Monsieur N. (Antoine de Caunes, 2003)

En 1840, lors du retour des cendres de l’Empereur à Paris, un Anglais qui fit partie de sa garde se souvient des dernières années de Napoléon à Sainte-Hélène et s’interroge sur sa mort…

C’est avec une belle élégance qu’une hypothèse romanesque est échafaudée à partir des réelles zones d’ombre de l’Histoire. Le décor sud-africain, que l’on imagine ressemblant à Sainte-Hélène, est bien appréhendé par un découpage joliment classique et le récit mélange intelligemment intrigue mystérieuse, romance, affrontement entre le geôlier et son prisonnier, et réflexion sur la grande histoire. Le manque de souffle de la mise en scène et les inégalités de la distribution (les acteurs secondaires sont bons, notamment l’inattendu Roschdy Zem, mais Torreton fait du théâtre et Richard E. Grant est caricatural) empêchent Monsieur N. d’être un film beaucoup plus qu’intéressant mais son échec fut clairement immérité.

Toutes ces belles promesses (Jean-Paul Civeyrac, 2003)

Une violoncelliste larguée par son amant médite sur le geste de son défunt père qui a légué une partie de ses biens à sa maîtresse.

La plus efficace des propagandes maoïstes. En effet, on n’a qu’une envie à la vision de ce film: envoyer tout ce petit monde -personnages, acteurs, auteur- à l’usine. Que ces gens hors-sol se rendent comptent des vrais problèmes et arrêtent de nous gonfler avec leurs états d’âme de bourgeois n’ayant rien d’autre à faire pour occuper leurs journées que ressasser leurs souvenirs (platitude programmatique des flashbacks) et débattre de leurs coucheries avec la même profondeur que celle du courrier du coeur d’un magazine féminin (binaire opposition entre la femme « libre » et celle amoureuse d’un con qui la battait). Le tout dans de superbes baraques au bord de la mer. Dès qu’elle ouvre la bouche et qu’on entend son accent des beaux quartiers digne d’une parodie de Valérie Lemercier, on a envie de claquer Jeanne Balibar mais il faut reconnaître que son -joli- minois bardé de tics aurait fait d’elle une excellente actrice de cinéma muet.

Evidemment, on pourrait me rétorquer que l’auteur ne se confond pas avec ses personnages. Problème: le regard posé par Jean-Paul Civeyrac sur ces derniers, aucunement critique, n’est que complaisance. Il n’y a qu’à voir l’hallucinante scène dans le compartiment pour voir tout le mépris de classe qui peut inspirer le réalisateur. Lui qui par ailleurs met plein de grande musique sur ses images; comme si étaler des signes extérieurs de haute culture allait hausser l’intérêt de sa propre mise en scène (en même temps, il aurait tort de se priver d’une telle facilité puisque le public qu’il vise, celui qui préfère Wong Kar-Waï à Allan Dwan, « pense » certainement comme ça). Mise en scène dont il n’y a pas grand-chose à dire si ce n’est que, faute de pouvoir se distinguer autrement, elle entretient le culte de l’inintelligible: photo uniformément trop sombre en intérieur (les extérieurs sont plus lumineux) et diction marmonnée où une réplique sur deux est inaudible.

All the real girls (David Gordon Green, 2003)

Dans une petite ville américaine, un jeune homme a couché avec toutes les filles. Un jour, son amie d’enfance revient après ses études au pensionnat…

All the real girls est le deuxième film de David Gordon Green. Il s’inscrit pleinement dans le cinéma indépendant américain contemporain. En tant que tel, il est en partie gâché par plusieurs affèteries de réalisation. La bande originale faite de branchouilleries planantes (Sparklehorse, Mogwaï…j’en passe et des meilleurs), les plans de nuage ou d’animaux simili-malickiens, la fin évidemment ouverte… Tout cela est bien joli mais terriblement vain. Il y a également une poignée de scènes sursignifiantes nimbées d’une fausse dérision qui les rend d’autant plus agaçantes (je songe ici au monologue final dans la rivière).

Ces quelques réserves n’empêchent cependant pas All the real girls d’être un bon film. En effet, les acteurs épatants de vérité ( Zooey Deschanel est magnifique), l’ancrage des personnages dans leur réalité sociale discret mais étonnamment prégnant (très beaux plans de l’usine) ainsi que le respect de l’auteur pour ses personnages (jamais soumis à des archétypes dramatiques) font qu’on croit à cette histoire d’amour. Il y a une justesse dans la représentation de l’Amérique profonde qui rappelle le formidable Ruby in Paradise de Victor Nuñez, une justesse aussi dans la peinture des sentiments. A ce titre, le plan-séquence d’ouverture est franchement sublime.