Sept jours de la vie d’une famille modeste.
L’intention naturaliste du projet de Carl Junghans, communiste allemand qui a réalisé ce film en Tchécoslovaquie, est contrariée par le caractère profondément conventionnel de la dramaturgie. Certaines situations, tel l’accident de la blanchisseuse, frisent même le ridicule tant la gestion de l’aspect mélodramatique de son récit par l’auteur est maladroite. En revanche, la mise en scène au sens le plus strict du terme (c’est à dire le découpage et la direction d’acteurs) n’a, elle, rien de maladroit. On retrouve ici la grande Vera Baranovskaïa, actrice de La mère, plus sobre ici que dans le chef d’oeuvre de Poudovkine. Telle est la vie est en effet un parangon de classicisme cinématographique. Dix ans d’art muet y sont synthétisés avec un raffinement et une précision exemplaires. Junghans se fait fort de limiter son utilisation des intertitres à l’égrenage des jours de la semaine. Tout passe par l’image.
Les séquences qui font office de contrepoint à un ensemble qu’il faut bien qualifier de misérabiliste sont les plus belles. Ainsi de l’anniversaire où un voisin oriente son phonographe vers la fenêtre pour en faire profiter l’héroïne (Telle est la vie n’est pas parlant mais il est sonore et l’utilisation du son y est parfois joliment inventive) avant de les rejoindre pour boire le thé. Ce moment est plein d’une chaleur humaine digne du Crime de M. Lange ou du début de La belle équipe. Sans même parler du néo-réalisme (découvrir des « précurseurs » de ce mouvement est un petit jeu qui passe vite au cinéphile tant il est facile).