Un fermier qui a tué en état de légitime défense est poursuivi par un jeune officier de police montée…
Ce western Triangle est remarquable à plusieurs titres. D’abord, il y a la vivifiante fraîcheur si typique du genre dans ces années-là. Les séquences sont concises, les acteurs suffisamment dynamiques et expressifs pour minimiser le nombre de cartons, les extérieurs sont photographiés avec autant de simplicité que de beauté. Un exemple parmi d’autres de cet art, poétique mais prosaïque, pourrait être ce plan centré sur une rivière où un cavalier surgit par le haut de l’image; c’est donc, tout naturellement, par son reflet dans l’eau qu’il se signale d’abord à l’oeil du spectateur.
Ensuite, il y a une liberté dans la narration d’autant plus souveraine qu’elle ne s’affiche pas: quarante-trois ans avant Psychose, le personnage principal change au cours du récit. Deux fois plutôt qu’une. Ainsi, le film de traque se focalise soudain sur l’éclosion d’une jeune fille dans une garnison. Borzage est, déjà, l’auteur…Ces changements de point de vue n’apparaissent pas comme un défaut de structure car l’unité de l’oeuvre est concrétisée dans la bienveillance avec laquelle sont montrés trois personnages qui ont, chacun à leur manière, tragiquement failli.
Enfin, Frank Borzage, qui démarrait alors une collaboration avec la firme fondée par Thomas Ince, a insufflé une réelle sensibilité. Grâce à l’invention exceptionnelle de sa direction d’acteurs, le futur « poète de l’amour fou » enrichit l’intrigue d’une épaisseur humaine, sentimentale et même érotique. Voir par exemple, à la fin, les gestes de tendresse mutine de Pauline Starke qui se révèle une des plus mémorables héroïnes de western, presque à la hauteur de Bessie Love dans The aryan.