Chisum (Andrew V. McLaglen, 1970)

Un grand propriétaire terrien résiste aux notables véreux qui veulent s’accaparer son bétail.

Plat et caricatural. Un peu comme pour Gabin, les grands cinéastes faisaient office de surmoi pour John Wayne. Ne subsistent ici que les conventions attachées à l’image de la star.

Frantic (Roman Polanski, 1988)

A Paris, l’épouse d’un médecin américain disparaît.

La substance humaine et émotionnelle du film ne se révèle que dans la dernière séquence. Dommage. Ce qui précède est un jeu de piste un peu vain et dont la crédibilité part en fumée à partir du moment où il est question d’espionnage. Emmanuelle Seigner, en punkette, est très belle.

Agence matrimoniale (Jean-Paul Le Chanois, 1952)

Un vieux garçon hérite d’une agence matrimoniale.

Du sous-Becker. Il y a une ambition documentaire mais elle est matérialisée par l’énonciation de banalités vaguement sociologique plus que par des détails concrets. A l’exception notable des passages en voix-off, la mise en scène est d’une décevante platitude. La construction narrative souffre d’un manque de rigueur qui engendre de la redondance d’informations donc de l’ennui (ex: le héros qui met un quart d’heure à piger ce que le spectateur sait déjà). Le ton aurait sans doute gagné à être plus comique car les notations pathétiques ressortent du larmoiement paternaliste typique de la qualité française (alors qu’en dehors de ça, Agence matrimoniale ne saurait être affilié à la sinistre tendance circonscrite par Truffaut). Quant à la niaiserie sentimentale de l’intrigue principale, elle est hors de propos. Bref, j’aurais aimé aimer mais ce n’est franchement pas terrible.

Film sans titre (Jean-Claude Brisseau, 1978)

Un professeur de Français voit sa femme s’éloigner de lui au fur et à mesure qu’elle se passionne pour le spiritisme.

Film jamais sorti et dénué de titre, ce deuxième long-métrage de Jean-Claude Brisseau paraît encore plus fauché que son premier: La croisée des chemins. Il est presque aussi beau. La désespérance sociale, l’absence d’horizon de ses personnages, est à la fois relativisée et accentuée par la terrifiante mélancolie que peut inspirer l’immensité de l’univers -temps et espace. L’infini cosmique, le cinéaste le fait ressentir via un didactisme justifié par la profession du héros. La pureté frontale du style s’accorde à l’économie de moyens et c’est une émotion réelle qui nous saisit dans la dernière séquence où l’amour d’une petite fille, peut-être, consolera de la tristesse absolue. Cette frontalité de Brisseau, reflet d’une innocence fondamentale, lui permet de dépasser les aspects grotesques et malsains d’un tel argument pour atteindre au sublime. Le film a beau garder un côté brouillon (je peine à lier les scènes d’entretiens au reste de l’oeuvre), il exprime la poétique de son auteur avec mille fois plus de force directe que ses dernières réalisations, encombrées par le verbiage.

Profitez-en tant qu’il est encore visible.

La récréation (François Moreuil et Fabien Collin, 1961)

A Versailles, une étudiante rencontre un séduisant fils de famille qui s’avère être le chauffard responsable de la mort d’un homme renversé sous ses yeux.

Un film de la Nouvelle Vague justement tombé dans l’oubli.

 

Des oiseaux, petits et gros (Pier Paolo Pasolini, 1966)

Un homme et son fils errent autour de Rome et rencontrent un corbeau qui leur raconte une histoire médiévale.

Le générique chanté est excellent mais après, c’est globalement nul (à part les pastiches divers et variés de Ennio Morricone). La plate littéralité des symboles n’empêche pas la plus extrême des confusions de régner; à tous les niveaux.

The best offer (Giuseppe Tornatore, 2013)

Un commissaire-priseur misanthrope s’entiche d’une recluse souhaitant faire évaluer un riche patrimoine familial.

L’académisme maniériste de Tornatore s’est mué en splendide classicisme grâce à la finesse d’une narration qui prend son temps, à l’interprétation nuancée de Geoffrey Rush, à la fascinante beauté de Sylvia Hoeks et à une vertigineuse dernière partie qui transforme le suspense brinquebalant en romantisme infini. Les mouvements d’appareil virtuoses et les cadres amples sont toujours justifiés par le point de vue des personnages; l’éblouissement plastique est au diapason de l’action. Cette dilapidation formelle au service d’un récit sophistiqué où les retournements dévoilent les secrets des personnages fait de Giuseppe Tornatore un digne disciple de Sergio Leone d’autant que la musique de Ennio Morricone, en accord parfait avec les images, va parfois jusqu’à insuffler une dimension supplémentaire à ces dernières.

 

L’inconnue (Giuseppe Tornatore, 2006)

Une prostituée ukrainienne échappée des griffes de ses souteneurs se fait embaucher par une famille de bourgeois italiens.

Tornatore tente de revivifier le genre du mélodrame en le frottant à une réalité contemporaine. Le problème est que cette réalité est reconstituée uniquement par des clichés grossiers. L’hyperbole et les effets de manche du montage sont censés impressionner le spectateur.

Bianco, Rosso e Verdone (Carlo Verdone, 1980)

Un père de famille maniaque, un émigré muet et un puceau qui accompagne sa grand-mère se rendent voter.

Ce deuxième film de Carlo Verdone est plus abouti que le premier. Par rapport aux réalisateurs italiens de comédie des décennies précédentes, il a certes abdiqué toute ambition politique, sociologique, historique ou même simplement satirique mais c’est efficace. On se marre pas mal. Le comique est varié: Carlo Verdone fait son miel de crétins divers et mélange comique verbal, comique de situation et burlesque façon Harpo Marx. Grâce à la tendresse de l’auteur, à un joli thème de Ennio Morricone et à la touche de mélancolie finale, les personnages de la grand-mère et du petit-fils sont chargés d’une humanité vraie.

Un sacco bello (Carlo Verdone, 1980)

A Rome, un jour de mois d’août, un hippie retrouve son père à un feu rouge, un électronicien qui vit chez sa mère rencontre une jeune Espagnole qui ne sait pas où dormir et un rocker part avec un ami  à Cracovie pour draguer.

Carlo Verdone est un comique de télé que Sergio Leone lança au cinéma. L’intérêt de son premier film naît plus de ses talents de transformiste (il joue les trois rôles) que de ses talents d’auteur. C’est la queue de comète de la comédie italienne.

Je demande la parole (Gleb Panfilov, 1976)

En URSS, la présidente d’un soviet local se remémore sa vie lorsque son fils décède accidentellement.

Intéressante car concrète plongée dans la vie sociale et familiale d’une responsable soviétique qui, sans le critiquer franchement, n’élude pas certains aspects déplaisants du régime communiste (la censure). Les liens entre vie politique et vie privée sont restitués avec une certaine justesse. C’est long mais c’est probablement le meilleur rôle de Inna Tchourikova et un des films intéressants de Gleb Panfilov.

 

Le train (John Frankenheimer, 1964)

Trois semaines avant la Libération de Paris, des cheminots se mobilisent pour empêcher qu’un train rempli de chefs d’oeuvre de la peinture française ne parte en Allemagne.

De grosses invraisemblances, quelques tirades philosophiques hors de propos et le manque de concision à certains endroits n’empêchent pas de regretter que cette célébration spectaculaire de la Résistance française ait dû attendre le bon vouloir de Hollywood pour avoir lieu. Avec ses multiples explosions, ses cadres parfaits, ses mouvements d’appareil élégants, son héros super opiniâtre et super fort (à cinquante ans, Burt Lancaster tenait à faire savoir qu’il n’avait pas perdu ses talents d’acrobate) et, surtout, son sens continu de l’action technicienne, le film de Frankenheimer n’a aucune justesse historique mais préfigure Piège de cristal avec 25 ans d’avance.

Le temps du châtiment (The young savages, John Frankenheimer, 1960)

Un procureur est chargé par son chef d’envoyer à la chaise électrique le fils de son ancienne fiancée qui a poignardé un jeune aveugle avec deux copains.

Un film démonstratif (mais nuancé) et un peu lourdaud dans son esthétique post-wellesienne mais assez bien mené pour ne pas ennuyer.

 

Par la porte d’or (Hold back the dawn, Mitchell Leisen, 1941)

Au Mexique, un Français séduit une jeune institutrice en voyage scolaire pour acquérir la nationalité américaine en l’épousant.

La fusion entre le riche arrière-plan sociopolitique (belle galerie de seconds rôles français) et l’histoire d’amour n’est pas parfaite mais l’évolution dialectique de personnages finement interprétés fait de Par la porte d’or un bien beau film.

A chacun son destin (Mitchell Leisen, 1945)

A Londres pendant la seconde guerre mondiale un soir de jour de l’An, une Américaine se rappelle comment elle a fini seule…

Pourquoi, en dépit de rebondissements ridicules, ce mélodrame intéresse continûment et émeut parfois? Réalisée en France à la même époque, cette rocambolesque histoire de fille-mère aurait certainement donné lieu à un naveton façon Léonide Moguy ou Jean Stelli. Ce qui fait le prix de A chacun son destin, c’est la vérité dans le détail: qualité des reconstitutions, finesse des dialogues, richesse de la caractérisation des seconds rôles (impeccable personnage du troisième homme), bonne gestion de l’arrière-plan historique, sens de la litote qui paradoxalement redouble l’émotion (l’irrésistible réplique finale) et, surtout, excellence de l’interprétation: dans un rôle à la Bette Davis, Olivia de Havilland a heureusement gardé son désarmant naturel.

Un génie, deux associés, une cloche (Damiano Damiani, 1975)

Un homme manipule un couple d’escrocs pour faire échouer le plan d’un colonel de cavalerie voulant voler des terres aurifères aux Indiens.

La puérilité parodique, typique du western italien en fin de course, n’annihile jamais complètement l’intérêt dramatique parce que le film a la forme d’un déroulé d’action continue et que cette action est mise en scène avec un indéniable brio, fût-il caricatural. Ce ton m’a beaucoup fait songer à Lucky Luke. Malgré la confusion de la narration, accentuée par les aléas de la post-production (des négatifs furent volés), c’est pas si mal.

Seule contre la mafia (‎Damiano Damiani, 1970)

Dans un village sicilien, la fille d’un paysan, d’abord séduite, refuse la cour d’un jeune chef de la mafia…

Inspiré par l’héroïque Franca Viola, Damiano Damiani montre la logique féodale de la mafia en Sicile avec d’autant plus de justesse que lui et les autres scénaristes font preuve d’un sens de la nuance et de la dialectique rares dans le cinéma italien « qui dénonce ». Par exemple, se focaliser sur l’évolution de la famille de la jeune fille face à la menace est une très bonne idée, riche et variée dans ses prolongements dramatiques. Ancrée dans une réalité archaïque représentée crûment (rarement la Sicile fut aussi moche), la confrontation entre cette jeune fille et les traditions infâmes de son pays atteint au mythe. C’est une Antigone moderne qui se révèle sous les traits de Ornella Muti, 14 ans et déjà magnifique de beauté et d’expressivité. Ce n’est pas le moindre des mérites de  Damiano Damiani que de l’avoir révélée au monde. Enfin, la mise en scène est dopée par la musique de Ennio Morricone qui donne leur sens profond à certaines séquences, telle celle du mariage.