Dans des bas-fonds sordides, une jeune femme objet des assiduités de son beau-père tente de s’enfuir avec son amoureux…
Quartier sans soleil est d’abord un grand film naturaliste où Dimitri Kirsanoff pointe du doigt une réalité misérable dans le but de faire passer un message politique. A ce titre, la fin est magnifique de par la foi naïve qu’elle exprime en un progrès architectural qui résoudrait tous les problèmes sociaux. Entre Le Corbusier et Capra.
La mise en scène donne du corps à cette idée. L’absence de localisation précise ainsi que la stylisation évocatrice des décors (les bas-fonds sont reconstitués en studio comme le port du Havre pouvait l’être par Trauner) accentuent l’universalité du drame. Autour de l’intrigue principale s’articule une multitude d’arcs narratifs qui permettent de voir s’agiter tout un microcosme où chacun se coltine la fatalité sociale à sa façon. Tout cela est lié avec fluidité par les plan-séquences de Kirsanoff. Le film, durant moins de 75 minutes, est d’une densité qui a de quoi faire rêver aujourd’hui.
Alliant la clarté du discours à la maîtrise de la mise en scène, Quartier sans soleil pourrait apparaître aux esprits chagrins comme un film démonstratif, étouffé par le poids des intentions de l’auteur. Ce serait compter sans ses moments de folie généreuse, si emblématiques du cinéma français des années 30, qui insufflent une prodigieuse vitalité au récit. C’est par exemple l’héroïne qui, sur le point de se marier, console son beau-père amoureux d’elle. C’est aussi cette fille qui tire sur son maquereau avant de se jeter à son cou. Réaction du barbeau agonisant : « tire-toi pendant que t’en as le temps ». Instant sublime s’il en est.