La goualeuse (Fernand Rivers, 1938)

Une chanteuse des rues est amenée à témoigner dans un procès opposant son amant criminel au père de ce dernier qui est accusé du crime de son fils naturel.

De ce mélo improbable concocté par Jean Guitton à l’intention de Lys Gauty, célèbre chanteuse d’alors, Fernand Rivers a réussi à tirer un film admirable et singulier. Le premier coup de génie a été d’accorder une grande importance à des personnages n’ayant qu’une incidence tardive sur l’action dramatique. Le regard sur ces mariniers marginaux est à la fois tendre, cocasse et digne. C’est sans avoir l’air d’y toucher que leurs scènes avec la police expriment la méfiance immémoriale du petit peuple envers les forces de l’ordre. Par exemple, lors de la première audition des témoins au palais de Justice, le film s’attarde beaucoup sur les déambulations de Dorville dans le bâtiment. Accentué par la largeur inhabituelle des cadres, le fossé entre le peuple et l’institution judiciaire est mis en exergue avec une drôlerie certaine. Plus tard, avec une audace folle mais assurée, le découpage insuffle de l’humour à une étonnante séquence de noyade. Par ailleurs, l’insertion des -belles- séquences de chant montre comment la commande pouvait stimuler la liberté de la narration.

Ce décalage ponctuel du traitement n’est qu’une manifestation parmi d’autres de l’élégance du metteur en scène. L’absence d’appesantissement d’une caméra dynamique, l’exceptionnelle richesse de la musique, qui fait la part belle à la trompette et à la clarinette, et la qualité de la photographie (on retrouve les contrastes vespéraux du Chemineau) en sont d’autres. Tandis que le groupe des mariniers amuse (le couple formé par Marguerite Pierry et Arthur Devère !), les acteurs du drame central jouent avec conviction mais sans caricature. In fine et par-delà les aberrations du scénario, les drames d’un père réconcilié avec sa chair  et d’une veuve éplorée émeuvent.

Le chemineau (Fernand Rivers, 1935)

Un journalier itinérant met une fille de ferme enceinte avant de repartir…

Après le beau film muet de Henry Krauss, voici une nouvelle adaptation de la pièce de Jean Richepin. Plus encore que le sobre Krauss, Fernand Rivers a magnifié la campagne française. La liberté du ton (ménage à trois en toute tranquillité), le lyrisme de la musique et, surtout, l’intégration des personnages aux paysages ensoleillés, renforcée par les travellings, confèrent à la première partie une sensualité lumineuse et panthéiste qui préfigure Une partie de campagne. La photographie de Jean-Pierre Mundviller ne se borne pas enregistrer la spendeur de la Nature mais dramatise plusieurs plans grâce à de superbes contrastes. Chantant, dansant ou doutant, Victor Francen interprète un personnage aux multiples facettes. Cette inspiration variée de la mise en scène permet de faire passer les artifices d’une dramaturgie qui reste fondamentalement théâtrale. Cette fois, même si je ne le partage pas à 100%, l’engouement de Paul Vecchiali (« une des oeuvres les plus fortes réalisées en France dans les années 30 ») est compréhensible.

Le maître de forges (Abel Gance & Fernand Rivers, 1933)

Abandonnée par son aristocratique prétendant qui espérait une grosse dot, une marquise désargentée se marie à un grand ingénieur…

Après bien des rebondissements désuets mis en boîte sans grande imagination et entrecoupées d’images de forge saisissantes mais décorrélées de l’intrigue (dues à Abel Gance?), la tragédie, finalement, se noue et, soutenue par la conviction de Gaby Morlay, émeut.

Le fauteuil 47 (Fernand Rivers, 1937)

Suite à un malentendu, un jeune dramaturge amoureux d’une grande actrice épouse la fille de cette dernière.

Le fond -des histoires de baise chez des bourgeois- est après tout analogue à celui de nombre de films d’auteurs français mais la forme, du théâtre de boulevard, a le mérite d’être moins prétentieuse et plus amusante que celle des Beaux jours. Le fauteuil 47 n’en demeure pas moins médiocre. C’est le plaisir de voir des monstres sacrés, dans leurs emplois standards, qui empêche de décrocher. J’ai en fait eu l’impression que les deux premiers tiers du métrage constituaient un prétexte, pour le moins laborieux, au montage parallèle conclusif où le rythme comique décolle enfin. Mais rien de bien transcendant.