Deep waters (Henry King, 1948)

Dans le Maine, un orphelin pris en charge par l’assistance publique se lie avec un pêcheur de homards…

L’ancrage dans une communauté de pêcheurs peinte avec précision et empathie par Henry King ainsi que de très bons comédiens en tête desquels le jeune Dean Stockwell donnent de la consistance à ce récit convenu voire simpliste d’enfant fugueur.

L’antre de la folie (Behind locked doors, Budd Boetticher, 1948)

Un détective privé se fait passer pour fou pour intégrer un asile où un caïd en fuite se serait réfugié…

Le travail sur les contrastes de l’image ne suffit pas à relever l’intérêt de cette petite série B tant le scénario est inepte, le rythme mou du genou et l’interprète du héros (Richard Carlson) fadasse.

Fast-walking (James B. Harris, 1982)

Un maton qui trempe dans des trafics louches fait un choix décisif lorsqu’un chef activiste noir arrive dans sa prison.

Un polar bavard, décousu et vague dont la surprenante fin affirme cependant la personnalité. Le charme de la rare Kay Lenz ainsi que le drame qui se noue dans la dernière partie (bien tardivement) rendent ce Fast-Walking regardable. James Woods est sympathique mais un peu trop cabotin.

J’ai vécu l’enfer de Corée (The steel helmet, Samuel Fuller, 1951)

En Corée, un vétéran dont l’unité a été anéantie rejoint une troupe menée par un officier inexpérimenté.

Ce classique schéma d’opposition entre gradé frais émoulu et sous-officier endurci par l’expérience est heureusement subverti par les événements du récit. On verra ainsi que si le sergent n’a jamais été promu malgré ses qualités de guerrier, c’est que son manque de sang-froid peut s’avérer extrêmement dangereux. D’une façon générale, l’action remet sans cesse en question les frontières morales et les types établis. Toujours, l’implacable vérité des faits vient densifier les personnages au mépris des conventions (morales ou narratives). C’est ce qui donne aux films de guerre de Fuller leur vérité humaine et leur incomparable émotion. L’admiration sincère du fantassin devenu cinéaste pour ses anciens camarades n’exclue nulle part la lucidité: idée géniale du prisonnier communiste tentant de faire de la subversion en parlant de la discrimination raciale aux Etats-Unis à l’infirmier noir.

Au sein de cette reconstitution éminemment réaliste de la guerre, il y a des images insolites, tel celle du sergent halluciné (Gene Evans, extraordinaire révélation d’acteur) appelant ses camarades de Normandie au milieu de la fumée des obus coréens. Contrainte par un budget extrêmement limité (Steel helmet est un film indépendant), la mise en scène de Samuel Fuller va droit au but. J’en veux pour preuve le travelling arrière qui ouvre le film, travelling emblématique du style direct et frappant de l’ancien éditorialiste new-yorkais. Le génie de Fuller, c’est d’abord le fruit de l’expérience extraordinaire d’un homme aux multiples vies.

La dénonciation (Jacques Doniol-Valcroze, 1961)

Un ancien résistant assommé lors d’une scène de meurtre hésite sur l’attitude à avoir face au commissaire de police tandis que sa mémoire lui revient.

Troisième long métrage du fondateur des Cahiers du cinéma, La dénonciation est un film plus sérieux et –formellement parlant- moins désinvolte que ceux que ses petits camarades de la Nouvelle Vague réalisaient alors. Il s’agit de retranscrire le dilemme d’un homme au passé tourmenté. Et de montrer finalement l’absurdité de ce dilemme. Chose cinématographiquement pas évidente qui, en terme de narration, passe ici par des flashbacks, une voix-off explicative et une intrigue assez emberlificotée. On saura gré au cinéaste d’avoir intelligemment précisé et dramatisé les enjeux d’un sujet aussi lourd (pour ne pas dire pesant) en s’appuyant notamment sur une extraordinaire maîtrise du Cinémascope et une distribution adéquate dont on retiendra un excellent Maurice Ronet et un pittoresque Sacha Pittoef.

La fille du bois maudit (The trail of the Lonesome Pine, Henry Hathaway, 1936)

Dans les Appalaches, un ingénieur souhaitant installer une exploitation de charbon perturbe une vendetta entre deux familles locales.

Ce qui frappe d’emblée, c’est la splendeur des couleurs : la beauté des feuillages automnaux et des lacs de montagne n’a d’égale que celle du visage, maquillé au-delà de tout réalisme, de Sylvia Sidney. Le pari de sortir les lourdes caméras Technicolor du studio, pour la première fois, s’avère largement payant.

La peinture des paysans arriérés brille par sa justesse de ton. Ni complaisant ni vulgairement condescendant, Hathaway alterne la bizarrerie comique, la violence sauvage et la sympathie émue avec franchise et naturel. Je pense au moment où les hommes signent le contrat d’exploitation d’une croix. Instant pudique et touchant qui révèle dans le point de vue sur les péquenauds une grandeur absente de n’importe quel « chef d’œuvre » des frères Coen. Le récit est éloigné de tout manichéisme et l’arrivée de la civilisation dans cette communauté reculée, globalement présentée comme bienfaitrice, ne va pas sans perte ni fracas.

Ce fracas donne lieu dans la dernière partie du film à une puissante accélération dramatique dont l’implacable dureté transcende une certaine théâtralité latente et des conventions parfois intégrées grossièrement au scénario. Henry Hathaway sait faire poindre le détail saillant qui donne tout son poids à une scène donnée. Exemple : les spasmes de Dave mourant.

La fille du bois maudit est donc un très bon film.

Á annan veg (Hafsteinn Gunnar Sigurðsson, 2011)

En Islande, un homme et son beau-frère installent les marquages d’une route.

Variante neurasthénique et alcoolisée (bref: islandaise) des comédies régressives américaines contemporaines (David Gordon Green en a d’ailleurs réalisé un remake). Il y a des scènes légèrement sympathiques mais le film manque par trop d’ampleur narrative et son intérêt est limité.

Les mousquetaires de l’air (Flight, Frank Capra, 1929)

Chez les Marines, un pilote et son mécanicien, qu’il a formé, sont amoureux de la même femme.

Il y a une belle noblesse dans la description du triangle amoureux mais le rythme pâteux typique des débuts de parlant ainsi que la large place accordée aux séquences de guerre (par ailleurs impressionnantes) empêchent Flight d’atteindre la pureté de son sublime petit frère: Dirigible.

Spartacus (Riccardo Freda, 1953)

En 74 av J.C, le gladiateur Spartacus soulève les esclaves contre Rome.

Mis en scène avec habileté, le Spartacus de Freda est un classique péplum qui ne manque pas de qualités dramatiques ni plastiques mais qui, dans sa deuxième partie, échoue à atteindre l’ampleur politique qu’appelait son scénario faute de précision dans les articulations de celui-ci et d’envergure chez l’interprète principal : le viril Massimo Girotti est très convaincant en guerrier ombrageux, il l’est moins en meneur révolutionnaire. Gianna Maria Canale, elle, est belle à se damner; ce qui convient idéalement à son rôle de tentatrice.

Noix de coco (Jean Boyer, 1938)

A Menton, un horticulteur apprend que sa nouvelle et vertueuse épouse est « Noix de Coco », l’entraîneuse avec qui il eut une liaison à Saïgon du temps de sa jeunesse…

Contrairement à d’autres films de Jean Boyer, cette comédie est médiocre du fait que:

  1. le scénario s’éparpille et n’approfondit aucune piste narrative
  2. les dialogues ne sont pas des plus inspirés
  3. il n’y a pas de chansons pour agrémenter la sauce

Les révoltés de la Claire-Louise (Appointment in Honduras, Jacques Tourneur, 1953)

Pour assurer un rendez-vous avec des rebelles au Honduras, un aventurier américain détourne un cargo, s’allie à des repris de justice et prend en otage un couple de riches touristes.

Solide petite série B d’aventures. Le suspense autour des péripéties exotiques (à noter les plans particulièrement terrifiants de reptiles en tous genres et dans toutes sortes de situations) n’est pas une fin en soi mais révèle les personnages à eux-mêmes. La survie dans la jungle fait naître au sein du groupe une violence érotique qui ramène peu à peu hommes et femmes à un état pré-civilisé. Le viril Glenn Ford et l’affriolante Ann Sheridan en sont les parfaits interprètes. Outre sa concision, c’est cette place centrale accordée aux personnages (à l’évolution conjointe de leurs caractères, de leurs positions sociales et de leurs désirs) qui rend un Appointment in Honduras infiniment supérieur aux pseudo-films d’aventures tournés trente ans après avec dix fois plus de savoir-faire technique et de moyens financiers. Il y a ainsi plus d’humanité dans le regard jeté par Ann Sheridan à son mari avant d’embrasser l’homme qui lui a sauvé la vie que dans l’intégralité des quatre Indiana Jones.

Hard, fast and beautiful (Ida Lupino, 1951)

Une femme ambitieuse pousse sa fille à devenir championne de tennis…

Hard, fast and beautiful n’est certes pas une tornade dramatique et humaniste comme l’étaient les précédents films d’Ida Lupino: Avant de t’aimer, Never Fear et Outrage. Il a plus à voir avec le réalisme critique de The bigamist. Personne dans les années 50 n’avait filmé les classes moyennes de banlieue avec une telle lucidité. En une poignée de séquences, la réalisatrice révèle avec une tranchante acuité tout ce que l’american way of life charrie de rêves frelatés et de rancœurs malsaines. Mettre à jour la dialectique infinie de la frustration et de l’ambition permet à la cinéaste de garder une certaine hauteur de vue et de préserver son récit des facilités mélodramatiques; en d’autres termes, le personnage de la mère « a ses raisons » et c’est heureux pour la vérité dramatique. La justesse de l’interprétation de Sally Forrest et Claire Trevor concourt également à cette vérité dramatique. Au sein d’un film au découpage plus sage que ses réalisations antérieures, plusieurs plans montrent le génie d’Ida Lupino, un génie de la condensation et de la fulgurance. Outre la célèbre fin, je songe à cette terrible image des deux époux séparés par une tête de lit, la femme se faisant les ongles pendant que l’homme déclare son amour en s’excusant piteusement d’être ce qu’il est.

Le roman d’un jeune homme pauvre (Abel Gance, 1935)

Un marquis ruiné se fait embaucher comme régisseur pour assurer une dot à sa fille…

Impossible de déceler la touche d’Abel Gance dans cette histoire à dormir debout platement mise en scène. De plus, Marie Bell compte parmi les interprètes féminines les moins jolies d’un réalisateur qui avait habituellement fort bon goût en la matière.

L’insoutenable légèreté de l’être (Philip Kaufman, 1988)

A Prague en 1968, un chirurgien coureur de jupons se marie à une serveuse…

Du roman épate-adolescentes de Milan Kundera, Kaufman et Carrière ont simplifié la construction narrative vainement alambiquée mais ont gardé les phrases pseudo-philosophiques; ce qui laisse à leurs dialogues un côté artificiel. Le récit aurait gagné à se focaliser sur le couple principal et à évacuer le personnage de Lena Olin dont les intrigues sentimentales apparaissent comme autant de cheveux sur la soupe (quoique l’actrice soit délicieuse). Les liens de la petite histoire avec la grande Histoire apparaissent plaqués en plus de donner lieu à des séquences spécieuses où l’image de la fiction passe au noir et blanc pour que le spectateur ne puisse plus la distinguer des images d’archives. Douteux procédé. Bref, L’insoutenable légèreté de l’être est un film bancal et superficiel que le puissant magnétisme de ses trois acteurs principaux ne suffit pas à sauver d’un vague inintérêt (c’est que ça dure pas loin de 3 heures).

Un de la légion (Christian-Jaque, 1936)

Après avoir été entraîné par un truand à boire des pastis, un Marseillais récemment marié est envoyé dans la légion étrangère.

Amusante comédie de propagande sur un brave type à la botte de sa femme devenant « un homme, un vrai » une fois à la légion qui repose essentiellement sur Fernandel, ici génial. Les inflexions dramatiques du récit sont étonnantes mais quelque peu appuyées.

Flamme de mon amour (Kenji Mizoguchi, 1949)

Dans les années 1880 au Japon, les combats et désillusions d’une militante féministe.

Raconter l’histoire de Toshiko Kishida permet à Mizoguchi de synthétiser et d’expliciter le propos féministe qui sous-tend la quasi-totalité de son oeuvre. Flamme de mon amour est un film romanesque et didactique qui aurait pu servir à son auteur de carte de visite pour Hollywood si les studios californiens avaient eu coutume d’embaucher des réalisateurs japonais. Finalement assez optimiste, le cinéaste délaisse quelque peu la sécheresse implacable qui fut par ailleurs la sienne pour filmer les femmes victimes de la société japonaise. Il s’accorde même de belles envolées lyriques tel le superbe travelling latéral lors de la première manifestation. L’avant-dernier plan est aussi beau et amer que la fin de L’homme qui tua Liberty Valance. Kinuyo Tanaka, encore une fois, y est pour beaucoup.

Le baron fantôme (Serge de Poligny, 1942)

Sous la Restauration, une jeune comtesse et la fille de sa nourrice s’installent dans le château de leur grand-oncle décédé où il ne reste plus qu’un domestique et son fils….

Le scénario passablement fumeux manque de fermeté dramatique mais Serge de Poligny a un certain talent visuel pour mettre en valeur son folklore à base de trésor caché et de jeunes filles somnambules (un an avant Tourneur de l’autre côté de l’Atlantique).