Barquero (Gordon Douglas, 1970)

Confronté à des bandits mexicains sanguinaire, un conducteur de bac solitaire défend la communauté de villageois.

Triste resucée du western italien (faiblesse de la contextualisation, absence de crédibilité des articulations dramatiques, cynisme vague, surenchère de violence, zooms à gogo, dilatation du temps sans objet, musique médiocrement imitée de Morricone) à l’intérêt rehaussé par le charisme de Lee Van Cleef.

Terre brûlée (No blade of grass, Cornel Wilde, 1970)

Dans un futur proche, une pandémie a provoqué la famine sur Terre et une famille londonienne tente de partir à la campagne, contre les ordres du gouvernement.

L’objectif est de montrer un retour de l’homme au chaos. L’écriture est redondante, qui enquille les « scènes-chocs » où les « héros » se retrouvent à tuer un « opposant », parfois très gratuitement. Le trait est épais mais le rapport entre les personnages et l’espace est bien dramatisé et le style riche d’inventions, guère subtiles: certaines montrent l’ambition de Cornel Wilde en matière de montage et sont destinées à illustrer une idée, d’autre sont gratuitement répugnantes (l’accouchement en gros plan, hallucinant). A la croisée des chemins entre Eisenstein, Peckinpah et le cinéma d’exploitation qui se donne bonne conscience en donnant mauvaise conscience au spectateur (type Mondo Cane), Terre brûlée est un objet pour le moins curieux, comme tous les films de Cornel Wilde que j’ai pu voir.

La michetonneuse (Francis Leroi, 1970)

Fâchée avec son père, une fille de 18 ans quitte sa famille et tente de joindre les deux bouts en conservant sa pureté et son indépendance morale.

Dommage que ce soit filmé à la va-comme-j’te-pousse et écrit à la diable car le fort ancrage dans la réalité de l’époque et la tendresse désabusée du regard font de La michetonneuse un film très intéressant contenant quelques belles scènes (celle chez le travesti ou, sur un mode comique, celle avec Dominique Rabourdin qui est un grand moment d’autodérision mac-mahonienne). Christine Leuk, dans son seul rôle, est magnifique et assure un minimum d’unité: une grande révélation avortée.

La femme du prêtre (Dino Risi, 1970)

Après avoir été sauvée du suicide par un prêtre lui ayant répondu depuis une sorte de « S.O.S amitié », une chanteuse s’en amourache.

Faute peut-être de précsion dans l’écriture, le mélange des tons ne fonctionne pas très bien; l’exhubérance comique de Sophia Loren peine à s’accorder avec la gravité avec laquelle la question du célibat des prêtres est abordée via le personnage de Mastrioanni. Leur histoire d’amour manque de crédibilité dans ses commencements même si les situations attendues avec un tel postulat restent amusantes (tel la première rencontre chez les parents). La fin est assez belle, le film semblant trouvant enfin l’unité qui lui faisait défaut.

 

Seule contre la mafia (‎Damiano Damiani, 1970)

Dans un village sicilien, la fille d’un paysan, d’abord séduite, refuse la cour d’un jeune chef de la mafia…

Inspiré par l’héroïque Franca Viola, Damiano Damiani montre la logique féodale de la mafia en Sicile avec d’autant plus de justesse que lui et les autres scénaristes font preuve d’un sens de la nuance et de la dialectique rares dans le cinéma italien « qui dénonce ». Par exemple, se focaliser sur l’évolution de la famille de la jeune fille face à la menace est une très bonne idée, riche et variée dans ses prolongements dramatiques. Ancrée dans une réalité archaïque représentée crûment (rarement la Sicile fut aussi moche), la confrontation entre cette jeune fille et les traditions infâmes de son pays atteint au mythe. C’est une Antigone moderne qui se révèle sous les traits de Ornella Muti, 14 ans et déjà magnifique de beauté et d’expressivité. Ce n’est pas le moindre des mérites de  Damiano Damiani que de l’avoir révélée au monde. Enfin, la mise en scène est dopée par la musique de Ennio Morricone qui donne leur sens profond à certaines séquences, telle celle du mariage.

Le début (Gleb Panfilov, 1970)

Une jeune provinciale se découvre une vocation d’actrice lorsqu’elle est choisie par un cinéaste pour jouer Jeanne d’Arc.

La laideur de Inna Tchourikova est difficile à surmonter. La mise en parallèle du « film dans le film » sur Jeanne d’Arc avec les pérégrinations sentimentalo-professionnelle de cette jeune Russe n’engendre rien d’intéressant.

Deux hommes en fuite (Figures in a landscape, Joseph Losey, 1970)

Dans un pays désertique, deux fugitifs sont pourchassés par des hélicoptères.

L’absence délibérée de toute précision géographique, politique ou psychologique réduit les personnages, le drame et le film à un concept, un concept parfaitement inintéressant car foncièrement arbitraire. De plus, cette absence d’ancrage redouble le sentiment d’exagération qui émane du jeu uniformément tendu des acteurs, particulièrement Robert Shaw. Après, c’est « bien filmé » (plein de plans-séquences).

Brancaleone s’en va-t-aux croisades (Mario Monicelli, 1970)

Tout est dit dans le titre.

Cette suite directe de L’armata Brancaleone a le même type de structure que son prédécesseur. Elle le prolonge comme le ferait un nouvel épisode dans un feuilleton: signée des mêmes auteurs, l’écriture est (presque) d’égale qualité et on retrouve une analogue profusion de péripéties, mais, à l’exception de la confrontation avec la Mort qui introduit une dose de fantastique baroque dans le diptyque, l’effet de surprise a disparu. Le subtil équilibre du premier épisode fait place à un ton plus uniformément grotesque. De plus, avec la disparition de Gian Maria Volonte, on pourra regretter qu’il n’y ait plus de second rôle de taille à renvoyer la balle à Gassman. Bref, c’est moins bien même si ça reste bien.

C’était le mois de mai (Marlen Khoutsiev, 1970)

Pendant les jours de mai 1945 qui suivent l’armistice, des soldats russes se reposent dans une ferme allemande…

La dramaturgie est complètement diluée dans des séquences dont la durée est étirée au-delà du raisonnable. Cela n’empêche pas la première partie de comporter de jolis moments dont la légèreté de touche rappelle Eclairage intime. Après des scènes de chant, de danse et de beuverie, la découverte d’un camp d’extermination est filmée avec une terrible justesse, sans que les actions de soldats confits dans leur ignorance ne semblent parasitées par le regard d’un auteur ayant conscience de l’Histoire. S’en serait-il tenu à ça, C’était le mois de mai aurait pu laisser une bonne impression mais la deuxième partie, plus grave mais non moins languissante que la première, s’avère pesante au-delà du supportable.

Las Vegas, un couple (The only game in town, George Stevens, 1970)

A Las Vegas, une femme qui attend que son riche amant divorce rencontre un pianiste de bar cherchant à gagner 5000 dollars pour quitter la ville.

L’origine théâtrale du film se fait un peu lourdement sentir: les dialogues prennent trop de place et les rebondissements paraissent parfois artificiels. Le découpage, appliqué mais précis, restitue bien l’espace du deux-pièces servant de décor à la majorité du film. Parfaitement interprété par Liz Taylor et Warren Beatty, ce dernier film de George Stevens est assez beau en ceci que les personnages brisent eux-mêmes leurs rêves, par amour.

Melinda (On a clear day you can see forever, Vincente Minnelli, 1970)

En l’hypnotisant, un professeur fait prendre conscience de son ancienne vie à une étudiante…

Le récit est aussi alambiqué qu’ahurissant, la narration est excessivement bavarde, les chansons sont médiocres, la mise en scène est statique nonobstant les toujours larges mouvements d’appareil de Minnelli, les rares « morceaux de bravoure » sont pires que kitsch: Melinda est un vrai navet, possiblement le pire film de son auteur.

Le clair de terre (Guy Gilles, 1970)

Un jeune pied-noir parisien voyage en Tunisie, sur la terre quittée par ses parents…

Dans la première partie, le jeu sur la voix-off, la musique et le montage des prises de vue parisiennes entretient une doucereuse nostalgie liée aux sentiments du giton héros du film. Il y a aussi Annie Girardot qui parvient à insuffler une réelle densité émotionnelle aux quelques scènes où elle apparaît. Cependant, l’affectation du ton (à part dans la scène avec Marthe Villalonga) et l’inconsistance du récit finissent par lasser; l’événement dramatique de la fin apparaissant comme une facilité de dernière minute pour relancer ce dernier.

Des jours et des nuits dans la forêt (Satyajit Ray, 1970)

En Inde, quatre bourgeois soudoient le gardien d’un bungalow pour passer des vacances dans la forêt…

Entre le marivaudage renoirien et le film de potes à la Cassavetes, Satyajit Ray filme les jeux de séduction légèrement et gravement jusqu’à ce que les dissonances du montage introduisent un vertige existentiel inattendu. De par son ampleur non affichée mais se révélant subtilement au fur et à mesure du temps de projection, Des jours et des nuits dans la forêt est un film magistral.

Mon oncle Antoine (Claude Jutra, 1970)

Au Québec, un adolescent chez son oncle commerçant découvre le sexe, la mort…

Récit décousu, image ingrate, caméra tremblante, zooms à tire-larigot: le soi-disant chef d’oeuvre du cinéma québécois est un film influencé par le courant alors fort à la mode du « cinéma direct ». Même si Mon oncle Antoine est une fiction, l’absence de rigueur narrative et formelle est visiblement censée accroître la vérité de l’expression. Faute de colonne vertébrale, cette vérité demeure superficielle et l’évocation de la découverte de la vie par un pré-ado à peu près ratée. Le gamin, avec sa tête de débile inexpressif, est à baffer et ne stimule pas non plus l’intérêt pour le cheminement de son personnage. Plusieurs embardées lyriques viennent parfois faire contre-point à ce morne programme. Par exemple, des zooms violents sur les visages viennent parfois rompre la continuité d’une scène pour mettre en exergue des sentiments individuels. Ce sont les meilleurs moments du film.

Les camisards (René Allio, 1970)

Après la révocation de l’édit de Nantes, la lutte entre protestants et troupes royales dans les Cévennes.

La mollesse absolue et insupportable de la mise en scène empêche de trancher quant à la nature de ce film informe: épopée ratée faute de moyens et de talent (dans la dramaturgie notamment) ou spectacle brechtien dont la « distanciation » se serait arrêtée à la moitié du chemin?

Le trésor (Lester James Peries, 1970)

Au Sri Lanka, un héritier ruiné épouse une jeune femme sur la foi d’une légende qui prétend que la sacrifier lui apportera un trésor.

Avec le portrait de cet homme désoeuvré et vide de cœur qui ne pourra s’empêcher de saboter la chance de sa vie (le film est un flashback donc le spectateur sait dès le début que ça finira mal), Lester James Peries dépeint la décadence d’une classe. A la manière du Salon de musique, le somptueux raffinement des intérieurs fait ressortir la solitude et la décrépitude morale de l’habitant des lieux. Le cinéaste s’y entend à merveille pour exprimer l’obsession dans laquelle s’enferme son personnage. Quelques malencontreux coups de stabylo (zoom sur le rasoir pour rappeler les mauvaises pulsions qui animent le mari) n’altèrent guère une mise en scène globalement subtile, de haute tenue et même parfois éblouissante: un sublime mouvement de caméra suffit au cinéaste pour figurer la profonde bienveillance d’une femme.

Les deux acteurs principaux, Gamini Fonseka et Malini Fonseka, sont d’ailleurs parfaits, aussi justes qu’expressifs. Le fatalisme du récit est heureusement équilibré par la fraîcheur de l’épouse qui, peu à peu, séduit son mari. Leurs quelques scènes d’amour, que ce soit dans les bois ou au son du phonographe, sont aussi désarmantes que du Renoir. On songe d’ailleurs beaucoup à l’auteur du Fleuve et de la Partie de campagne devant l’aisance qui est celle de Lester James Paries lorsqu’il filme les rivières, les forêts, la lumière entre les feuillages ou les demeures bourgeoises. Très beau film.

Une hache pour la lune de miel (Mario Bava, 1970)

Un jeune couturier poignarde des femmes pour affronter un traumatisme d’enfance.

Le soin apporté à la plastique de l’image et l’utilisation d’artifices de montage habituellement associés à l’avant-garde ne sauraient rehausser l’intérêt d’un récit tout à fait inepte. « Tout ça pour ça? » a t-on envie de dire à la fin du film.

Dis-moi que tu m’aimes, Junie Moon (Otto Preminger, 1970)

Une jeune fille défigurée par son amant, un paraplégique homosexuel et un épileptique qui se sont rencontrés à l’hôpital s’installent ensemble dans une maison.

Si on note que ces personnages a priori bizarres sont mis en scène sans apitoiement ni condescendance de façon à ce que le spectateur oublie rapidement leur handicap, il n’en reste pas moins que ce film « dans l’air du temps » d’Otto Preminger pèche par pauvreté narrative.