Retour (Coming home, Hal Ashby, 1978)

L’épouse d’un officier en mission au Viet-Nam trouve un poste dans un hôpital de vétérans et tombe amoureuse de l’un d’eux, paraplégique.

Authentique film de hippie attardé (le discours final!), Coming home est néanmoins un joli film. Certes Hal Ashby est un réalisateur au talent limité. En témoigne par exemple sa plate utilisation des standards du rock des années 60. Born to be wild, Sympathy for the devil ou Hey Jude ne font pas décoller une séquence mais au contraire écrasent celle-ci de leur poids énorme. Il faut une profonde symbiose entre le dynamisme d’une mise en scène et la mélodie d’un classique de la pop pour que ce dernier n’apparaisse pas plaqué sur les images. Cette symbiose, qui caractérise notamment les meilleurs films de Martin Scorsese, est généralement absente chez Hal Ashby.

Heureusement, Ashby a également exhumé certaines pépites peu connues tel la géniale Out of time des Rolling Stones qui ouvre et clot le film. Cela donne une dimension plus secrète à son esthétique, établit d’emblée une connivence avec l’amateur de rock averti. Mais ce genre de clin d’oeil, aussi agréable soit-il pour le happy few, n’a jamais contribué à la réussite d’un film.

Ce qui fait que Coming home, malgré son fort peu subtil message pacifiste, vaut largement le coup d’oeil, c’est la sensibilité avec laquelle les protagonistes sont dépeints. Ce ne sont pas les véhicules de la thèse de l’auteur, ce sont de beaux personnages de fiction. L’évolution des sentiments de chacun est particulièrement bien retranscrite. Les acteurs sont excellents et Jane Fonda est carrément sublime. Un plan sur sa chute de reins suffit à absoudre le passif Viet-Minh de la dame.

Harold et Maude (Hal Ashby, 1972)

L’histoire d’amour improbable entre un asocial de 20 ans et une petite dame de 80 ans.

Hal Ashby est-il vraiment un cinéaste sous-estimé ou est-il tout simplement un réalisateur d’importance secondaire ? Son film le plus célèbre, Harold et Maude, est en tout cas loin d’être à la hauteur des oeuvres majeures du cinéma américain des années 70. Charriant une idéologie foncièrement hippie, il porte les stigmates de son époque. La charge sociologique libertaire semble plus préoccuper les auteurs que l’intimisme et c’est bien dommage. En effet, celle-ci est d’une lourdeur qui parasite toute la mise en scène. Les personnages secondaires, n’ayant d’autre fonction que de cristalliser le discours « anti-conventionnel », sont bêtement caricaturaux  (voir le militaire). Les gags manquent de finesse et leur redondance fait ressortir les lacunes de la construction dramatique. Quel intérêt de montrer non pas un ou deux mais cinq ou six faux suicides d’Harold ?  L’anticonformisme est affiché avec trop d’ostentation pour être intéressant et il fait oublier les quelques jolis instants entre Harold et Maude, instants qui de toute façon ne vont jamais au-delà de la joliesse.

Shampoo (Hal Ashby, 1975)


Les histoires d’un coiffeur qui tente de concilier ascension professionnelle et parties fines avec ses clientes. Ben oui, le coiffeur c’est Warren Beatty. Film mineur de Hal Ashby, Shampoo se suit sans passion mais agréablement grâce à une sympathique galeries d’actrices (je retiens Carrie Fisher dans ce qui était son premier rôle au cinéma, juste avant La guerre des étoiles). Le sexe à tout va est montré comme moyen de subversion (il faut voir le foutoir que le coiffeur met dans la bonne société en couchant avec toutes les femmes des notables), de force progressiste mais aussi comme marque d’immaturité qui empêche d’avancer, de construire. Le temps des illusions est révolu, une certaine nostalgie irrigue le film en filigrane, alimentée par une bande-son qui fait la part belle aux grands groupes de pop de la décennie précédente (Beatles, Beach boys…).

Huit millions de façons de mourir (Hal Ashby, 1986)

Hal Ashby, le cinéaste le plus sensible du Nouvel Hollywood s’attaquait ici à l’adaptation d’un roman policier de Lawrence Block. L’histoire est celle d’un ancien flic devenu alcoolique qui retrouve sa dignité en enquêtant sur le meutre d’une prostituée dont il était amoureux. On voit donc facilement ce qui a pu intéresser Ashby dans ce sujet très conventionnel: la peinture de personnages désaxés. Grâce notamment au formidable comédien qu’est Jeff Bridges, il donne une réelle épaisseur à ce héros archétypal. Au milieu de séquences d’action brillament mises en scènes (un final plein de tension notamment), il filme les échanges entre l’alcoolique et les prostituées sans la moindre sentimentalité, avec une belle justesse de ton. En dépit d’une intrigue cousue de fil blanc et d’une musique atrocement 80’s , Huit millions de façons de mourir est donc un bon polar, une réelle sensibilité étant insufflée par les auteurs à un matériau vulgaire.