Lorsque la nuit est tombée, un projectionniste dont le cinéma est sur le point de fermer tue des femmes.
Une certaine tenue formelle et un interprète principal habité (Pascal Cervo) peinent à compenser l’indigence du script.
Lorsque la nuit est tombée, un projectionniste dont le cinéma est sur le point de fermer tue des femmes.
Une certaine tenue formelle et un interprète principal habité (Pascal Cervo) peinent à compenser l’indigence du script.
Dans les Pyrénées pendant les fêtes de fin d’année, le directeur d’un hôtel aide son fils à cacher un cadavre mais est surpris à son retour par un de ses employés…
L’absence de logique dans la conduite des personnages nuit grandement à l’efficacité du polar et à la pertinence de la « critique sociale ». De plus, au lieu de se focaliser uniquement sur les rapports entre le directeur (impeccable Bacri qui permet au film d’être regardé sans trop d’ennui) et l’employé (monocorde Vincent Rottiers), la narration ménage faussement des mystères sans intérêt. Bref, c’est pas terrible du tout.
Une palefrenière passionnée d’équitation est engagée par une prestigieuse écurie de dressage…
Avec un grand sens de l’à-propos, Patricia Mazuy prend en compte les thèmes ordinairement liés au milieu de l’équitation féminine (en gros: frigidité et lutte des classes) avant de les évacuer pour se focaliser sur le triomphe de la volonté d’une héroïne butée et mal dégrossie. Sport de filles révèle alors sa nature profonde: une profession de foi dans la poursuite des rêves fous qui aident à rester debout face à l’accablante réalité, oscillant entre un naturalisme terrible de justesse (les retrouvailles avec la caissière au supermarché) et un lyrisme absolu. Ainsi, la destinée de cette belle palefrenière vierge aurait pu être chantée par Bruce Springsteen:
For the ones who had a notion, a notion deep inside,
That it ain’t no sin to be glad you’re alive
I wanna find one face that ain’t looking through me
I wanna find one place,
I wanna spit in the face of these Badlands
La naissance houleuse de la symbiose entre la palefrenière obstinée et le vieux champion se décidant à envoyer valdinguer les riches harpies qui ont prostitué son talent est d’une beauté dure et intense.
Seul hic: une musique tellement nulle que je me suis dit que l’auteur de Travolta et moi « voulait du rock mais n’avait pas pu se payer les Rolling stones donc avait fait appel à un guitariste de ses amis ». Ce ne fut qu’une demi-surprise de voir au générique final que le responsable de ce forfait était ce vieil escroc de John Cale!
A Lille, un jeune apprenti qui ne trouve pas de stage rencontre un prêcheur islamiste…
En dépit de sa quasi-absence de spectaculaire visuel, La désintégration est un film très prenant grâce à la concision imprimée par un montage au cordeau qui renforce l’inéluctabilité de la trajectoire décrite. Cette tension perpétuelle et unidirectionnelle est une qualité dramatique mais c’est aussi la limite du film: la mise en relation entre le racisme et l’islamisme est exprimée de façon très didactique (lourdeur du montage parallèle), voire littérale, et élude mystères et nuances en apportant une explication complètement déterministe à la radicalisation de son jeune anti-héros. Certaines ellipses -telle celle qui supprime la discussion avec le grand frère après le premier esclandre familial- apparaissent même comme des esquives pures et simples. La sécheresse directe de l’oeuvre, servie par des acteurs très justes, n’en demeure pas moins émouvante.
Le jour de la fête nationale, une petite ville de la baie du Maryland est ravagée par une infection bactériologique.
Une excellente surprise qui montre que les vertus traditionnellement attribuées au meilleur de la série B -concision, vivacité, inventivité formelle, franchise de la critique politique- ne sont pas encore mortes! On avait initialement proposé au vétéran Barry Levinson de réaliser un documentaire sur les conséquences néfastes de la pollution dans la Chesapeake Bay. Il a jugé qu’un film d’horreur intégrant un maximum de détails réalistes serait plus à même d’alerter le spectateur. D’où l’idée formelle à la base du projet: faire croire que The bay est un montage créé par l’héroïne du film pour alerter les internautes du scandale étouffé par les autorités. Ce montage aurait été réalisé à partir de sources diverses et variées: reportages, téléphones portables, caméras de surveillance, conversations webcam, images médicales…Techniquement, seule la qualité de la prise de son contrecarre ce postulat du « pris sur le vif » et les situations canoniques du film d’horreur (on pense aux Dents de la mer, à Alien) voient leur crédibilité renouvelée. L’ancrage dans la réalité est ainsi tellement probant qu’on n’a qu’une envie après la projection: taper « isopode » dans Google.
Mais ce n’est pas tout! Si, au-delà de sa fraîcheur formelle, The bay s’avère aussi percutant et aussi effrayant, c’est que Barry Levinson y fait montre de tout son talent de petit maître ayant vite assimilé les secrets du genre. Le récit, avec son unité de lieu, son unité de temps et sa multitudes d’actions est conduit avec une belle rigueur et 80 minutes suffisent à son déroulement. De plus, la mise en scène est particulièrement soignée et intelligente. On sent que, à l’opposé de la tendance contemporaine à la surenchère visuelle et au découpage fait par des robots, notre vieux routier du cinéma s’est, pour chaque séquence, posé les questions de base en vue de produire un maximum d’effets sur son spectateur: qu’est-ce qu’il faut montrer et qu’est-ce qu’il ne faut pas montrer? A quelle distance poser la caméra? Et les résultats sont là: les passages horrifiques surprennent le spectateur blasé et n’ont rien à envier aux clous des films de Jacques Tourneur ou de John Carpenter.
Bref, The bay est un digne descendant de Silver Lode, cette autre série B politique où un vétéran du cinéma américain filmait, en 1954, les festivités du Jour de l’Indépendance tourner au vinaigre.
En Islande, un homme et son beau-frère installent les marquages d’une route.
Variante neurasthénique et alcoolisée (bref: islandaise) des comédies régressives américaines contemporaines (David Gordon Green en a d’ailleurs réalisé un remake). Il y a des scènes légèrement sympathiques mais le film manque par trop d’ampleur narrative et son intérêt est limité.
Sous Mao, des Chinois meurent de faim dans un camp de rééducation du désert de Gobi.
Un Soldat bleu pour « public » de « films d’auteur internationaux ». Littéralement répugnant.
Le jour où celle-ci fait une attaque, un célibataire quadragénaire de Hong-Kong s’occupe de sa servante qui travaillait pour sa famille depuis soixante ans…
Vingt-deux ans après le magnifique Song of the exile, ça fait plaisir de retrouver un film de Ann Hui diffusé en France dans des conditions à peu près décentes. Si, avec sa surabondance d’ellipses et ses dialogues réduits à peau de chagrin, le début laisse présager une oeuvre encombrée de « tics du cinéma d’auteur international », la suite montre heureusement qu’elle n’a rien à voir avec les films en carton de Nuri Bilge Ceylan et consorts. A partir du moment où le héros se rend compte combien sa domestique lui est chère, Une vie simple, dont le récit est inspiré des souvenirs de son producteur et scénariste Roger Lee, se met à vibrer d’une sensibilité rare dans le cinéma contemporain.
Ce basculement s’opère définitivement lorsque les camarades d’enfance du jeune homme appellent l’ancienne servante dans sa maison de retraite. En axant la séquence autour de la bouffe, en utilisant discrètement et judicieusement le gros plan au sein d’un ensemble nimbé de pudeur et en s’appuyant sur de formidables interprètes (Deannie Yip en premier lieu), Ann Hui réussit ici une scène pleine de nostalgie et d’humour et, surtout, parvient à quelque chose de difficile et d’invariablement bouleversant au cinéma: la restitution d’une prise de conscience. Du même coup, elle s’inscrit dans la tradition du grand Leo McCarey plutôt que dans celle du sinistre Haneke lorsqu’elle évoque, avec une profonde justesse, les affres de la vieillesse.
Au premier coup d’oeil, on pourra reprocher à Une vie simple son aspect unanimiste, l’absence de conflit dramatique d’un récit qui décrit une relation basée sur les rapports de classes, la très rapide accommodation de la servante à sa maison de retraite (la scène d’arrivée est pourtant terriblement glauque). Après réflexion, ce serait faire un faux procès au film. D’abord, il est évident que montrer la domestique se révolter ou se plaindre aurait trahi la nature profonde d’un personnage qui, pour des raisons culturelles, sociales ou psychologiques, met un point d’honneur à ne jamais faire de vagues. Ensuite, Ann Hui regarde les choses avec une sorte de doux détachement et c’est son droit le plus strict d’autant que ce détachement va de pair avec une exceptionnelle finesse dans l’appréhension des subtilités du coeur humain (voir ainsi la grandeur inattendue avec laquelle est présentée le vieux queutard). Après tout, reproche t-on sa sérénité à Ozu?
Bref, courrez voir Une vie simple pendant qu’il est encore à l’affiche.
A commencer par un criminel condamné à mort, Werner Herzog interroge différentes personnes impliquées de près ou de loin dans un fait divers macabre au Texas.
Werner Herzog affiche son opposition à la peine de mort sans manichéisme, donnant largement la parole aux familles des victimes et leur dédiant finalement son film. S’intéressant à des cas sociaux qui concentrent énormément de drames humains, son film est naturellement éprouvant et, parfois, émouvant. C’est un des mérites du cinéaste que d’aller poser sa caméra dans des endroits inaccessibles au commun des mortels: l’Antarctique, la grotte Chauvet ou, ici, le couloir de la mort. Analyser un sujet de société (la peine de mort aux Etats-Unis) en se focalisant sur tous les protagonistes d’un fait divers donné est une démarche a priori recevable. La plongée afférente dans le Lumpenprolétariat texan a cependant quelque chose de dérangeant car, trop souvent, elle n’a d’autre objet que l’affichage des fêlures intimes de chacun.
A quoi ça rime de demander au frère d’une victime s’il était proche de son frère, de provoquer alors son effondrement puis de le filmer entrain de pleurer pendant plusieurs dizaines de secondes tenant à bout de bras la photo du jeune disparu? Cela a pour but de provoquer l’empathie du spectateur? Certainement. Comme dans les émissions de télé-réalité. Mais ça n’a guère marché sur moi. Même si ce jeune homme meurtri par la vie a toute ma sympathie, je n’ai guère été ému mais plutôt gêné par l’exhibition « brute de décoffrage » de sa douleur. Exhibition dont le cinéaste, évidemment, et non la victime est responsable.
Pour que ça fonctionne, peut-être aurait-il fallu retracer une évolution qui aurait provoqué une identification. Il aurait fallu en tout cas un minimum de « mise en fiction » de la réalité. Faire du cinéma et non du Strip-tease. Comme son étymologie l’indique, l’émotion est d’abord un mouvement. D’ailleurs, les moments émouvants de Into the abyss retracent une évolution, un changement. Et plus qu’émouvants, ils sont franchement bouleversants. C’est la douloureuse prise de conscience du père se retrouvant menotté aux côtés de ses deux enfants; c’est l’histoire de ce bourreau qui démissionne après sa rencontre avec Karla Faye Tucker. Ce n’est pas un état qui est alors suggéré au spectateur, c’est un processus. Un processus humain.
De plus, plusieurs interventions gardées au montage ne semblent avoir d’autre intérêt que d’en rajouter dans la monstruosité et le bizarre. Ainsi de l’entretien avec le carrossier anciennement analphabète n’ayant aucun rapport direct avec l’affaire. Pareil pour l’extraordinaire accumulation de malheurs qui s’est abattue en quelques années sur la soeur d’une victime. Passé la stupéfaction (la « sidération » pour parler en novlangue), cette triste accumulation n’évoque rien d’autre au spectateur qu’un banal « ces pauvres gens n’ont pas été gâtés par la vie ». La « critique de l’Amérique bigote blablabla » trouvée par certains critiques parisiens n’existe que dans leur tête car jamais l’auteur ne met en correspondance les cas auxquels il s’intéresse avec les autres composants de la société. Il ne va pas du particulier vers le général à part lorsqu’il interroge ses interlocuteurs sur « la peine de mort ».
Certains procédés tels la musique « inquiétante » pendant les images de reconstitution du crime ou le fait que l’on entende parler le condamné à mort sans qu’il tienne le téléphone du parloir sont limites quant au contrat moral entre le documentariste et le spectateur mais ils restent rares.
Comme il le dit lui-même dans son entretien avec Les cahiers du cinéma de novembre, Herzog a décidé de faire un long-métrage lorsqu’il a découvert tout ce que cette affaire criminelles concentrait de désolation humaine. Mais les protagonistes de cette affaire sont souvent montrés d’une façon trop extraordinaire pour renvoyer à un ordre plus universel. Into the abyss est un film à voir car, à moins que l’on n’en soit dénué, il interpelle immanquablement notre curiosité mais ce n’est pas non plus un des chefs d’oeuvre de l’année.
La démarche initiale de Robert Guédiguian est évidemment louable. Remettre en question la validité d’un engagement de trente ans en le mettant à l’épreuve du réel, un réel de moins en moins accommodant, est l’apanage d’un esprit intelligent et, a priori, la matière d’un film passionnant (car riche de potentiels narratifs). Le problème est que si la démarche est honnête, l’artifice du procédé est criant. Trop souvent, Guédiguian délaisse la représentation intimiste (plutôt réussie) pour donner à son film des allures de dissertation filmée. En faisant référence à Jaurès tous les quarts d’heure et en plaçant des dialogues trop généralistes dans la bouche de ses protagonistes, il diminue la vérité naturelle d’un film qui, tout de même, se veut en prise avec la réalité contemporaine des prolétaires marseillais. Sans parler des choix musicaux incongrus (des dockers quincas et marseillais qui dansent sur Blondie?? ).
Bref, à force de manque de précision dans les observations (quand ce n’est pas un déni de réalité pur et simple), Guédiguian dé-crédibilise sa fable. Pour ces raisons, le paradoxe final n’émeut guère.
Les grands catholiques hollywoodiens (tel Capra ou McCarey), eux, croyaient à la transcendance et n’avaient pas besoin de tordre le réel pour faire croire aux miracles. Et de fait: La route semée d’étoiles, c’est quand même autre chose que Les neiges du Kilimandjaro.
Une visite guidée à l’intérieur de la grotte Chauvet en Ardèche, une des plus anciennes grottes préhistoriques du monde (30 000 av. J.C).
L’intérêt majeur de ce film est qu’il fait pénétrer le spectateur à l’intérieur d’un haut-lieu de l’histoire de l’humanité, un lieu dont l’accès est restreint aux scientifiques par souci de conservation des inestimables témoignages que sont les peintures rupestres, les fossiles ou encore les restes d’animaux préhistoriques. La meilleure idée du cinéaste, exceptionnellement autorisé à filmer pendant quelques jours, est d’avoir fait le choix de la 3D.
Ce qui est à la base un gadget destiné à engraisser la mafia des exploitants trouve ici une pertinence inédite puisque la 3D est évidemment le procédé idéal pour restituer les profondeurs d’une caverne. L’immersion est totale. C’est quasiment un voyage dans le temps. De plus, les explications des scientifiques en charge de la grotte sont claires. Elles montrent précisément en quoi le lieu a remis en question plusieurs hypothèses fondamentales sur les progrès de l’humanité. Bref, le film remplit sa noble mission pédagogique. Les quelques pistes lancées par l’auteur pour faire oeuvre de poète ne sont pas toujours convaincantes (le rapport entre le postscript sur les crocodiles albinos du Tricastin et le reste du film m’échappe toujours).
Un taulard s’évade pour empêcher un tueur en série de s’en prendre à sa fille.
Ça fait plaisir de voir qu’il existe encore un cinéma policier intéressant en France. J’entends par là: des polars ni infantilisants ni vulgaires ni prétentieux. Le convoyeur en 2004 avait tracé un sillon; Eric Valette le laboure dignement. Certes La proie est loin de se hisser à la hauteur du chef d’oeuvre de Nicolas Boukhrief car son ambition est moindre. Point de plongée au coeur d’une réalité sociale précise ici, on reste dans la pure convention. Le film a cependant deux mérites essentiels:
d’abord il est fort bien mené. Si le scénario contient quelques facilités, le rythme est suffisamment trépidant pour qu’on n’en garde pas rigueur à l’auteur. De plus, les séquences d’action sont impressionnantes et les acteurs convaincants malgré la faible épaisseur de leur rôle. Bref on ne s’ennuie pas une seule seconde.
Ensuite, malgré les inévitables réminiscences du cinéma américain (on songe au Fugitif et à Un monde parfait), La proie se démarque de ses modèles parce qu’il est ancré dans un réel français. Ce réel influe sur le contenu du film. D’une part, l’intrigue s’inspire d’une partie de l’affaire Fourniret. A ceux qui trouveront le scénario aberrant, on conseillera de se reporter à la fiche Wikipedia du sinistre Sedanais pour se rappeler que la réalité dépasse la fiction.
D’autre part, l’inventivité d’Eric Valette est stimulée par la géographie et les espaces caractéristiques de son pays. De la course-poursuite à pied sur le périphérique parisien au final dans les Alpes-Maritimes en passant par les scènes dans ces nouvelles prisons qui ressemblent à des hôtels Formule 1, le metteur en scène exploite intelligemment chaque environnement tout en gardant les qualités de lisibilité et d’intensité qui sont les siennes.