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Le maire socialiste de Saint-Juire en Vendée entreprend la construction d’un complexe culturel grâce à une subvention accordée par le ministre de la culture. C’était sans compter l’opposition de l’instituteur attaché à son paysage…
L’arbre, le maire et la médiathèque est une charmante comédie dans laquelle Eric Rohmer porte un regard amusé sur les tendances politiques de son temps: l’écologie, l’avenir du socialisme, la pertinence du clivage gauche-droite, l’exode rural…sont autant de thèmes abordés avec la sagesse d’un artiste qui sait regarder les choses avec une juste distance.
Une scène résume bien l’esprit du film. Il s’agit d’un débat improvisé entre le maire et une fillette de 10 ans à propos du projet de médiathèque. C’est d’abord la drôlerie qui naît de cette situation incongrue. Rohmer s’amuse à faire ressortir la langue de bois du politicien grâce aux questions directes de l’enfant et c’est simplement irrésistible. Par la suite, faisant fi de tout réalisme, l’auteur met dans la bouche de la gamine des arguments qui contredisent la position du maire avec pertinence. Or comme le projet est lancé et que les discussions à son propos n’ont d’autre objet que de simuler la démocratie (« Exprimez votre désaccord, je sais que votre parole n’aura aucune incidence sur le déroulement des travaux »), on voit le maire intégrer le discours de sa jeune opposante à sa propre vision. Et c’est montré de telle façon que l’on ne peut distinguer si cette récupération procède de la roublardise du politicien ou de la sincérité de l’homme de conviction. C’est toute l’intelligence de Rohmer que de ne condamner aucun personnage. Leur complexité n’est jamais éludée. La finesse de son écriture lui permet de donner à chaque personnage des motivations légitimes tout en croquant subtilement leurs vanités.
Avant 1992, on n’aurait pas parié un kopeck sur une politique-fiction réalisée par l’auteur des contes moraux. Pourtant, son style qui mêle allègrement le réalisme quasi-documentaire (voir ici les interviews des villageois au milieu du film) à la fantaisie la plus pure convient parfaitement à ce genre de film. Et de fait, y a t-il eu depuis vingt ans film politique français plus pertinent que L’arbre, le maire et la médiathèque?