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Un escroc minable qui reprend le chantier abandonné d’une portion d’autoroute menant à un patelin paumé se voit dépassé par son arnaque.
En s’inspirant d’un extraordinaire fait divers, Xavier Giannoli parvient à captiver le spectateur pendant près de 2h30 avec une construction d’autoroute. Comment a t-il réussi cette prouesse? D’abord, l’importance accordée aux résonances socio-économiques du projet donne une ampleur romanesque au récit. C’est toute une région incarnée par une myriade de personnages secondaires que l’on voit se réveiller à cause de (grâce à?) cet escroc mythomane. Ces personnages solidement caractérisés sont sources d’une multitude d’enjeux dramatiques qui enrichissent considérablement la trame narrative. Les auteurs n’hésitent pas à mélanger les genres. Les scènes de règlements de compte entre truands alternent avec les confessions intimes sans que cela n’apparaisse artificiel, cela suit toujours la logique de l’évolution des personnages.
Au coeur de ces gigantesques travaux, il y a ce très beau personnage de petit malfrat enfermé dans ses mensonges. François Cluzet restitue excellemment sa complexité, son mystère et, aussi, son vide existentiel. Ne serait un découpage bêtement confus lors des scènes d’action, la mise en scène est à l’avenant de ce film ample. Le style est d’un réalisme assez abstrait qui flirte parfois avec le fantastique. Giannoli n’hésite pas à oser un certain lyrisme, plaçant ici un mouvement de grue à la Delmer Daves, là un plan très large de Cluzet cavalant dans la rase campagne pour magnifier ses chantiers et les passions ambigües de son héros. A l’origine est donc un film ambitieux, original et réussi et la critique, les institutions (Césars) et le public ont eu tort de lui préférer, en 2009, Un prophète qui n’est guère plus qu’une démonstration d’élève appliqué.