Sans lendemain (Max Ophuls, 1939)

Une entraîneuse qui élève seule son fils retrouve son amoureux de jeunesse qui appartient à la haute-société.

Basé sur des flashbacks qui confèrent un passé complètement ahurissant à l’héroïne, le scénario est particulièrement mauvais. Il est plein de facilités mélodramatiques. C’est dommage parce que l’esprit de l’histoire racontée est assez ophulsien ainsi qu’en témoignent les thématiques de nostalgie, de croyance en l’éphémère ou d’illusion de la pureté qui affleurent ici ou là…Peut-être aurait-il fallu que Max Ophuls prenne davantage de distance vis-à-vis de son matériau en même temps que des croyances désuètes qui poussent l’entraîneuse dans l’abîme. Edwige Feuillère livre une composition mélodramatique et jusqu’au-boutiste tout à fait dans le ton du film mais Georges Rigaud est assez terne. Ajoutons que les dialogues sont chargés de pseudo-poésie à deux balles, comme c’était la mode en ce temps-là. En l’état, Sans lendemain est un mélo à peine sauvé de la médiocrité par une jolie quoique parfois trop précieuse lumière d’Eugène Shuftan, une belle séquence enneigée qui rappelle Liebelei et une fin superbe.

The devil thumbs a ride (Felix E. Feist, 1947)

Un jeune marié prend un tueur en auto-stop…

Série B adaptée d’un roman pulp que l’on peut décomposer en deux huis-clos successifs: l’intrigue commence dans une voiture et se poursuit dans une maison. Sans être renversant de maîtrise, le film se laisse regarder sans déplaisir. Cela ne se prend pas au sérieux, la noirceur du thriller est couplée a un humour sardonique bienvenu. Exemple: alors qu’un pompiste lui montre fièrement une photo de sa gamine, le tueur balance: « avec de telles oreilles, elle saura voler avant de marcher ». LOL!, comme qui dirait. Ce mixte tout à fait inhabituel pour l’époque annonce le cinéma de Tarantino, fan déclaré du film qui donnera à l’excellent Lawrence Tierney le rôle du caïd dans Reservoirs dogs.

Strangers in the night (Anthony Mann, 1944)

Un soldat rapatrié veut rendre visite à la femme avec qui il correspondait. Il tombe sur sa mère, un brin timbrée…

Le gros problème de ce thriller psychanalitico-gothique de série Z (il dure 55 minutes donc on n’a pas trop le temps de s’ennuyer) est un scénario consternant qui essaie de faire mystère d’une révélation éventée par l’ensemble des spectateurs au bout d’un quart d’heure. Plusieurs séquences d’une bêtise sans commune mesure ne dépareilleraient pas dans un sketch des Inconnus. Strangers in the night est donc ce qu’il est convenu d’appeler un nanar mais précisons qu’il est excellemment cadré par Reggie Lanning, futur chef opérateur des Alfred Hitchcock présente, et Anthony Mann qui faisait alors ses débuts de réalisateur.

L’implacable (Cry danger, Robert Parrish, 1951)

Sorti de prison, un homme injustement condamné tente d’extorquer de l’argent au caïd par qui il a été roulé.

Cry danger est un petit film noir indépendant tourné dans les rues de Los Angeles. Des dialogues piquants signés Williams Bowers, le charme de Rhonda Fleming, une formidable séquence de roulette russe et une fin étonnamment désenchantée le sauvent de la plus pure des banalités. Pas mal.

Trafic en haute mer (The breaking point, Michael Curtiz, 1950)

Le capitaine d’un bateau de pêche en difficulté financière accepte des missions douteuses…

Deuxième adaptation de To have and have not, The breaking point n’a rien à voir avec le classique de Howard Hawks qui jouait beaucoup sur la mythologie et les rapports de séduction entre Lauren Bacall et Humphrey Bogart. Ce film est bien plus sec, bien plus concret, bien plus désespéré, bref bien plus proche du style d’Hemingway.  Michael Curtiz revient en quelque sorte au réalisme social Warner des années 30 sauf qu’en 1950, il bénéficie de la perfection technique d’un studio à son apogée. Les dialogues sont percutants, la photographie est superbe tandis que, fait rarissime dans le cinéma hollywoodien d’alors, la musique est quasiment absente. Il faut dire que le parfait découpage classique fait tenir le film debout tout seul.

The breaking point suit Harry Morgan, un marin qui fait vivre sa famille en essayant, confronté à des tentations d’ordres divers et variés, de ne pas perdre sa dignité d’homme. John Garfield qui lorsqu’on lui a présenté le projet s’est intimement reconnu dans le personnage d’Harry Morgan livre ici ce qui est peut-être la meilleure prestation de sa carrière.

Dénué du lyrisme habituel du cinéaste, le film est mis en scène avec réalisme, simplicité et délicatesse. Par exemple, à un moment du film, le pote du héros se fait tuer par les méchants. Pure convention. Seulement à la fin de la sordide aventure, il y a des plans sur le fils attristé de cet homme. Discrets, intégrés à une large séquence de retour du bateau au port, ces plans bouleversants montrent que le personnage n’a pas été oublié et lui confèrent une dignité qui transcende largement l’archétype de faire-valoir qui était le sien au départ.

Le seul point faible du film par rapport à la version de Hawks, c’est l’attribution du rôle initialement tenu par Lauren Bacall à Patricia Neal. Actrice honorable, cette dernière n’a cependant pas le sex-appeal de sa prédécessrice et est donc peu crédible en allumeuse.

Joyau méconnu du cinéma américain qui met à l’amende tout ce qu’a pu commettre John Huston dans le genre, The breaking point est un des meilleurs films du prolifique et excellent Michael Curtiz.

Je donnerais un million (Mario Camerini, 1935)

Un milliardaire dégoûté par ses semblables rencontre un clochard désespéré alors que tous deux allaient se jeter au fleuve. Le milliardaire dit à son nouvel ami qu’il serait prêt à donner un million à qui lui redonnerait foi en l’humanité.

L’idée de départ est donc marrante. La scène d’introduction rappelle celle des Lumières de la ville. On aurait pu croire à une comédie grinçante façon Dino Risi trente ans avant l’heure. Malheureusement, on a en fait affaire à un film plat et niais, typique de l’ère fasciste. Le charme de Vittorio De Sica acteur ne suffit pas. Comme dans d’autres comédies de la période, la morale est un peu rance: il est bon que chacun reste à sa place. Ici, la fête foraine suffit aux prolos.

Le cambrioleur (Paul Wendkos, 1957)

Après avoir dérobé le collier d’une riche rombière, un cambrioleur voit sa jeune partenaire les quitter, lui et son gang.

Ce bref synopsis donne un aperçu de l’originalité de ce premier film de Paul Wendkos qui allait plus tard s’illustrer à la télévision. Plus qu’une intrigue savamment charpentée, ce sont les réactions des personnages qui font le récit écrit par David Goodis (ce fut son seul scénario). D’où le fait que Le cambrioleur s’éloigne parfois des « codes du genre ». L’inhabituelle relation paternalistico-sentimentale tissée entre le héros et la jeune fille a plus à voir avec certains mélodrames archaïques (tel l’excellent Laugh, clown, laugh avec Lon Chaney) qu’avec le polar. Dan Duryea et Jayne Mansfield trouvent ici des rôles qui sont restés parmi leurs meilleurs.

Le cambrioleur brille également par sa mise en scène pleine de trouvailles et d’expérimentations. Les cadrages inventifs et les raccords fulgurants, s’ils sont parfois de l’ordre du gadget, renouvellent sans cesse l’intérêt du spectateur. Il y a également un semblant de vernis qui ancre l’action socialement parlant. Les débardeurs des malfrats, l’ambiance moite, l’énervement suscité par le train qui passe à proximité du petit appartement donnent une réelle consistance au lieu et aux personnages qui y habitent. J’aimerais revenir sur cette excellente idée du train. Paul Wendkos met d’abord en exergue un détail réaliste qui donne une présence originale à son décor avant de sublimer ce détail via un travail expressionniste sur le son et l’image qui lui permet alors d’exprimer les passions des voleurs qui, après un casse éprouvant, subissent ce bruit à longueur de journée. C’est tout simplement brillant.

Le cambrioleur est donc un joyau de la série B comme on les aime. Les quelques raccourcis schématiques du scénario ne peuvent gâcher le plaisir ressenti devant une telle liberté et une telle inventivité déployées en 90 minutes chrono.

L’exploit d’un éclaireur (Boris Barnet, 1947)

Pendant la Grande guerre patriotique, un espion soviétique infiltre l’entourage d’un général allemand.

Inspiré des prouesses de Nikolaï Khokhlov, L’exploit d’un éclaireur est un film de propagande soviétique transfiguré par la stylisation de l’atypique Boris Barnett. Un récit vertigineux à base de doubles-jeux et de simulations donne une certaine complexité à un film au sujet simpliste. On pourrait regretter que l’infaillibilité d’un héros jamais dupe altère la crédibilité de ce récit mais ce serait passer à côté du charme naïf d’un film dont l’esprit a finalement plus à voir avec Les aventures de Tintin qu’avec Staline.
La poésie de studio et la virtuosité d’une narration capable de synthétiser plusieurs mois d’action en trois plans ne sont probablement pas les moindres des qualités ayant contribué à faire de L’exploit d’un éclaireur le film-fétiche de plusieurs générations de petits Russes dont l’excellent Vladimir Poutine qui, d’après la légende, lui doit sa vocation d’agent du KGB.

Coup de fouet en retour (Backlash, John Sturges, 1956)

Un homme enquête sur la mort de son père disparu dans une embuscade apache alors qu’il ramenait un magot avec cinq collègues.

Coup de fouet en retour est un western à l’intrigue dense et oedipienne. Les intentions intellectuallisantes sont donc là mais, malgré un scénario signé Borden Chase qui a écrit entre autres merveilles Les affameurs, Je suis un aventurier et L’appât, le film est loin d’avoir l’évidence et la fluidité des westerns qu’Anthony Mann réalisait pour le même studio à la même époque. La mise en scène de John Sturges est carrée mais dénuée d’inspiration. Une force du cinéma d’Anthony Mann, c’était le génie du cadrage. L’homme était capable d’imposer une situation dramatique en un plan tout en magnifiant ses décors naturels. Ici, on se contente de suivre le déroulement routinier d’un script conventionnel jusque dans son coup de théâtre. Heureusement, l’interprétation expressive de Richard Widmark donne une certaine épaisseur à un héros dont les questionnements et autres dilemmes apparaissent cousus de fil blanc.
Bref, Coup de fouet en retour est un film assez plaisant mais oubliable.

L’étoile cachée (Ritwik Ghatak, 1960)

Une jeune femme supporte le poids de sa famille pauvre.

Réputé comme le chef d’oeuvre du cinéaste indien Ritwik Ghatak, L’étoile cachée est un mélodrame social raté parce que, bouffi par des prétentions symbolistes, le réalisateur ne se soucie aucunement de continuité dans son montage et son découpage. Chacun de ses raccords paraît incongru. Les dissonances systématiques ne produisent aucune émotion mais empêchent le spectateur de rentrer dans une histoire déjà fort peu intéressante à la base (l’intrigue est un mélo tout ce qu’il y a de plus conventionnel). Faute d’un découpage ordonné et d’une mise en scène digne de ce nom, l’espace n’est pas correctement restitué et les personnages ne sont jamais intégrés à leur environnement social et géographique. D’où un film qui demeure décharné et théorique d’autant que l’intrigue avance plus par des tunnels de dialogue que par l’action.

Réputé comme le chef d’oeuvre de Ritwik Ghatak, L’étoile cachée est un mélodrame social raté parce que, bouffi par des prétentions symbolistes,
le cinéaste ne se soucie aucunement de continuité dans son montage et son découpage.
Chacun de ses raccords paraît incongru. Les dissonances systématiques ne produisent aucune émotion mais
empêchent de le spectateur de rentrer dans une histoire déjà fort peu intéressante à la base (l’intrigue est un mélo tout ce qu’il y a de plus conventionnel).
Faute d’un découpage ordonné et d’une mise en scène digne de ce nom, l’espace n’est pas correctement restitué et les personnages ne sont jamais intégrées à leur environnement.
D’où un film qui demeure décharné et théorique d’autant que l’intrigue avance plus par des tunnels de dialogue que par l’action.
Réputé comme le chef d’oeuvre de Ritwik Ghatak, L’étoile cachée est un mélodrame social raté parce que, bouffi par des prétentions symbolistes,
le cinéaste ne se soucie aucunement de continuité dans son montage et son découpage.
Chacun de ses raccords paraît incongru. Les dissonances systématiques ne produisent aucune émotion mais
empêchent de le spectateur de rentrer dans une histoire déjà fort peu intéressante à la base (l’intrigue est un mélo tout ce qu’il y a de plus conventionnel).
Faute d’un découpage ordonné et d’une mise en scène digne de ce nom, l’espace n’est pas correctement restitué et les personnages ne sont jamais intégrées à leur environnement.
D’où un film qui demeure décharné et théorique d’autant que l’intrigue avance plus par des tunnels de dialogue que par l’action.

Les désemparés (The reckless moment, Max Ophuls, 1949)

Dans une banlieue américaine cossue, une mère au foyer tue l’amant de sa fille qui la faisait chanter. Surgit alors un nouveau maître chanteur…

Dernier film tourné aux Etats-Unis par Max Ophuls, Les désemparés est l’ultime preuve que, contrairement à ce que l’intéressé lui-même affirmait, le cinéaste sarrois a su s’adapter aux contraintes hollywoodiennes. Certes l’exigence du réalisateur l’a empêché d’achever plus de quatre films en dix ans de présence sur le sol américain mais au final, de ce quartet, seul Caught s’avère raté.

Les désemparés est ainsi une oeuvre tout ce qu’il y a de plus personnel de la part de Max Ophuls. Il y a d’abord la facture. Le découpage en plans-séquences  et les contrastes du noir et blanc siéent parfaitement à l’univers du film noir. Cela crée une certaine poésie visuelle qui ne verse pas dans l’esthétisme gratuit car les travellings virtuoses sont avant tout au service d’une narration qu’ils vivifient considérablement. Les désemparés aurait pu n’être qu’un exercice de style, un film où Max Ophuls se serait comporté en habile ouvrier, aurait recyclé ses figures de style en trucs de fabrication pour livrer un bon produit d’usine. Mais Les désemparés est encore plus que ça.

Il y a en effet une bifurcation narrative qui, à mi-chemin, donne tout son sel au film. Subtilement, le film noir se fait mélodrame. Les sentiments s’immiscent dans la mécanique du chantage. Les prétextes un peu grossiers de l’intrigue policière sont oubliés et on se focalise sur les réactions d’une femme bien sous tout rapport qui souffre du secret qu’elle porte et se met à douter de sa condition sociale et sentimentale. Vous l’aurez compris, ce film de genre tourné à la Columbia annonce par certains aspects Madame de…Il y a même une scène que le cinéaste refera -et sublimera- dans le chef d’oeuvre de 1953: celle de la vente des boucles d’oreille au prêteur sur gage. On retrouve dans ce film de commande  l’acuité du regard du cinéaste sur la légèreté de la femme et le tragique qui la guette. Et ça donne lieu à de très belles scènes d’autant que Joan Bennett convient parfaitement au rôle de l’héroïne.

L’originalité des Désemparés au sein de l’oeuvre d’Ophuls tient au fait que pour une fois, c’est l’homme qui commence à vaciller avant de se perdre par amour. James Mason incarne magnifiquement ce marlou fasciné par ce qu’il imagine être la haute-société. Le film exprime une vision particulièrement cruelle de la société américaine en montrant l’étanchéité des classes qui la composent et la pourriture larvée au sein de sa bourgeoisie. Ainsi le happy end conventionnel  est chargé d’une profonde amertume, la femme retournant à son foyer sans avoir pu lavé son péché et portant sur sa conscience le poids du sacrifice d’un voyou. C’est quand même nettement moins con que Desperate housewives.

Poussière d’ange (Edouard Niermans, 1986)

Un flic largué par sa femme s’attache à une jeune paumée et enquête sur une série de meurtres de notables.

Sans être exceptionnel, Poussière d’ange est un bon polar à la française. Le scénario contient quelques coïncidences faciles mais l’ambiance techno-poisseuse (excellente B.O. qui fleure bon les années 80) est assez réussie et le tout est rehaussé par l’excellente prestation de Bernard Giraudeau en flic au fond du trou.