Mandy (Alexander Mackendrick, 1951)

Contre l’avis de son mari, une jeune femme place leur fille sourde dans une institution spécialisée.

Le côté sociétal et documentaire du sujet est judicieusement contrebalancé par la liaison platonique entre le chef du centre et la mère. D’une façon très simple et très naturelle, elle est montrée comme le prolongement du travail pour éduquer Mandy, un travail reposant sur (et nourrissant) l’amour. Grâce à cette dimension intimiste, traitée avec un salvateur sens de la nuance, le film va au-delà de son programme informatif et, malgré de négligeables grossièretés stylistiques (dans l’utilisation de la musique notamment), émeut avec justesse. Les acteurs, en premier lieu la petite Mandy Miller, sont tous parfaits. Alexander Mackendrick a ainsi réalisé un bon film anglais.

Whisky à gogo! (Alexander Mackendrick, 1949)

Pendant la seconde guerre mondiale, les habitants d’un village écossais récupèrent clandestinement la cargaison de whisky d’un navire échoué…

A force de mesure dans l’exécution et de bridage dans l’hypothétique inspiration comique, cette soi-disant comédie ne m’a pas pas décroché un seul sourire. Ce style très terne n’empêche d’ailleurs pas plusieurs comédiens d’être caricaturaux et la musique ringarde de surligner ce qu’elle est censée exprimer. Enfin, la prééminence du montage sur le découpage et l’abondance des plans rapprochés dans les séquences de groupe diminuent la présence de la communauté tel qu’on aurait pu la ressentir si Whisky à gogo! avait été réalisé par un John Ford.

Comment réussir en amour sans se fatiguer (Don’t make waves, Alexander Mackendrick, 1967)

A Malibu, après que sa voiture a été accidentée par une jolie peintre entretenue par un riche constructeur de piscines, un homme exige de se faire dédommager…

Le manque d’unité et de développement dans la narration est préjudiciable à cette satire amère du « californian way of life ». De sublimes actrices en petite tenue, des accents pathétiques rares et bienvenus, une chanson des Byrds et une maîtrise du Cinémascope digne de Blake Edwards la rendent toutefois assez plaisante. Certains gags tel la fin où une maison dégringole une falaise de boue poussent l’absurde jusqu’au malaise.

Le grand chantage (Sweet smell of success, Alexander Mackendrick, 1957)

Un journaliste-vedette utilise son sous-fifre pour briser l’idylle entre sa soeur et un musicien de jazz.

La peinture cynique et inédite de certains milieux journalistes (jusqu’ici plus souvent représentés dans des comédies que dans des films noirs) est une percutante métonymie de la société américaine des années 50. Ses peurs et ses valeurs perverties sont puissamment évoquées à travers les rapports entre le personnage de Burt Lancaster, imposante incarnation de ces faiseurs d’opinion qui sont conservateurs avec trop d’ostentation pour être honnêtes, et celui de Tony Curtis, fébrile et pathétique larbin prêt à toutes les compromissions morales pour grimper l’échelle sociale.

L’acteur d’Amicalement vôtre, éblouissant, trouve ici ce qui fut peut-être le rôle de sa vie. La souplesse et l’ampleur de ses gestes, en parfaite harmonie avec la belle partition jazz d’Elmer Berntein, apportent une grâce féline à son personnage de petite frappe tout droit sortie d’une chanson de Bruce Springsteen. Le somptueux noir et blanc de James Wong Howe, des dialogues incisifs, un soupçon de tragédie discrètement mêlé à la satire sociale (voir ce magnifique plan de Burt Lancaster surplombant New-York sur son balcon après qu’il ait constaté que sa soeur lui échappait) et une caméra en état de grâce achèvent de faire de ce premier film américain d’Alexander Mackendrick un des derniers chefs d’oeuvre du film noir.