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Parce qu’elle y a perdu un peigne et qu’un jeune homme s’est blessé avec, une femme revient dans un hôtel thermal à la montagne…
Réutilisant le même décor et le même type de lumière que Les masseurs et la femme, Le peigne confirmera la valeur de Hiroshi Shimizu aux yeux des auteuristes les plus étroits mais pose une question au cinéphile normal: redite ou pas redite? Certains des plus beaux plans sont carrément repris tel quel du film précédent. In fine, la tonalité diffère cependant et on a en fait affaire à une variation du même ordre que El Dorado par rapport à Rio Bravo. Du fait notamment d’un récit plus centré sur l’héroïne, la mélancolie se fait ici moins diffuse et plus directement émouvante. Bien sûr, une large place reste accordée aux nombreux personnages secondaires cocasses, pittoresques ou touchants. En ces temps où l’ « accessibilité » est très à la mode, on note la dignité du regard sur les aveugles et les estropiés. Mais d’un film choral, Shimizu est passé à une sorte d’esquisse de portrait où l’environnement garde une importance cruciale.
Le peigne montre comment un milieu particulier, un endroit coupé du monde où cohabitent temporairement et étroitement des personnages d’origines différentes, affecte une femme déjà sentimentalement mal en point jusqu’à provoquer chez elle une véritable -et peut-être salvatrice- crise existentielle. Retracer un tel itinéraire est pour Shimizu une pure affaire de mise en scène. Il s’agit d’une part de rendre sensible la douceur régénératrice de l’ambiance à l’hôtel thermal. Ce à quoi le réalisateur excelle, filmant avec un bonheur constant la lumière du soleil qui inonde les clairières, les repas en commun des vacanciers, les sources d’eau chaude et la rivière où les femmes font la lessive tandis que les enfants pataugent. Magnifique plan, court et inutile à l’intrigue d’ailleurs ténue, de la gymnastique matinale au bord de l’eau. Fait rarissime dans un film de l’époque, l’image est alors accompagnée de notes de piano, notes de piano qui accentuent la sérénité qui en émane. D’autre part, insérer dans ce concerto de la gentillesse de brefs lamentos fait saillir le drame émotionnel de l’héroïne avec pudeur et précision. C’est par exemple le surgissement des pleurs durant l’étendage du linge. La divine légèreté de Shimizu, qui effleure sans jamais s’appesantir, confère alors à son petit film (70 minutes) la fulgurante beauté d’un haïku.