Les mystères de Lisbonne (Raoul Ruiz, 2010)

Au XIXème siècle, un enfant naturel élevé dans un couvent retrouve sa mère qui lui raconte son histoire…

Je n’aime guère le style de Raoul Ruiz qui a tendance à figer la vie sous un glacis de travellings millimétrés. En témoigne son épouvantable adaptation de Proust. Les mystères de Lisbonne est néanmoins un film époustouflant parce qu’il s’agit du récit le plus vertigineux vu au cinéma depuis, disons, Il était une fois en Amérique. Se déployant sur une durée-fleuve de 4h30, la narration multiplie et imbrique les flashbacks, flash-forwards et autres glissements de point de vue sans perdre le spectateur. Ce spectateur ne s’ennuie pas non plus pour peu qu’il soit sensible au charme d’intrigues qui descendent en droite ligne des feuilletons populaires du XIXème siècle. Filles de bonne famille perdues par amour, brigands devenus prêtres, sinistres hommes de main cachés derrière la porte dérobée, duels pour l’honneur…et coïncidences énormes que ne renierait pas le Victor Hugo des Misérables sont en effet la matière des Mystères de Lisbonne.

Mais alors quid de la mise en scène de Ruiz? Même si le foisonnement romanesque fait que le film ne manque pas de souffle, la mise en scène de Ruiz, toujours aussi précieuse et certes moins enlevée que celle d’un Walsh ou d’un de Broca, n’est pas idéale pour rendre le mouvement de telles aventures. Pourtant, la distance induite par l’extrême sophistication des plans, distance qui apparente le film au livre d’images plus qu’au cinéma d’aventures hollywoodien, se justifie magistralement et douloureusement à la fin. Ces Mystères de Lisbonne sont brodés de l’étoffe des rêves d’enfant.

6 commentaires sur “Les mystères de Lisbonne (Raoul Ruiz, 2010)

  1. Bonjour, personnellement, j’avais aimé l’adaption de Proust par Raul Ruiz. Ces Mystères de Lisbonne m’ont aussi beaucoup plu, surtout la première partie (j’ai vu le film avec un entracte). J’ai trouvé long les séquences avec les acteurs français mais pour le reste, on en redemande: les décors, les costumes, la musique (superbe) et le plaisir d’entendre la langue portugaise. Dommage que le roman dont est adapté le film ne soit pas traduit en français. Je l’aurais bien lu. Bonne après-midi.

  2. assassiner ainsi négligemment « le temps retrouvé » est un peu abusé, tout comme négligemment mettre sur un pied d’égalité walsh et de broca !

  3. Moi, ce qui me paraît grave abusé, c’est d’aimer à la fois la prose de Marcel Proust pleine de vie, d’affects et d’intelligence et « Le temps retrouvé » de Raoul Ruiz sans vie, sans affect, sans intelligence.
    Le temps retrouvé, ce n’est pas Proust, c’est une compilation de clichés sur Proust (l’auteur fiévreux qui écrit dans son lit avec photo jaunie…non mais franchement).

    Si tu me lis bien, je ne mets pas Walsh et de Broca sur un pied d’égalité, je dis simplement que leurs mises en scène sont toutes deux très enlevées (je n’allais pas comparer Ruiz qu’à un cinéaste hollywoodien, ç’aurait été injuste or de Broca a justement réalisé quelques-unes des rares réussites française dans le genre cape et épée).
    Cartouche vaut bien Capitaine sans peur.

  4. mon commentaire était surtout motivé par le plaisir qu’il y a à utiliser cette expression (dont tu as l’air friand également) ; j’ai un bon souvenir du film de ruiz, tout amateur de proust que je suis.

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