L’amour sans préavis (Two weeks notice, Marc Lawrence, 2002)

Afin de sauver un centre social, une avocate gauchiste se met à travailler pour un jeune et beau magnat de l’immobilier.

Comédie romantique cousue de fil blanc, très moyennement interprétée et souvent laidement photographiée (les plans de nuit sont mieux) mais pas complètement nulle: c’est parfois drôle (le passage en plan très large lorsque les dialogues deviennent de plus en saugrenus, raccord qui renforce le comique) et une idée assez neuve ressort finalement: l’infaillibilité est un handicap en amour.

La 25ème heure (Spike Lee, 2002)

Les dernières 24 heures en liberté d’un dealer new-yorkais avant qu’il ne purge sa peine de sept ans de prison.

Les artifices d’écriture (l’unité de temps qui sert à facilement récapituler tous les aspects de la vie du personnage, le sur-signifiant monologue face au miroir) et l’abondance de plans inutiles au début sont des défauts véniels face à l’ampleur cosmique qu’a su insuffler Spike Lee à cette poignante histoire de rédemption.  Le contexte post 11-Septembre est finement évoqué, via notamment un travelling aussi sublime qu’inattendu sur les ruines, et la fin, qui emmène vraiment le film ailleurs, fait de La 25ème heure un grand film américain.

K-19: le piège des profondeurs (Kathryn Bigelow, 2002)

En 1961, sur ordre du Parti, un sous-marin nucléaire russe est envoyé en mission alors qu’il n’est pas encore au point techniquement…

La confrontation entre le capitaine intransigeant et le second qui est proche de ses hommes prend une tournure surprenante qui donne à penser, sans démagogie ni forfanterie, sur le devoir, l’obéissance, la dignité, le dépassement de soi et la camaraderie; bref, sur l’Armée.

Avec ses équipes techniques, Kathryn Bigelow a réalisé des prouesses pour maintenir une énergie visuelle à l’intérieur de ce décor très contraignant qu’est le sous-marin (reconstruit à l’identique). Son sens du dynamisme grandiose n’a d’égal que son empathie pour les hommes qu’elle filme. Juste après vous avoir scotché au fauteuil avec une remontée du sous-marin à travers la glace, elle vous émeut avec une partie de foot sur la banquise où souffle un lyrisme fordien. Ces deux grandes qualités font d’elle la cinéaste idéale pour filmer l’héroïsme. C’est ainsi que toutes les séquences autour de la réparation du réacteur sont sublimes et sont peut-être ce que le cinéma américain nous a offert de plus poignant depuis le début du millénaire.

Malgré la convention de la langue anglaise, les acteurs s’avèrent tous parfaits. Qu’il se soit investi dans ce film jusqu’à le produire restera, il faut l’espérer, un des titres de gloires de Harrison Ford. Un ou deux dialogues surligneurs dus à sa nature de superproduction hollywoodienne n’empêchent pas K-19 d’être le meilleur film épique contemporain.

La petite prairie aux bouleaux (Marceline Loridan-Ivens, 2002)

Plus de cinquante ans après, une ancienne déportée revient à Birkenau.

Via Anouk Aimée, Marceline Loridan-Ivens met en scène son retour au camp d’extermination. Elle a eu l’autorisation exceptionnelle de filmer les lieux. Il n’est pas toujours évident pour la réalisatrice de transmettre son expérience à travers l’actrice. Par exemple, les cris en haut de l’entrée principale sonnent un peu faux. Au rayon des réserves, signalons également certaines digressions qui, de par leur tonalité -légèrement- didactique et leur forme apprêtée déparent. Je pense à la scène du chant des visiteurs israéliens. En effet, plus que l’extermination des Juifs elle-même, le sujet de Le petite prairie aux bouleaux est la mémoire des rescapés. C’est lorsqu’il prend les atours d’une confession intime de la part de son auteur que le film touche au plus juste. Ainsi, j’ai lu et vu des quantités d’oeuvres à propos de la Shoah mais c’est la première fois que j’ai été sensibilisé au drame de l’oubli. Le plan où, suite à une discussion avec une autre survivante, le personnage d’Anouk Aimée réalise qu’elle ne se souvient pas que les trous qu’elle creusait servaient à enterrer les Hongroises, est bouleversant. A l’heure où bêtise et malhonnêteté s’associent allègrement pour travestir l’Histoire -voir la récente confusion entre colonisation française et crimes contre l’humanité-, c’est le genre de film qu’il faudrait diffuser le plus largement possible.