Un ouvrier rencontre une standardiste à Coney Island.
Autrement dit « Boy meets girl ». Solitude ne raconte ni plus ni moins que le début d’une histoire d’amour dans une grande ville moderne. Aucune réelle originalité (les scènes de kermesse sortent tout droit de L’aurore) mais une perfection technique de chaque instant. Ce chant du cygne du cinéma muet bénéficie de tous les acquis de trente ans d’art silencieux. Surimpressions, travellings et montage accéléré sont employés avec la plus évidente des virtuosités par le cinéaste. Qu’il s’agisse d’évoquer l’effervescence des standardistes débordées, la liesse populaire à la fête foraine ou la simplicité des tâches quotidiennes, Fejos ne manque ni d’habileté ni de tact. Il fait même oeuvre de poète à l’occasion de certaines séquences. Ainsi de la merveilleuse solitude du couple au milieu de la piste de danse. Cependant, et c’est peut-être la singularité de Solitude, cette maîtrise absolue du réalisateur va de pair avec une attention réaliste à ce qu’il représente. Son film ne manque pas de vie et Barbara Kent, qui a fêté son 103ème anniversaire le mois dernier, ne manque pas de fraîcheur.
Tout au plus pourra t-on regretter que ce flot vertigineux d’images ne fasse guère plus qu’illustrer la romance: le discours sur le manque de communications dans une société industrielle est loin d’avoir la profondeur de celui de Vidor dans La foule, sorti la même année. Mais après tout, l’ambition de Fejos n’est certainement pas la même que celle de Vidor. Et en tant que tel, son film est une parfaite réussite. Pour peu que l’on accepte sa sentimentalité parfois excessive (l’homme qui se met à pleurer à la fin), Solitude s’avère tout à fait charmant.