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En Espagne, une danseuse dont le fils est malade essaye de retrouver son ancien amant, un riche notable qui marie sa fille.
On voit bien que la narration est le cadet des soucis de l’esthète avant-gardiste Marcel L’Herbier tant son scénario accumule les poncifs sans la moindre rigueur dramatique. Le récit fait cohabiter deux lignes directrices (l’histoire de la mère et l’histoire de la fille) sans grand souci d’harmonie ou de cohérence. Quatre-vingt-treize ans après sa réalisation, ces lacunes dans l’écriture handicapent considérablement un film qui fit pourtant sensation à sa sortie et qui demeure intéressant à bien des égards.
Outre les flous délibérés de l’image qui peuvent paraître aujourd’hui un peu volontaristes, force est de constater l’inventivité dont Marcel L’Herbier fit preuve dans la technique du découpage. Cette inventivité n’est pas toujours formalisme stérile. Ainsi, la multitude et la variété des angles de prises de vue immergent le spectateur dans les scènes d’une façon encore plus poussée que chez Griffith (par exemple). C’est très sensible dans l’introduction.
Le travail sur le montage et la durée des plans préfigure quant à lui les grands cinéastes soviétiques. Si le suicide final n’a rien perdu de son intensité dramatique, il le doit, outre au jeu d’Eve Francis plus convaincante ici que dans les films de son mari Louis Delluc, au génie rythmique d’un cinéaste très influencé par l’impressionnisme musical. La musique de Marius-François Gaillard, symphonie en symbiose avec les images, contribue aussi aux reliquats de fascination qui peuvent émaner aujourd’hui de El Dorado. Cette musique aurait d’ailleurs été la première à être intégralement composée en fonction d’un film (d’après L’Herbier dans son entretien aux Cahiers du cinéma en 1968, Saint-Saens se serait contenté de sortir une partition d’un de ses tiroirs pour accompagner L’assassinat du duc de Guise en 1908).