sans même en avoir conscience, qui souffre, qui se cogne, qui se plante mais qui sera -peut-être- sauvée par son amour incommensurable. Le cinéaste se révèle héritier de Kazan, mais un Kazan qui aurait troqué ses discours théoriques (psychanalytiques, sociologique…) contre une empathie inconditionnelle envers ses personnages. D’où l’impression de vérité nue. D’où le souffle d’espérance ressenti à la fin de la projection.

Occupe toi d’Amélie (Claude Autant-Lara, 1949)

Des spectateurs bourgeois interfèrent avec le déroulement d’un vaudeville.

Le vaudeville en question est tiré de Feydeau donc est particulièrement brillant. Les dialogues sont vifs, les bons mots légion. De même, la distribution chevronnée s’en donne à coeur joie. Les décors de Max Douy sont particulièrement jolis, la mise en scène est spectaculaire, jonglant entre la scène et le public à coups de travellings vertigineux. Bref, Occupe toi d’Amélie est un film virtuose et chiadé. Mais c’est un mauvais film. Pourquoi ? Parce que toutes ces prouesses apparaissent vite comme des gesticulations terriblement vaines.  Le cabotinage des comédiens en roue libre, les allers-retours injustifiés entre théâtre et scène, après avoir épaté le spectateur le fatiguent vite faute d’être soutenus par une vision forte.

En effet, la mise en abyme ne justifie pas longtemps la grossièreté de la mise en scène, ne proposant finalement aucune véritable réflexion sur la frontière entre théâtre et réalité (contrairement à Toâ de Sacha Guitry qui sortait la même année).  Le propos du film est particulièrement limité, les auteurs sacrifiant tout à ce cynisme facile qui est la marque de plusieurs des films français d’après guerre. Les filles sont vénales, les jeunes hommes couchent avec la fiancée de leur meilleur ami, les pères sont des maquereaux, les dignitaires bradent les décorations militaires…c’est superficiellement immoral mais profondément bête. Ce n’est même pas assez développé pour qu’on puisse qualifier ça de discours antibourgeois, c’est juste une vision du monde de scénaristes déconnectés de la complexité de la réalité, une vision du monde fondamentalement laide et ennuyeuse. Que reste t-il à sauver ? Les cheveux d’or de  Danielle Darrieux. Et c’est tout ? Et c’est tout.

L’ange de la rue (Frank Borzage, 1928)

Une jeune fille pauvre qui a volé pour soigner sa mère se réfugie dans un cirque. Elle y rencontre un peintre qui tombe amoureux…

On ne dira jamais assez de bien des quatre mélos réalisés par Frank Borzage à la Fox entre 1927 et 1929. Ce sont les parangons d’un cinéma à jamais révolu dont la foi indéfectible dans une histoire apparemment très simple était exprimée à travers une mise en scène d’une pureté inouïe. Pour l’œuvre de Borzage, contrairement à celle de Sirk, pas de regard ironique possible, pas de postérité entretenue par une descendance dégénérée (Fassbinder, Ozon, Haynes…). Dans Street angel, le cinéaste est parvenu à un tel degré de maîtrise qu’il n’y a presque pas de cartons pour faire avancer la narration. Les images suffisent.

Voyez les plans-séquences magistraux du début qui, en un minimum de temps, donnent vie à la Naples recréée en studio! Admirez la grâce absolue de Janet Gaynor dont l’interprétation est au-delà des mots! Appréciez la limpidité d’une écriture dramatique révélant la complexité des enjeux d’une trame très simple; permettant ainsi à l’auteur de montrer de la plus émouvante des manières que la foi est l’essence d’un couple. Savourez la bonne dose d’humour dont Borzage teinte son mélodrame, évitant allègrement la lourdeur pathétique! Pleurez devant l’acmé finale, manifestation d’un amour définitivement triomphant digne de Elle et lui! Le film est muet mais rarement des cris auront été si bouleversants au cinéma. « Look at myes eyes Gino ! »

Lame de fond (Undercurrent, Vincente Minnelli, 1946)

Une vieille fille enfin mariée apprend par son époux qu’elle a un beau-frère psychopathe. Mais le psychopathe est-il celui que l’on croit?

Ce film noir psychanalytique est, en dépit d’un excellent trio d’acteurs (Katharine Hepburn, Robert Mitchum, Robert Taylor), un des ratages de Minnelli. Le récit patine, le film est bavard et le déroulement s’avère assez prévisible.

Raining in the mountain (King Hu, 1979)

Dans la Chine médiévale, différentes personnes convoitent le poste de chef d’un monastère bouddhique. Il conspirent, se trahissent mais surtout se foutent sur la gueule.

Pendant deux heures. Difficile de s’intéresser à l’histoire qui ne dépasse le stade de l’anecdote que pour dispenser des messages niaiseux à base de « sagesse » bouddhiste. Restent les combats d’arts martiaux malheureusement réalisés sans le moindre souci de continuité. Les raccords peu clairs sont peut-être voulus mais ne créent qu’une impression de confusion. D’une manière générale, la mise en scène est franchement kitsch; « kitsch » au sens « ringard » et non au sens « baroque désacralisé ». L’hirondelle d’or tourné une dizaine d’années auparavant par le même King Hu alors que le cinéaste n’avait pas encore été récupéré par les festivals occidentaux est un film bien plus réussi, ne se payant pas de prétentions intellectuelles et épuré comme un western de Boetticher.

Beau geste (William Wellman, 1939)

Trois frères adoptés par une riche Lady fuient la demeure dans laquelle ils ont grandi lorsque le saphir de leur bienfaitrice est dérobé par l’un d’entre eux. Ils  s’engagent dans la Légion étrangère…

Un beau film d’aventures classique avec de grands sentiments et de belles images. C’est très bien cadré mais ça ne tombe jamais dans l’imagerie. Ca sent la sueur et le sable chaud. Les passages avec le sergent sadique qui cumule tous les vices du monde auraient peut-être gagné à être supprimés car ils éloignent l’oeuvre de sa thématique sur l’honneur et la fidélité fraternelle mais ça reste un film d’excellente facture, une des références du genre.

La bête s’éveille (The sleeping tiger, Joseph Losey, 1954)

Un psychiatre installe un délinquant chez lui pour vérifier ses théories sur la réinsertion.

La réinsertion n’est qu’un prétexte pour montrer les relations malsaines qui peuvent se tisser lorsqu’un couple de bourgeois est fasciné par un hors-la-loi. Le canevas est donc similaire à celui des oeuvres de Losey des années 60, plus prestigieuses. La différence c’est qu’ici, le style est plus percutant. Le film dure moins de 90 minutes et a l’allure d’un thriller. La mise en scène appararaît d’abord épurée: le film est en noir et blanc, format 1:33, les décors sont réduits à l’essentiel. Mais au fur et à mesure que la tragédie se met en place, la stylisation est de plus en pregnante, les éclairages contrastés dramatisent la narration. Direct et sans fioriture, La bête s’éveille n’a pas la puissance d’évocation du Garçon aux cheveux verts ou l’intensité dramatique de Temps sans pitié mais c’est un des bons films de Joseph Losey.

Les pirates du rail (Christian-Jaque, 1937)

L’ingénieur en chef d’une ligne ferroviaire en Indochine affronte une bande de pillards.

Un film d’aventures coloniales assez typique du cinéma français commercial des années 30. La distribution réunit Charles Vanel, Suzy Prim, Erich Von Stroheim, Dalio…Christian-Jaque est aux commandes et fait bien son travail de technicien, on note la vivacité de sa caméra. La vision des Asiatiques est raciste mais d’un racisme franc, assumé et qui n’exclut pas le respect de l’autre. Là où le film apparaît moralement détestable, c’est dans le personnage du métèque mi-juif mi-rital qui s’enrichit sur le dos des nations. Cliché xénophobe bien représentatif de son époque, cliché évidemment incarné par Dalio. Rien que pour avoir permis à cet immense acteur de jouer le  marquis de La Chesnaye, on ne remerciera jamais assez Jean Renoir. Ceci étant dit, Les pirates du rail est un film assez ennuyeux dont le grand tort est de se prendre très au sérieux malgré des personnages caricaturaux. Il manque l’essentiel brin de fantaisie qu’on retrouvait dans les films américains du même registre (disons La charge de la brigade légère).

un texte plus joli que le film

Female (Michael Curtiz, 1933)

La directrice d’une firme automobile, ne vivant que pour son travail, couche avec tous ses employés mais un nouvel ingénieur refuse ses avances…

Commencé par Dieterle, continué par Wellman et achevé par Curtiz finalement seul réalisateur crédité au générique, Female est une comédie piquante, typique des années précédant le durcissement du Code Hays en 1934. On y parle de sexe sans détour. La liberté de ton, le rythme enlevé (ça ne dure qu’une heure, c’est impeccable), l’abattage de l’excellente Ruth Chatterton, la concision de la narration font de ce film un très agréable moment en même temps que le produit  admirable de perfection d’une usine à rêve qui était alors à son rendement maximal. On regrettera simplement la fin un peu bêtement conventionnelle (le revirement complet de l’héroïne n’étant pas approfondi).

Bang the drum slowly (John D. Hancock, 1973)

Un excellent joueur de base-ball pose une condition inhabituelle à son engagement dans un nouveau club: il exige que son pote, pas très brillant et atteint d’un cancer, soit recruté avec lui. Ce sera leur dernière saison ensemble.

Le cadre du film de base-ball est l’occasion de célébrer l’amitié et la camaraderie. En dehors d’un nombre important de ralentis, figure obligée et malheureusement très laide du genre, la mise en scène relativement sobre empêche le film de sombrer dans le vulgaire tire-larmes. Ce malgré l’aspect mélodramatique du sujet et son traitement très sentimental voire naïf. Robert De Niro à ses débuts est touchant dans son rôle de péquenaud condamné. A noter enfin que d’après son livre d’entretiens avec Lawrence Grobel, Bang the drum slowly serait le film préféré d’Al Pacino.

Le grand escogriffe (Claude Pinoteau, 1976)

Un trio d’escrocs minables enlève l’enfant d’un riche mafieux. L’opération réussit mais le bébé de remplacement plait plus a son père que l’original…

Cette comédie policière produite par Philippe de Broca est une sorte d’ersatz de film de de Broca. Il y a certes un mélange plutôt bien équilibré entre comédie, film policier et mélancolie mais les personnages sont superficiels, la mise en scène manque d’envergure, le producteur n’a pas insufflé sa poésie, son regard attendri sur les doux rêveurs. La musique baroque de Georges Delerue, une des ses partitions les plus réussies dans ce style, le cabotinage de Montand et le charme d’Agostina Belli peinent à relever une sauce bien fade.

Au fil de l’eau (House by the river, Fritz Lang, 1949)

Note dédiée à bubulle

Un écrivain frustré tue malencontreusement sa servante qui se refusait à lui. Il demande à son frère de l’aider à camoufler le crime…

C’est le début d’un engrenage terrible qui va révéler les tréfonds de chacun des trois personnages impliqués dans le drame: l’écrivain, son frère et son épouse. Chez Lang, l’intrigue policière est en effet un prétexte pour mettre à nu l’âme humaine dans un implacable mouvement tragique. House by the river est un de ses films dans lesquels apparaît le plus clairement ce qu’il pense de l’humanité: TOUS COUPABLES. La dualité entre les deux frères peut, au premier abord, faire croire à une vision du monde manichéenne mais, après tout, si le gentil aide son frère criminel c’est qu’il désire sa femme…Pour l’auteur de M le maudit, le mal fait partie intégrante de l’être humain.  C’est génialement montré dans les séquences du début, celles qui mènent au meurtre. Le spectateur s’identifie tout de suite à cet homme moyen qui reluque et taquine sa jeune et jolie domestique. Et, la précision du découpage et l’expressivité des acteurs aidant, le meurtre apparaît comme inéluctable. La fatalité et les pulsions de l’homme sont intimement liés.

Ceci étant dit, House by the river est surtout un film dans lequel éclate le génie plastique de son auteur.  Le cinéaste prolonge les recherches picturales entamées l’année précédente dans Le secret derrière la porte, film dont les images étaient particulièrement sombres. Désormais, les contrastes restent marqués  mais, dégagés de la pesanteur signifiante qui caractérisait le style du Secret derrière la porte, ils chantent l’obscurité de la nature américaine. La façon dont les bois et la rivière de studio sont éclairés rappelle forcément La nuit du chasseur. A ceci près qu’ici, le fleuve est un motif récurrent dont le symbolisme est plus littéral, ce qui stoppe d’emblée la comparaison avec la mise en scène du film de Laughton, chef d’oeuvre de poésie pure.

Le seul point faible du film réside dans la séquence du procès, ennuyeuse car purement dévolue à montrer  l’état de l’enquête policière. Or ce qui est intéressant, c’est précisément tout le reste. House by the river n’en reste pas moins une des oeuvres majeures de Fritz Lang, un film dont la puissance tragique n’a d’égale que la beauté plastique.

La rupture (Claude Chabrol, 1970)

Un notable tente de ruiner la réputation de sa bru pour récupérer la garde de son petit-fils après une violente scène de ménage.  La séquence de prégénérique est géniale d’intensité violente, c’est digne du meilleur Fuller. Après, ça devient long, ça manque de concision, une myriade de personnages secondaires diluent le drame initial pour faire dévier le film vers une sorte de vague critique de la médiocrité provinciale. Dommage.

L’ardente gitane (Hot blood, Nicholas Ray, 1956)

Dans une grande ville américaine, le chef d’un clan gitan souhaite que son jeune frère lui succède. Il arrange un mariage avec une belle gitane mais le jeune frère n’est pas très attaché aux traditions de son clan…

L’ardente gitane, c’est surtout une orgie plastique, un Scope-couleur éclatant, une mise en scène baroque qui lorgne vers la comédie musicale sans s’y abandonner vraiment (à la manière de Traquenard du même Nicholas Ray). Le film part d’un folklore très kitsch, celui des gitans vus par Hollywood, pour arriver à l’histoire d’un jeune homme qui se fritte avec avec sa famille, avec ses traditions par soif de vivre indvidualiste. C’est donc, au fond, typiquement rayien.  Plusieurs séquences de blabla redondantes alourdissent la narration et le film n’est tout compte fait qu’à demi-réussi mais il satisfera les amateurs de son auteur.

A l’angle du monde (The edge of the world, Michael Powell, 1937)

La chronique des habitants d’une île écossaise isolée. Certains jeunes veulent partir pour trouver des opportunités plus , d’autre refusent d’abandonner la terre de leurs ancêtres.

Réalisé après une multitude de « quota-quickies », films de série tournés à la chaîne, A l’angle du monde est le premier projet personnel de Michael Powell. Déja, on y retrouve ce style documentaire nimbé de féérie qui sera la marque de ses plus beaux films. En effet, A l’angle du monde est d’abord un film sur les habitants des îles Shetland, sur leurs moeurs, leurs coutumes, leur pays. Mais plutôt que de se limiter à une description sociologique, le cinéaste,  en véritable esthète, célèbre la beauté de ce et ceux qu’il filme. Ce ne sont pas les passages sublimes qui manquent dans ce métrage d’une heure et quart. L’âpreté des falaises attaquées par la houle, les landes brumeuses, les femmes en noir qui se tiennent au large pendant que leurs maris s’en vont en mer, autant de motifs qui, en plus de montrer la profonde dignité des habitants de l’île, chantent la beauté tellurique et païenne d’un monde archaïque. Certes, l’équilibre dramatique entre fiction romanesque et contemplation n’a pas encore atteint la perfection de Je sais où je vais mais A l’angle du monde est bel et bien une splendeur, la première réalisée par Michael Powell.

Sept épées pour le roi (Riccardo Freda, 1963)

Au début du XVIIème siècle, des nobles intriguent pour déposséder le roi de son trône.

Conjurations, sadisme, poursuites, duels…tous les ingrédients du film de cape et d’épée sont présents dans ce film de Riccardo Freda très prisé des amateurs du cinéaste mais le liant, c’est à dire la narration, manque gravement de substance. Lorsqu’à la même époque (1964), Anthony Mann met en scène La chute de l’empire romain, il donne de l’épaisseur à ses personnages, il insuffle une dimension tragique à ce qu’il raconte en plus de réaliser un film superbe plastiquement. Cette prise au sérieux de l’histoire racontée, l’eusse t-elle déja été mille fois, c’est peut-être ce qui faisait la différence entre Hollywood et le reste du monde. Ici au contraire,  le fait que les auteurs ne dépassent jamais les conventions et la fadeur des acteurs empêchent l’implication du spectateur dans le film. Reste la  préciosité baroque de la mise en scène. Sept épées pour le roi est l’oeuvre d’un esthète. Il y a un beau travail sur la couleur, la lumière. Brio et inventivité caractérisent les séquences d’action (excellent duel final dans la salle de torture notamment) mais a contrario les  passages de dialogue sont d’une affligeante platitude.