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A La Rochelle, le directeur d’une grande entreprise de pêche voit son épouse quitter soudainement le foyer…
L’intrigue est fortement enrichie par l’arrière-plan, très présent: enchères à la criée, conversations au bistrot, silence pesant d’une grande maison bourgeoise…Gilles Grangier sait indéniablement situer ses protagonistes dans leur environnement. L’exposition est carrément brillante dans la rapidité avec laquelle elle familiarise le spectateur avec une multitude variée de personnages, de lieux, d’enjeux dramatiques. Cela donne à la narration une ampleur balzacienne. Toute une ville -sa bourgeoisie, ses prolos, ses maisons de banlieue, son port, ses secrets- est évoquée.
Cependant, la tentation du personnage de Gabin de retourner à la violence -son fameux « sang à la tête »- n’est jamais rendue sensible à cause d’un récit velléitaire et d’un style simplificateur se reposant essentiellement sur les dialogues pour exprimer cette évolution. Par exemple, la violente complexité d’une séquence comme celle où il force une poissonnière à trahir son fils est escamotée par les artificieuses répliques d’Audiard qui ravalent une lutte des classes à une affaire d’antagonisme personnel: la conduite odieuse du grand patron joué par la grande vedette est censée être rachetée aux yeux du spectateur par le fait que les auteurs exacerbent l’ignominie de la femme qui lui cède. Point de vue assez mesquin qui revient à blâmer un résistant craquant sous la torture avant de blâmer le type de la Gestapo. Enfin, il est dommage que le dénouement ratatine ce foisonnement romanesque à coups de péripéties artificielles qui résolvent tout par une psychologie hypra-conventionnelle.
Le sang à la tête n’en reste pas moins un bon film, mené avec suffisamment d’habileté pour captiver son spectateur. Mais sa fin décevante l’empêche d’être grand.