Fanfare d’amour (Richard Pottier, 1935)

Parce que la mode est aux orchestres féminins, deux musiciens se travestissent pour décrocher un contrat.

Le film français dont Certains l’aiment chaud est le remake s’avère une très bonne comédie. Des ressorts de vaudeville bien rodés sont enrobés par une plaisante loufoquerie probablement due à l’influence de Pierre Prévert qui a participé au scénario et qui est premier assistant. Les acteurs s’en donnent à coeur joie (Carette égal à lui-même, Gravey qui fait vraiment penser à Tony Curtis, Madeleine Guitty irrésistible de drôlerie) et le filmage de Richard Pottier ne manque ni d’invention ni de pertinence. Je pense par exemple au malicieux travelling lorsque les deux travestis se présentent à leurs collègues dans le train: à ce moment là, c’est la mise en scène -et elle seule- qui produit l’effet comique. Seul un rythme parfois mollasson empêche Fanfare d’amour de rivaliser avec les chefs d’oeuvre les plus endiablés de la comédie américaine.

Lac aux dames (Marc Allégret, 1934)

Le maître-nageur d’un lac de montagne est courtisé par différentes jeunes filles.

La peinture des sentiments a la fausseté des bluettes, la mise en scène manque de dynamisme et de fraîcheur, les effets poétiques sont désuets mais le charme insolite de Simone Simon, révélée par ce film, est, lui, toujours vivace.

Fedora (Billy Wilder, 1978)

Pour relancer sa carrière, un producteur indépendant tente d’engager une ancienne star hollywoodienne recluse en Grèce…

Cette énième critique de Hollywood par Hollywood se singularise en cela qu’elle pousse très loin la métaphore du star-system assimilé au vampirisme. Cette métaphore fait tendre la satire vers le pur mélodrame. Cette tendance fantastico-mélo (qui correspond à ce qui tourne autour des rapports entre Fedora et sa fille) est ce qu’il y a de plus réussi dans ce film, ce qui s’accorde le mieux à une narration en tiroirs qui néglige la crédibilité la plus élémentaire au profit de sidérants rebondissements.

Fais-moi très mal mais couvre-moi de baisers (Dino Risi, 1968)

Croyant à des ragots malveillants, un jeune coiffeur s’en prend à sa fiancée qui s’enfuit alors.

Comédie italienne qui se distingue des autres films du genre par une teinte burlesque et absurde assez prononcée. L’humour est donc diversifié, les acteurs sont bons et pas mal d’idées comiques percutent ici et là mais il manque à ce récit hétérogène, de par sa nature picaresque, et qualitativement inégal (ainsi la partie « amants diaboliques » est moins convaincante, plus convenue, que la satire sociale qui précède) l’esprit de synthèse propre aux chefs d’oeuvre de Dino Risi (tel Une vie difficile). Film tout de même drôle, inventif et varié, Fais-moi très mal mais couvre-moi de baisers est d’autant plus emblématique de la vitalité du genre dans lequel il s’inscrit qu’il n’a pas le caractère exceptionnel d’un classique.

Le tueur du Montana (Gunsmoke, Nathan Juran, 1953)

Après la Johnson county war, un rapide pistolero hésite entre exécuter un fermier et travailler pour ce dernier.

Petit western Universal qui parvient à intégrer des thèmes, des décors et des intrigues nombreux et variés sans perdre en cohérence. La convention du « tout est bien qui finit bien » est certes préférée au jusqu’au boutisme tragique des westerns d’Anthony Mann mais finalement, ce sont essentiellement le manque d’imagination de la mise en scène et un acteur angélique (Audie Murphy) ne restituant guère l’ambiguïté d’un héros censé hésiter entre le bien et le mal qui empêchent Le tueur du Montana de se hisser au rang de Je suis un aventurier, Les affameurs et autres chefs d’oeuvre du genre produits à la même époque par le même studio. Cela reste un film estimable et plaisant.

Le docteur Orlof est d’accord.

Le journal tombe à 5 heures (Georges Lacombe, 1942)

Un journaliste expérimenté s’entiche d’une débutante.

Sous l’Occupation allemande, les industriels de toutes sortes s’ingéniaient à pallier le manque en produits américains dont l’importation était alors interdite. C’est ainsi que le Fanta a été inventé pour suppléer les ingrédients boycottés du Coca-cola. Dans le même ordre d’idées, Le journal tombe à 5 heures est un véritable ersatz de comédie américaine. En terme de filmage, un Georges Lacombe n’a d’ailleurs pas grand-chose à envier à un Tay Garnett ou un Gregory LaCava. Il y a dans la séquence d’introduction, où la caméra suit un chef des ventes pressé qui donne des instructions à divers employés répartis dans différentes pièces, une vivacité et une énergie à la hauteur des prestigieux modèles.

Malheureusement, la séduction de l’emballage a vite fait de s’estomper face à l’inanité du contenu. Censure vichyssoise oblige, toutes les rubriques habituelles d’un journal sont présentes sauf, bien sûr, la politique (ce manque est rapidement évoqué et mis sur le compte des cochons de payants qui préféreraient des sujets plus légers). Tout ce qui pourrait donner lieu à de véritables oppositions dramatiques est esquivé pareillement. Voir la pusillanimité du traitement des désirs amoureux ou du traitement des rapports entre les rédacteurs et leur patron, un patron dur mais bienveillant tel qu’en témoigne la façon dont il se débarrasse du méchant cafteur.

Ainsi, les silhouettes s’agitent sympathiquement (la distribution est gratinée) mais vainement car le caractère purement conventionnel de ce qui les meut est vite éclatant. Qui plus est, il n’y a pas de gag qui introduirait un peu de fantaisie dans un récit aussi fade. Ce récit est enfin assez mal construit, juxtaposant reportage sentimentalo-mondain et reportage sur une catastrophe naturelle sans grand souci d’unité dramatique. D’où finalement un film inintéressant plus que divertissant.

I Dream of Jeanie (Allan Dwan, 1952)

Au milieu du XIXème siècle, l’histoire du compositeur américain Stephen Foster, génie de la chanson populaire qui, amoureux d’une fille de la haute-société, ne rêvait que de musique classique.

Un film musical de série B (en Trucolor) idéalement consacré à un musicien de série B. Stephen Foster est pour moi un « musicien de série B » non quant à son talent -incommensurable- mais quant à sa vie, une vie misérable qui pour être racontée n’avait certes guère besoin d’un gros budget tel celui alloué à la biographie de Sigmund Romberg. Le fébrile Bill Shirley incarne parfaitement un compositeur qui doute de lui pendant toute la durée du film, aux antipodes des stéréotypes en vogue dans le genre.

Au sein de ce qui demeure cependant une conventionnelle bluette qui édulcore considérablement la vie du malheureux Stephen, le contexte historique qui voit le droit d’auteur naître et un certain renversement des valeurs esthétiques s’opérer est judicieusement exploité.  Il y a plusieurs belles scènes typiques d’Allan Dwan en ce sens qu’elles rayonnent de la gentillesse de leur auteur. Ainsi le début où Stephen Foster donne l’argent qu’il avait économisé pour acheter une bague de fiançailles à la mère d’un enfant noir blessé par une carriole: « ne me remerciez pas, c’est votre peuple qui m’a tout appris en musique ».

Un article intéressant sur I dream of Jeanie