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En Californie, les conséquences d’une bagarre entre saisonniers d’origine mexicaine et jeunes des beaux quartiers déchaînent les passions et forcent le directeur du journal local à prendre parti.
Le miracle de ce deuxième film de Joseph Losey, c’est d’être extrêmement concret, pas du tout emphatique, pas du tout soumis à une quelconque idéologie, c’est de montrer la fièvre s’emparant d’une petite ville comme résultante d’un enchaînement de faits très précis et, dans le même temps, de n’attacher aucune importance à l’anecdote en tant que telle (le spectateur ne connaîtra jamais le verdict du procès et cela n’apparaît pas comme une lacune de la narration). Le réalisateur et son scénariste Daniel Mainwaring font ressortir, avec une grande subtilité, l’humanité de personnages qui subissent ces faits ou qui agissent sur eux.
C’est la caméra qui s’attarde quelques secondes sur les parents espérant voir leur enfant arrêté par la police. C’est le regard jeté par un jeune ouvrier mexicain à la photo de son frère tombé sur les plages de Normandie avant de s’apprêter pour le bal du samedi soir, regard synthétisant avec une fulgurante concision –Haines est un film très concis- le lien entre les tourments les plus intimes et les problèmes politiques les plus universels. C’est l’histoire d’amour avec la délicieuse Gail Russell racontée en filigrane*.
Les cheminements de personnages multiples et variés sont montrés parallèlement et, pendant une bonne moitié du film, le spectateur ne saurait dire qui est le personnage principal. Un tel procédé narratif assorti d’une bienveillance quasi-universelle des auteurs à l’endroit de leurs créatures contribue grandement à l’évidence naturelle de cette vision de la province américaine qui allie la distance critique de Fritz Lang à la douceur de Henry King.
*D’après Joseph Losey dans son entretien aux Cahiers du cinéma en 1960, c’est la censure qui a contraint les auteurs à ne pas expliciter la relation amoureuse entre un blanc et une Mexicaine. Ce nécessaire triomphe de la litote rend cette relation d’autant plus touchante.