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Après que son père trafiquant du marché noir a été fusillé par les Allemands, une petite fille est recueillie par son grand-père, naturaliste en charge du Jardin des plantes…
Ce téléfilm est une des oeuvres les plus personnelles et les plus achevées de Philippe de Broca. La facture, avec une lumière aussi travaillée que les mouvements de caméra, n’a rien à voir avec celle de Navarro. L’absence de concession de l’exposition, dont le ton est très grave, montre combien ce film tenait au coeur de son auteur. Le « je suis prêt à vous vendre des Juifs » hurlé par le père qui espère sauver sa peau devant ses bourreaux manifeste une audace aussi profonde que discrète de la part du scénariste et réalisateur. C’est avec beaucoup de finesse que seront ensuite montrés les mensonges dans lesquels se réfugie le grand-père pour oublier une réalité absolument insupportable.
Dans le contexte de l’Occupation allemande, l’archétype cher à de Broca du mélancolique confronté aux soubresauts du monde prend une dimension tragique. Il est remarquable que le cinéaste parvienne à maintenir l’équilibre entre cette dimension tragique prise à bras le corps et la légèreté, ce mélange d’humour, de fantaisie et de tendresse qui a toujours été sa marque de fabrique et qui demeure heureusement présent ici. L’interprétation de Claude Rich concourt évidemment à cette merveilleuse alchimie. Face à lui, Salomé Stévenin , 9 ans à l’époque, se tire très bien d’un rôle pas évident du tout.
Cette légèreté vivifie le rythme des images, empêche l’appesantissement et fait apparaître plusieurs des plus beaux instants du film comme comme saisis à la dérobée. Ainsi, la tonalité onirique du plan du grand-père et de sa petite fille sur le toit de la pension restera t-elle une tonalité et cette image ne fera pas dévier le cours du film vers une songerie hors de propos. Cette sobriété dans l’invention stylistique, cette humilité du regard, sont une évidente manifestation du tact de Philippe de Broca. Un tact sensible jusque dans les détails les plus anodins. Voir ainsi comment la mise en scène intègre l’handicapé mental à la petite famille: le plus naturellement du monde.
Bref, en dépit d’un dénouement qui accumule les facilités d’écriture au détriment d’une crédibilité jusque là maintenue, Le jardin des plantes demeure le film le plus émouvant de Philippe de Broca. Peut-être parce que c’est la plus récente de ses grandes réussites, il fait particulièrement réaliser combien cet auteur, noble et populaire, manque au cinéma français.