Tarakanova (Raymond Bernard, 1929)

Au XVIIIème siècle en Russie, une nonne ressemblant à une cousine de l’impératrice est utilisée par des nobles pour détrôner Catherine II.

Film d’aventures historique préférable au célèbre Miracle des loups: outre le rythme plus entraînant et la grandiose virtuosité des scènes de foule et d’action, bien digne de l’apogée stylistique et expressive que furent les dernières années du muet, l’héroïne rocambolesque est chargée d’une relative consistance émotionnelle lorsqu’il s’avère qu’elle fut la première dupe de son imposture.

Gun fever (Mark Stevens, 1958)

Un mineur recherche le meurtrier de ses parents, un bandit qui attise la haine des Sioux.

Western fauché, mal écrit (pas d’unité dramatique, personnages inconsistants, rythme inégal), médiocrement interprété (Mark Stevens déçoit) mais riche d’une inventivité certaine de la mise en scène voire d’une relative poésie. Outre l’âpreté des scènes de violence, l’utilisation du vent couplée à des décors vides préfigure Kurosawa et Leone et confère une ambiance de fin du monde à cette ville désolée parce que désertée par les pionniers.

Le dossier 51 (Michel Deville, 1978)

Pour retourner un diplomate français, un service secret étranger cherche une faille dans sa vie privée.

Sans doute le meilleur film de Michel Deville. Cette fois, l’arbitraire de la forme est justifié par l’originalité profonde de la narration. Aucune coquetterie, à part un ou deux airs de Schubert. On songe à du Resnais du début des années 60 mais sans la prétention et la gratuité. L’idée de raconter la vie du diplomate à travers documents d’archives, photos et témoignages recueillis en caméra subjective par le service secret, engendre un portrait à la Citizen Kane, où la magistrale démultiplication des points de vue et des sortes d’images met finalement le doigt sur la fêlure d’un homme. De l’invention stylistique la plus radicale résulte le tragique le plus sec. Le dossier 51 est un film suffisamment grand pour être aimé des détracteurs de son auteur: un classique.

Le silencieux (Claude Pinoteau, 1973)

Enlevé par le MI5, un physicien français, que les Soviétiques forçaient à travailler pour eux, retrouve la France après seize ans ans mais est pourchassé par le KGB.

Le début est un peu compliqué à suivre mais la suite est bien menée: Claude Pinoteau réussit un film d’action presque continue où Lino Ventura insuffle une profondeur émotionnelle grâce à un jeu d’une économie de moyens exemplaire.

Le printemps, l’automne et l’amour (Gilles Grangier, 1955)

A Montélimar, un riche fabricant de nougats resté vieux garçon sauve une jeune fille de la noyade et s’en éprend.

Quoique plus dialectique et moins misogyne que La femme du boulanger dont elle est un quasi-remake, cette comédie préfère, dans son déroulement, la convention démagogique à la justesse d’appréhension des désirs de ses protagonistes. Fernandel, servi par d’excellents dialogues, est le principal atout du film.

Cap canaille (Jean-Henri Roger et Juliet Berto, 1983)

A Marseille, l’héritière d’une forêt voit son domaine partir littéralement en fumée, à cause de promoteurs véreux.

Si j’ai été bien moins convaincu par Cap canaille que par Neige, c’est que ce second film de Roger & Berto m’a semblé beaucoup plus confus en même temps que, fondamentalement, beaucoup plus simpliste. Dans Neige, les méandres du récit décomposaient et recomposaient des frontières morales dans un quartier très louche: Pigalle. Ici, non seulement, on ne comprend rien à des personnages sans intérêt et à une intrigue non moins nébuleuse que celle du Grand sommeil mais cette absence de clarté n’empêche pas la dramaturgie de rester manichéenne: ce qui reste clair, c’est que le promoteur immobilier est très méchant. La distribution, étonnamment chevronnée, ne brille guère, la faute notamment à des dialogues d’une grande médiocrité. La musique, très ancrée dans son époque, est d’une nullité stupéfiante. Restent la présence intense de la ville où se déroule l’action (comme dans Neige) ainsi que quelques morceaux de bravoure formels, dont la fin, grandiose et poétique.

Le chant du loup (Antonin Baudry, 2019)

Contre les visées hégémoniques de la Russie, l’équipage d’un SNLE part pour une mission capitale.

Plus qu’une honorable tentative de « film de genre à la Française », Le chant du loup est une vraie réussite, et d’autant plus exceptionnelle qu’il s’agit de la première réalisation de son auteur. Un beau sens du tragique, qui se base sur les retournements d’un récit ingénieux, va de pair avec un rythme très vif, qui permet de faire passer les quelques invraisemblances. Le didactisme technique, surtout présent dans la première partie, immerge le spectateur dans un milieu professionnel qu’il ne connaît pas sans pour autant le noyer ni altérer la fluidité de la narration. Brillant. Les séquences d’action, assez nombreuses, rivalisent avec Hollywood grâce notamment au généreux concours de la Marine nationale. Mené par une excellente distribution (même Omar Sy s’avère finalement convaincant), ce film où les hommes sont confrontés à l’inhumanité des procédures emporte le morceau malgré quelques scories mineures (l’histoire d’amour de pure convention mais qui prend très peu de place).

Rangoon (John Boorman, 1995)

Une jeune Américaine partie en Birmanie pour faire le deuil de son mari et de son fils assassinés se trouve mêlée à la rébellion contre la dictature militaire.

Le manichéisme politique et la structure narrative superficielle -en gros une succession de poursuites filmées avec une certaine vivacité- apparentent Rangoon à un film américain moyen des années 40; la gravité sentencieuse en plus.