Pendant les jeux olympiques d’Atlanta, le vigile qui avait découvert une bombe est soupçonné par le FBI et les médias de l’avoir posée.
Alors que le dénouement est connu d’avance et que le drame de Richard Jewell est resté, somme toute, relatif (il ne fut jamais inculpé et fut clairement innocenté en moins de trois mois), qu’est-ce qui rend le film si captivant? C’est d’abord une question de point de vue sur le sujet. Rester collé aux basques de Jewell et de sa mère, approfondir le portrait du « héros », éclairer ses motivations, ses frustrations et son caractère, tout cela permet au cinéaste libertarien de mettre en exergue le fossé entre l’idéal d’un brave Américain attaché au maintien de l’ordre depuis sa prime jeunesse et le cynisme destructeur des institutions fédérales. Outre une histoire d’amitié entre deux hommes de classes sociales différentes et l’amour entre un fils et sa mère, Le cas Richard Jewell raconte un ébranlement de certitudes d’autant plus déchirant qu’il a pour cadre l’intimité sacrée du foyer. Il n’y a que le vieux Clint Eastwod pour, en s’emparant d’un fait divers des plus anodins, traiter les vieilles questions du rapport de l’individu à la Loi, de l’idéal américain à la réalité du pouvoir, du peuple à ses héros, pour, en fait, actualiser les thèmes traités par les grands auteurs de westerns du siècle passé. Il le fait à sa façon: sans vouloir-dire apparent, toujours focalisé sur le récit individuel, avec le sens du réalisme retors et une pudeur qui l’empêche de trop s’appesantir.
De plus, Le cas Richard Jewell est peut-être le film le plus techniquement abouti parmi les récents de Eastwood. Plus que jamais fidèle à sa réputation de dernier des Mohicans, le cinéaste poursuit ses expérimentations réalistes entamées dans ses films précédents (notamment Le 15h17 pour Paris), comme lorsqu’il intercale des images de journaux télévisés d’époque sans briser le sentiment de continuité entre les plans. Le rythme est prenant, le suspense hitchcockien fonctionne mieux que dans les films de Hitchcock, le découpage est fluide mais signifiant (infinie profondeur d’évocation des brefs plans sur le portrait de Jewell en policier) et la direction d’acteurs est aux petits oignons; toute la distribution est d’une profonde justesse, à l’exception de Olivia Wilde à qui son personnage caricatural de journaliste sans scrupule ne donne guère l’occasion de briller. Une des rares fausses notes d’un film précieux. Longue vie à Clint Eastwood, encore!