Barquero (Gordon Douglas, 1970)

Confronté à des bandits mexicains sanguinaire, un conducteur de bac solitaire défend la communauté de villageois.

Triste resucée du western italien (faiblesse de la contextualisation, absence de crédibilité des articulations dramatiques, cynisme vague, surenchère de violence, zooms à gogo, dilatation du temps sans objet, musique médiocrement imitée de Morricone) à l’intérêt rehaussé par le charisme de Lee Van Cleef.

La femme en ciment (Gordon Douglas, 1968)

Ayant découvert une femme encimentée lors d’une partie de plongée, le détective Tony Rome est à nouveau entraîné dans une sale histoire…

La désinvolture devient du laissez-aller. C’est patent dans la conduite de l’intrigue. Il reste des dialogues toujours aussi amusants et des filles sexy, en tête desquelles Raquel Welch.

Rogues of Sherwood forest (Gordon Douglas, 1950)

Richard Coeur de Lion décédé, son frère le prince Jean reprend le pouvoir mais le fils de Robin des bois compte bien défendre la population opprimée.

C’est soi-disant une suite mais l’histoire reste identique: le fils de Robin s’appelle aussi Robin, il se réfugie dans la forêt de Sherwood pour combattre le prince Jean aux côtés des joyeux compagnons Frère Tuck, Petit Jean et Will l’Ecarlate et il convoite toujours une lady Marianne. Comment faire du vieux avec du neuf. A part ça, sans arriver à la cheville du chef d’oeuvre de 1938, cette quasi-série B de la Columbia est un film vif et coloré qui romance intelligemment la naissance de la magna Carta (seule innovation narrative de cette suite). John Derek n’est pas Errol Flynn mais ses talents de bretteur sont honorables, il y a pas mal d’action et Gordon Douglas, en plus d’être très concis dans son découpage, a le sens du détail cruel qui pimente les séquences de duel.

Les loups dans la vallée (The big land, Gordon Douglas, 1957)

Après la guerre de Sécession, un cow-boy Texan aide des fermiers du Kansas à construire une gare pour pouvoir vendre son bétail à d’autres marchands que les rapaces du Missouri.

Malgré des transparences hideuses et une musique parfois pléonastique, Les loups dans la vallée est un très bon western qui témoigne d’autant mieux des vertus du genre qu’il est dénué du génie d’un auteur. Entremêlant avec un admirable naturel relents de la guerre de Sécession, convoyage de bétail, avancée du chemin de fer et histoire d’amitié rédemptrice qui préfigure Rio Bravo, le récit est d’une grande variété dramatique. Toutefois, l’absence de mise d’accent sur l’un ou l’autre de ces aspects fait que le tout demeure un peu superficiel malgré quelques éclats de la mise en scène notables dans les séquences violentes ou tristes. La virilité un tantinet maniérée de Alan Ladd apporte aussi une touche de singularité. C’est un des rôles qui justifient le mieux sa réputation de star du genre.

Face au châtiment (The Doolins of Oklahoma, Gordon Douglas, 1949)

Bill Doolin, le chef de la Horde sauvage, s’est amouraché de la fille d’un notable mais son gang ne veut pas être abandonné…

La vivacité de la mise en images permet de passer outre la convention un peu affadissante du scénario et le manque de crédibilité de Randolph Scott en bandit.

 

 

La diligence vers l’Ouest (Stagecoach, Gordon Douglas, 1966)

Une diligence avec à son bord une prostituée, un bandit, un docteur alcoolique, un banquier, et un joueur part vers l’Ouest à travers les territoires indiens…

Remake habile et parfaitement inintéressant du grand classique de John Ford. Les vertus de concision de l’original ont laissé place à une lourde explicitation des caractères et des enjeux dramatiques, bien dans l’air du temps.

Le trésor des sept collines (Gordon Douglas, 1961)

Deux chasseurs de fourrures qui ont par hasard découvert de l’or sont menacés par des voleurs divers et variés.

Sobre dans ses effets, précis dans son découpage, nuancé dans sa narration, Le trésor des sept collines s’inscrit dans une des plus belles traditions du western: celle des fables sur la soif de l’or auxquelles le réalisme mythique propre au genre fournit un écrin lumineux de simplicité. Un bémol tout de même: le noir et blanc, étonnant compte tenu de l’année de sa production, ne rend pas justice aux somptueux paysages dans lesquels il se déroule (Grand canyon, Monument Valley…).

I was a communist for the FBI (Gordon Douglas, 1951)

En pleine guerre froide, un agent du F.B.I infiltre le parti communiste implanté chez les ouvriers de Pittsburgh.

Si la propagande oblitère finalement la richesse dialectique de l’argument dramatique, cet argument donne lieu à des scènes étonnamment fortes qui insufflent une certaine densité humaine au récit: ainsi lorsque le père est forcé de jouer son rôle de communiste aux yeux de son fils, chagriné et révolté. Frank Lovejoy se révèle d’ailleurs un excellent comédien. De surcroît, la concision du découpage, la qualité de la photo, la précision des mouvements de caméra et la sécheresse des scènes de violence font de I was a communist for the FBI un film vif et plaisant. C’est à vrai dire un des films les plus brillants du talentueux Gordon Douglas.

Mara Maru (Gordon Douglas, 1952)

Un plongeur dont l’associé a été assassiné est embarqué dans une expédition pour trouver un trésor.

Un petit film d’aventures saupoudré de mystère policier avec une lumière perpétuellement sombre et donc peu dépaysante compte tenu du fait que l’action se déroule dans les mers du Sud. C’est globalement routinier, bavard et assez mou. Le cas de conscience du héros vénal est d’abord ennuyeux car c’est un poncif exposé avec force dialogues sursignifiants mais il finit par convaincre car les auteurs l’assument jusqu’au bout et montrent qu’un type poursuivi par le héros s’avère le vrai gentil. Et donc le héros avait clairement tort. C’est une entorse appréciable à la convention qui arrive cependant très tardivement.

De minuit à l’aube (Gordon Douglas, 1950)

Deux flics qui patrouillent dans la même voiture tombent amoureux de la secrétaire de leur chef.

Between midnight and dawn est un petit film à la gloire d’un corps de la police américaine comme Anthony Mann en a réalisé plusieurs à la même époque. Le talentueux Gordon Douglas n’a certes pas le génie de Mann en ce qui concerne la mise en scène mais on retrouve tout de même la concision, l’efficacité narrative et un côté vaguement documentaire, vertus typiques de la série B américaine d’alors.
L’écriture est schématique et facile quoique foncièrement honnête. Vingt ans avant Les flics ne dorment pas la nuit, la dureté du métier de flic est évoquée d’une façon embryonnaire mais claire. Ainsi, une ou deux scènes dures et fortes, telle celle où le héros éprouvé par la mort de son copain tabasse une chanteuse, frappent l’esprit au sein d’un ensemble plutôt niais.

Le géant du grand Nord (Yellowstone Kelly, Gordon Douglas, 1959)

Les pérégrinations d’un trappeur à Yellowstone, entre la cavalerie et les Sioux.

Un western de bonne facture quoique dénué du moindre embryon de génie. Sous les dehors originaux et progressistes (méchant pas si méchant…) du scénario de Burt Kennedy, la convention n’est en fait jamais dépassée. Les enjeux dramatiques de l’intrigue sont multiples mais aucun n’est réellement mis en avant, aucun n’est vraiment creusé par le metteur en scène qui filme chaque situation avec un égal professionnalisme et le tout reste donc assez illustratif. A réserver aux amateurs du genre.

Rio Conchos (Gordon Douglas, 1964)

En 1867, un tueur d’Apaches, un Mexicain condamné à mort et un officier de l’Union entreprennent une expédition à la frontière mexicaine afin de récupérer une cargaison de fusils dérobée par un ancien officier de la confédération sudiste.

Comme on peut l’entrevoir avec ce bref résumé, la richesse du background qui cumule guerres indiennes et relents de la guerre de Sécession assure une certaine complexité dramatique au film. En plus de rendre ambiguës les motivations des personnages, elle permet à l’auteur (Rio Conchos est un des rares films dont Gordon Douglas a participé au scénario) de laisser libre cours à sa fantaisie. Ainsi, Rio Conchos est un western somme toutes assez conventionnel (exemple: le personnage du Mexicain hâbleur fait trop souvent « comique de service ») se distinguant par la cruauté et le baroque de plusieurs passages qui lui donnent une certaine ampleur. Il y a d’abord toutes les séquences de violence.

De l’introduction percutante au final apocalyptique, la maestria de Gordon Douglas dans les scènes d’action revêt des formes particulièrement variées. Cette virtuosité n’est pas pur ornement spectaculaire mais est l’expression sans fard d’une réalité exceptionnellement dure. La noirceur de Gordon Douglas vaut mieux que celle de Sam Peckinpah parce qu’elle n’est pas décorative, elle n’est pas au service d’une complaisante rhétorique de la frime. Par exemple, y a t-il eu dans l’histoire du genre évocation plus terrible d’un monde désolé que la découverte de la maison attaquée avec l’exécution de la mère ensanglantée qui s’ensuit?

Pourtant, le talent de Gordon Douglas ne se limite pas à la mise en scène de la violence. Citons donc le rêve fou du méchant qui donne lieu à une vision hallucinée, quasi-fantastique, vision tout droit sortie de l’imagination baroque d’un metteur en scène décidément inspiré: la reconstitution du vieux Sud dans le désert de Monument Valley. Malheureusement, cela reste une vision. En effet, s’il y a bien une chose qui empêche Rio Conchos de figurer parmi les plus grands chefs d’oeuvre du western, c’est une certaine forme de superficialité. Au cours du déroulement du récit, de nombreuse thématiques intéressantes sont effleurées mais aucune n’est privilégiée donc aucune n’est réellement développée. Les personnages restent au service de l’intrigue-reine. Ainsi, l’alliance entre le renégat sudiste et les Apaches aurait gagné à être affinée pour éviter d’apparaître comme un deus ex-machina.

Rio Conchos n’en reste pas moins un très bon film. Transition idéale entre le western classique et le western italien qui allait naître quelques mois plus tard, c’est peut-être le dernier témoignage d’une époque où les petits maitres étaient parfois en mesure de transcender les conventions et de se hisser alors à la hauteur des plus grands (Rio Conchos vaut largement les westerns que Raoul Walsh et John Ford ont réalisé la même année, à savoir La charge de la huitième brigade et Les cheyennes).

Le détective (Gordon Douglas, 1968)

Un policier new-yorkais quinquagénaire enquête sur le meurtre d’un homosexuel en même temps que son mariage avec une jeune sociologue part à vau-l’eau.

The detective est un polar ambitieux qui se veut adulte, préoccupé par la réalité sociale de son temps. Dans l’ensemble, ces ambitions sont concrétisées. The detective est la peinture d’un monde en décrépitude face auxquel les « bonnes vieilles valeurs » incarnées par le personnage de Frank Sinatra ne peuvent rien. Celui-ci a beau se voiler la face face aux névroses de son épouse nymphomane, celle-ci n’arrêtera pas pour autant ses infidélités. La principale limite du film est que les intentions de ses auteurs sont parfois trop visibles. Par exemple, la scène entre Sinatra et les amis de sa femme après le théâtre n’est là que pour signifier la différence culturelle entre les deux amoureux. Elle se réduit à ça, les amis sont de purs faire-valoirs. Dans ce genre de scène, comme lors des discours de Sinatra sur l’incurie de la municipalité, les intentions étouffent la vie. De plus, la construction alambiquée du récit n’est pas toujours convaincante.

Gordon Douglas est excellent lorsqu’il vise l’efficacité (l’arrivée au commissariat en plan-séquences, modèle de concision) mais contestable lorsqu’il expérimente (le raccord dans l’axe des deux regards caméras au moment de la demande en mariage).
Heureusement, la sensibilité des interprètes (et les yeux sublimes de Lee Remick) aide le cinéaste à faire face à une écriture pas toujours subtile.

Derrière la classe innée de sa star, derrière les jolies couleurs de sa photo, derrière les expérimentations douteuses de son réalisateur, The detective témoigne d’une noirceur bien plus cinglante que nombre de ses successeurs des années 70. En témoignent par exemple l’exécution capitale et ce qui s’ensuit.

Bref: aussi consternante qu’y soit la coupe de cheveux de Jacqueline Bisset, ce film vaut toujours mieux qu’un Cruising.

 

Chuka le redoutable (Gordon Douglas, 1967)

Un pistolero solitaire aide une garnison de cavalerie à faire face à des Indiens affamés.

Résumé de cette façon, Chuka le redoutable a l’air très classique mais l’intérêt de ce western tient aux idées avec lesquelles les auteurs régénèrent les conventions d’un genre alors moribond. Ces idées expriment une vision de l’Ouest particulièrement sombre. Ainsi, dès le début, le spectateur sait que tout se terminera par le massacre des soldats puisque le film commence par un flashback. Le héros est un mélancolique qui agit à la fois comme un mercenaire et comme un amoureux désespéré. Ses tourments ne sont pas relatés avec une exceptionnelle finesse psychologique mais ils contribuent à donner de la consistance à l’histoire racontée. Par ailleurs, les soldats du fort y ont été envoyés par punition, ayant auparavant péché par lâcheté ou par insubordination. Cette dernière trouvaille est clairement la meilleure. Faire de la garnison un tas de damnés permet d’avoir une superbe galerie de seconds rôles. Ces personnages profondément fêlés sont vraiment émouvants. En plus de ce bon vieil Ernest Borgnine, il faut citer John Mills, plus connu pour ses rôles dans les films anglais de David Lean que dans les westerns, qui joue un magnifique commandant. Sans se départir de son efficacité habituelle, Gordon Douglas réalise plusieurs scènes saisissantes de noirceur. Certains plans sont d’une violence terrible qui anticipe celle de Aldrich dans Fureur Apache.

Bref, quelques moments plus platement conventionnels (le sauvetage dans le camp indien) que le reste n’empêchent pas Chuka le redoutable d’être un très bon film. C’est en fait un des meilleurs westerns américains de la décennie.

Dick Tracy contre Cueball (Gordon Douglas, 1946)

Ce qui est bien avec ce genre de série B, c’est qu’il n’y a pas besoin de faire de résumé: le titre dit tout ce qu’il y a à savoir de l’intrigue. Gordon Douglas est aux manettes donc la mise en scène brille par son efficacité narrative. En dehors de ça, les personnages sont très typés et l’histoire est profondément inepte. Bref, c’est de la bonne BD filmée mais ça reste de la BD filmée.

Un amour pas comme les autres (Young at heart , Gordon Douglas, 1954)


Ça commence comme une charmante chronique familiale façon Le chant du Missouri avec maison de banlieue en carton-pâte, jeunes filles qui rêvent du prince charmant sur leur piano, et ça s’achemine petit à petit vers le mélodrame le plus pur. Au fur et à mesure d’une progression dramatique exemplaire, le vernis se craquelle, les sentiments se révèlent. Frank Sinatra dans un rôle d’artiste déchiré qui annonce celui qu’il tiendra dans nombre de ses chefs d’oeuvre, que ce soit sur disque (No one cares, 1959) ou sur pellicule (Comme un torrent, même année), est celui qui, promenant son vide existentiel dans cette charmante famille, va jouer le rôle du détonateur. L’argument de base est donc classique, convenu même, mais son développement est si implacable qu’il entraîne le film vers d’insondables abysses de mélancolie. Rarement sensation de désespoir aura été aussi prégnante dans le cinéma hollywoodien. Il faut voir la séquence de la fuite éperdue du personnage de Sinatra en voiture, fuite qui renvoie directement à celle de Lana Turner dans Les ensorcelés.
Cette vérité des sentiments, on la doit au talent d’une équipe remarquable: Sinatra évidemment qui trouve un rôle à sa mesure, la multitude de compositeurs à l’origine des superbes chansons qu’il interprète, les autres comédiens tous excellents, la direction artistique irréprochable, mais aussi et surtout Gordon Douglas, dont la mise en scène est d’une permanente pertinence, discrète mais riche de sens, ainsi de la composition des plans qui confère toute leur cruauté à certaines séquences de fête familiale.
Bref, Young at heart est bel et bien un chef d’oeuvre, chef d’oeuvre dont l’absence de notoriété nous rappelle pour notre plus grande joie que cet immense territoire qu’est l’âge d’or hollywoodien n’a pas encore révélé tous ses trésors.