Acier (Walter Ruttmann, 1933)

Deux amis ouvriers dans une fonderie sont amoureux de la même fille.

Emblématique du cinéma d’avant-garde et de l’impasse qu’il implique: c’est avec un sens plastique et rythmique certain que Walter Ruttman filme l’usine et ce qui l’entoure mais son désintérêt pour l’intrigue conventionnelle qu’il se coltine -pourtant élaborée par Pirandello dont on serait bien en peine de rattacher cette bluette au reste de son oeuvre- rend son film bancal. Vanité d’un cinéma où formes et mouvements ne valent qu’en tant que tels. D’autant que ce cinéma soi-disant avant-gardiste sécrète ses propres poncifs; voir ainsi la séquence de fête foraine -inévitable.

Cry macho (Clint Eastwood, 2021)

Un vieil entraîneur de rodéo est chargé par son ancien patron de retrouver son fils de 13 ans au Mexique…

Après les réussites de La mule et du Cas Richard Jewell, force est de constater, cette fois-ci, une baisse de niveau certaine. Accumulant les situations écrites à la va comme-j’te-pousse, Clint Eastwood et ses scénaristes ne se donnent guère la peine de faire croire à leur schéma usé, vu et revu chez le cinéaste lui-même (la comparaison avec Honkytonk man et Un monde parfait fait mal). L’interprétation, très inégale pour ne pas dire embarrassante en ce qui concerne le gamin, n’aide pas à prendre au sérieux ce nouveau récit de cavale et de naissance d’une relation simili-filiale. Néanmoins, Cry macho parvient à toucher l’amateur de Clint Eastwood sans qu’il n’ait à transiger avec sa lucidité. D’abord, il y a, dans les méandres de ce récit mal fichu, une jolie bifurcation qui voit le héros, donc l’acteur, donc le cinéaste, s’attarder dans un village au milieu de nulle part. On retrouve alors un peu de la beauté de Josey Wales hors-la-loi, cette profession de foi si singulièrement moderne, discrètement mais chaleureusement exprimée, dans les attaches contingentes préférées à celles suscitées par l’idéologie, le passé ou le terroir.

Ensuite, évidemment, Cry macho vaut en tant que document sur une star nonagénaire. Document unique: nous n’avons pas connu Gary Cooper, John Wayne et autres Robert Mitchum dans la grande vieillesse. Il y a quelque chose de forcément émouvant dans le spectacle de ce corps autrefois incarnation de la force et de la virilité en train de marcher (péniblement), de conduire son pick-up, de soigner des animaux, de faire la cuisine, de faire la sieste, de danser…Ce d’autant que la lumière avec laquelle est filmée ce corps est parfaite: d’un crépuscularisme rare et subtil. On regrettera d’autant plus le découpage de la séquence de rodéo tant le réalisme bazinien est préférable aux truquages visant à faire croire que Clint Eastwood serait encore capable de dompter un cheval sauvage; la séquence où Clint donne un coup de poing est également ridicule. Il n’en demeure pas moins que, encore une fois, cette dimension crépusculaire est intégrée au récit. Dans ce film par ailleurs gorgé de fausseté conventionnelle, elle sonne juste, comme sonnent juste les confessions d’un vieillard.

Illusions perdues (Xavier Giannoli, 2021)

Sous la Restauration, un jeune poète tourangeau arrive à Paris et brille dans le journalisme…

Bien sûr, les adaptateurs ont retranché pas mal de choses de l’immense chef d’oeuvre de Balzac. Mais en tant que tel, même si tout ce qui a trait au deuxième poète est évacué -faisant perdre aux Illusions perdues une bonne part de leur cruauté et de leur sublime-, même s’il se focalise uniquement sur la perdition de Lucien chez les journalistes, le film se tient. Dans ce dessein général, les quelques ajouts (le personnage de Jean-François Stévenin) ont du sens. Le discours politique, social et moral de l’auteur est réduit à une satire de la corruption prévisible et parfois anachronique (la confusion entre Restauration et monarchie de Juillet) mais jouissive et globalement juste; la reconstitution est vivante, riche de détails savoureux et de répliques originales percutantes, et s’appuie sur une belle pléiade de seconds rôles. Le rythme de la narration est enlevé grâce à un montage brillantissime même si le pot-pourri de musique classique en guise de bande originale est souvent plus facile que pertinent. Bref, les deux heures et demi passent comme un charme. Cette très bonne vulgarisation de Balzac -selon ma mémoire la meilleure adaptation cinématographique de l’écrivain- aurait quand même pu alléger sa voix-off qui fait avancer le récit plus souvent que l’image quand elle ne paraphrase pas cette dernière et qui fait preuve d’un didactisme neuneu laissant croire que le spectateur du XXIème siècle est vraiment devenu inculte.

L’ange et la femme (Gilles Carle, 1977)

Un ange ressuscite une femme assassinée dans une forêt puis ils font l’amour.

Caricature de film d’art fantastico-poétique façon Philippe Garrel, saupoudré de pas mal d’érotisme (si vous décidez de voir ce navet, il faut le voir dans sa version non censurée qui contient une fellation non simulée de Carole Laure). La fumisterie de l’intrigue n’a d’égale que la prétention chichiteuse du style.

Les corps célestes (Gilles Carle, 1973)

A la fin des années 30, un bordel vient s’installer dans une ville minière.

Un des films de Gilles Carle où le mélange de comédie, de récit psychologique et d’entomologie s’avère assez convaincant. Peut-être grâce à la légèreté maintenue du ton et à des comédiens assez amusants (tels Jacques Dufilho et Donald Pilon). De plus, pour une fois, l’histoire est relativement structurée. En revanche, les allusions à l’actualité politique européenne ressortent vraiment du saupoudrage.