Deux jeunes femmes emménagent dans une cité HLM…
Quinze ans avant La Haine, Jean-Claude Brisseau, fort de son expérience de prof à Bagnolet, montrait, avec infiniment plus d’intelligence que Mathieu Kassovitz, la misère économique, sociale et affective des habitants des grandes barres HLM. Plus réaliste que ses travaux postérieurs, ce premier film professionnel n’en est pas moins teinté de grotesque. La tranquille accumulation de morts violentes du début ne va pas sans humour noir. Ainsi le « je t’ai déjà dit de ne pas toucher aux cadavres » lancé par un père à son fils après que leur voisine se soit jetée par la fenêtre. Entre deux séquences d’une violence extrême, la fantaisie des seconds rôles contribue aussi à faire respirer le spectateur. Lucien Plazanet, sorte de cousin homo de Bernard Menez, est génial.
Au fur et à mesure de son déroulement, le film se concentre sur le drame d’une jeune fille trop pure pour son environnement. La vie comme ça se révèle alors, en plus d’une chronique visionnaire, un des films les plus importants des années 70. En dramatisant le conflit entre une déléguée du personnel et sa hiérarchie dans une PME avec un savoir-faire hollywoodien, le cinéaste prend à bras-le-corps la réalité sociale de son temps tout en inscrivant son film dans la tradition immémoriale des plus beaux mélos doloristes. La frêle pureté de Lisa Hérédia n’a d’ailleurs rien à envier à celle de Lilian Gish chez Griffith. Immense et bouleversant.
Oui, oui et oui : excellente critique pour un film excellent qu’il faut absolument redécouvrir. Les films de Brisseau sont à la fois bien ancré dans leur époque (comme « De bruit et de Fureur », cet opus là est effectivement assez visionnaire) mais ils la dépassent aussi (peut-être ce sens du mélo, du sacré que tu soulignes à la fin). D’où ce sentiment d’une œuvre qui vieillit très bien (j’avais très peur d’abimer les beaux souvenirs de ‘Céline » et ‘l’ange noir » en les revoyant et ce sont toujours de magnifiques films) et qu’elle est de première importance…
ce serait bien qu’il revienne à ce genre de cinéma le père Brisseau. Moins théorique, plus ancré dans la réalité et donc plus romanesque que ses trois derniers opus.