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Une famille d’origine africaine emménage dans une cité de Mulhouse…
Zone franche résulte d’une commande initiée par le ministère de la Culture qui a conduit Paul Vecchiali et Patrick Raynal à encadrer les jeunes de la cité des Coteaux de Mulhouse dans un atelier d’écriture cinématographique. Les acteurs sont également des amateurs habitant cette cité. Les jeunes ont dû être fortement guidés car sa finesse dialectique montre que le scénario est du pur Vecchiali. Zone franche s’éloigne rapidement de tout réalisme sociologique et tend vers l’abstraction d’une fantaisie où interagit une multitude de personnages archétypés. Au fur et à mesure du récit, l’auteur s’amuse à déjouer ces archétypes. On voit combien cette mécanique démiurgique est brillamment ficelée et moralement admirable lorsque arrive le dénouement, pied-de-nez aussi amer qu’inéluctable au « vivre-ensemble ». Pied-de-nez qui, compte tenu de la commande officielle, ne manque pas d’audace.
Cinéaste très conceptuel, Vecchiali a donc pensé son film de façon imparable, respectueux de chacun de ses personnages, assez subtil pour ne pas expliciter chaque élément de leur psychologie. Je pense ici au plan sur la photo de monsieur Teffal en militaire, plan qui prépare le spectateur au coup de théâtre final et empêche ce dernier d’être perçu comme un bête deus ex-machina. Notons d’ailleurs que d’une façon générale, le choix des affiches et autres posters aux murs fait sens; jusqu’à ce poster du Kid gribouillé qui rappelle l’aversion du cinéaste corse envers Chaplin.
Là où le bât blesse et où les contraintes de la commande se font sentir, c’est au niveau de l’incarnation. Si, comme à l’accoutumée chez Vecchiali, la mise en scène sécrète de beaux moments poétiques (ce travelling sur l’épouse boulimique avec la musique de Roland Vincent qui introduit une rupture de ton émouvante), ses approximations nuisent souvent à la vérité des situations représentées. Ainsi les scènes d’action sont-elle franchement embarrassantes. De plus, la qualité médiocre de l’interprétation rappelle que les comédiens professionnels sont préférables aux amateurs, y compris lorsque ces derniers sont censés jouer leur propre rôle.
De par sa vivacité, son récit foisonnant et l’humanisme intelligent de son auteur, Zone franche n’en demeure pas moins un film rafraîchissant et nettement plus important que, disons, La haine.