La vengeance de Scarface (Cry vengeance, Mark Stevens, 1954)

A sa sortie de prison, un ancien flic part en Alaska pour se venger d’un truand qui y est réfugié et qu’il juge responsable de la mort de sa famille.

Un petit film noir à l’image du jeu de Mark Stevens: schématique, parfois invraisemblable dans le détail à cause de conventions mal digérées, mais dur, percutant et riche de tons inhabituels. Le décor original pour le genre, les rencontres entre le vengeur et la fille de sa cible et des seconds rôles hauts en couleur étoffent ou singularisent le produit de série. Les aficionados devraient se régaler.

Au p’tit zouave (Gilles Grangier, 1950)

Dans un café de Grenelle, la vie et les conversations des habitués tandis qu’un tueur en série rôde dans le quartier.

L’illusion de vie et de chaleur humaine provoquée par le grouillement quasi-renoirien de personnages saisis dans leur jus simili-documentaire s’estompe malheureusement avec la mise en avant d’une intrigue faisandée, basée sur des conventions de caractérisation bien typiques de la qualité française, et mollement menée (Le café du cadran parvenait bien plus à faire oublier l’artifice de l’unité de lieu grâce à la grisante vivacité de son découpage).

Rosita (Ernst Lubitsch, 1923)

A Séville, le roi d’Espagne sort du cachot une chansonnière parce qu’elle est jolie.

Premier film de Lubitsch tourné à Hollywood, à la demande de sa vedette Mary Pickford, cette adaptation de Don César de Bazan (l’opéra et non la pièce tragique) est une brillante comédie historique où la somptuosité des décors (signés Mitchell Leisen) n’altère ni la vivacité de l’interprétation ni l’inventivité du découpage. Le rythme reste enlevé et le ton léger sauf le temps d’un virage tragique qui aurait pu paraître déplacé s’il n’était justifié par une ultime pirouette dont le moteur reste le désir amoureux (unique motivation des deux personnages royaux).

P.S: Raoul Walsh est souvent mentionné comme co-réalisateur (non crédité) mais je n’ai trouvé aucune source fiable pour confirmer cette information. Quoiqu’il en soit Rosita est, dans le style et l’esprit, un film tout à fait lubitschien.

CattIe Annie and little britches (Lamont Johnson, 1979)

Deux orphelines rejoignent une bande de hors-la-loi.

Western tardif intéressant dans sa confrontation entre deux jeunes filles et un vieil homme (plaisir de revoir Burt Lancaster dans le rôle de Bill Doolin) mais trop incohérent dans son mélange des tons et désinvolte dans sa mise en scène pour convaincre réellement: rythme inégal, manque de fluidité avec des séquences saugrenues (le base-ball) mal intégrées qui tirent le film vers la parodie, superficialité du récit, musique pas toujours accordée aux images. Last but not least: les fans de Diane Lane, particulièrement mal coiffée et en retrait par rapport à Amanda Plummer, seront déçus.

Jack Slade le damné (Harold Schuster, 1953)

Au milieu du XIXème siècle, un homme violent utilise ses talents de tireur contre les bandits.

Quel bonheur de découvrir encore aujourd’hui, après plus de vingt ans de cinéphilie, des pépites du western! Même pas mentionnée par le pavé de Tavernier et Coursodon, cette petite production de Allied Artists frappe par son rythme endiablé et sa force dramatique peu commune.

Retraçant la vie d’un fameux pistolero du Far-West, mythifié par Mark Twain dans ses mémoires, Jack Slade le damné ne fait aucune concession au manichéisme et montre la désespérance de ce genre de personnage, fût-il du bon côté de la barrière. Comme La cible humaine, il s’agit d’un western crépusculaire d’une époque où le terme n’avait pas encore été inventé. Incapable de sortir d’un cycle infernal de violence, accro à l’alcool, le (anti)héros préfigure le William Munny de Clint Eastwood.

C’est avec des séquences d’une brutalité exceptionnelle, mettant souvent en scène des enfants, qu’est montré l’aspect purement et simplement chaotique d’un territoire d’avant la loi, d’avant la civilisation. Terrible plan où Jack Slade prend un gosse fauché par une balle dans ses bras, un gosse auquel il s’était confié cinq secondes auparavant: l’impossibilité de la rédemption pour Jack est figurée instantanément, avec une poignante amertume.

Dans le rôle éponyme, avec son chapeau noir et ses favoris, Mark Stevens a un charisme et une sobriété expressive dignes des plus grandes stars du genre. Face à lui, Dorothy Malone apporte une sensualité sans apprêt qui ajoute à la brutalité de l’ensemble. Les dialogues, laconiques et riches de sens, dénotent également l’ambition inhabituelle des auteurs de ce western de série.

Sans se faire valoir en tant que telle, la réalisation, à laquelle aurait contribué Mark Stevens, est impeccable: découpage fluide, riche de mouvements de caméra précis et efficaces, photo noir et blanc au diapason d’une atmosphère tourmentée, détails réalistes (les grosses auréoles de sueur sur le héros!) ou d’une poésie macabre (les pieds d’un pendu qui frottent sa guitare), montage sophistiqué des séquences de duel qui engendre un maximum de tension.

Bref, quelques raccourcis de scénario habituels à ces productions n’empêchent pas Jack Slade le damné d’être un western singulier, brillant et poignant.

Un si joli village (Etienne Périer, 1979)

Tentant de confondre le patron d’une tannerie soupçonné du meurtre de son épouse, un juge d’instruction se heurte à la sourde opposition des villageois que la tannerie fait vivre.

Sur un schéma de « fiction de gauche » typique des années 70, Etienne Périer réussit son film grâce à la vérité de ses portraits et à son sens de la justice dramatique: les raisons de chacun sont exposées avec une objectivité premingerienne et le drame se nourrit d’un dilemme tragique plutôt que d’une charge antipatron même si le film est très précis dans sa description des rapports quasi-féodaux entre le patron et les autres villageois; ce notamment grâce à une belle galerie de seconds rôles. Un si joli village évoque un film de Chabrol où le cynisme narquois serait remplacé par une tendresse de moraliste. En dehors de certaines libertés avec la vraisemblance des comportements prises par les scénaristes pour boucler l’intrigue, c’est de la belle ouvrage, soutenue, comme il se doit pour ce genre de film, par un admirable face-à-face d’acteurs: le sympathique et inquiétant Victor Lanoux et, dans un contre-emploi étonnant, Jean Carmet qui insuffle une discrète mélancolie à son personnage de juge coriace possiblement inspiré de Columbo.

Au nom du pape roi (Luigi Magni, 1977)

En 1867 dans l’état pontifical romain, un cardinal est amené à juger un conspirateur qui est en fait son fils.

Drame vaguement inspiré de faits réels que Luigi Magni a traité avec des pointes comiques. Il n’escamote pas la gravité de ce qu’il raconte mais en fait ressortir la bouffonnerie, bien aidé en cela par Nino Manfredi. Les images de ce film anticlérical, joliment composées, mettent en valeur la pompe cléricale mais le rythme souffre de quelques fléchissements. Au nom du pape roi aurait gagné à être plus concis.