Le Dit de la terre sibérienne (Ivan Pyriev, 1948)

Mutilé par la guerre, un musicien prometteur part en Sibérie pour fuir la pianiste qu’il aime.

Même si le dénouement ne brille pas par sa subtilité (mais est assez irrésistible dans son lyrisme propagandiste), le propos est plus fin qu’il n’y paraît: ce n’est pas uniquement en rencontrant le peuple de Sibérie que le musicien trouve l’inspiration mais c’est aussi en méditant solitairement après un chagrin intime. Pour traiter un sujet pour le moins original, les auteurs font preuve d’un minimum de dialectique, entre le collectif et la psychologie individuelle -cette dernière n’est pas niée. Le Sovietcolor est plus beau, moins kitsch, dans les extérieurs que dans les intérieurs, pour restituer les paysages que pour filmer les chairs. La virtuosité d’Ivan Pyriev est aussi saisissante dans les plans-séquences chantants qui matérialisent la communauté que dans le montage à la Dovjenko qui accompagne l’oratorio final. Bref, Le Dit de la terre sibérienne est un beau mélodrame musical.

Six heures du soir après la guerre (Ivan Pyriev, 1944)

A Moscou pendant la Grande guerre patriotique, un artilleur et une jeune fille mobilisée par la DCA tombent amoureux.

L’histoire d’amour, que d’aucuns ont abusivement comparé à Elle et lui car elle est basée sur des rendez-vous manqués, souffre de l’absence d’épaisseur de personnages qui se réduisent à leurs stéréotypes mais ce film de propagande guerrier et opératique ne manque pas de souffle: la musique de Tikhon Khrennikov s’allie à la virtuosité formelle de Ivan Pyriev au service d’un lyrisme un chouïa grandiloquent et typiquement soviétique qui fait particulièrement mouche dans les scènes de bataille enneigées. Pour autant, ce film dont la durée ne dépasse pas l’heure et demi n’est pas une grosse machine indigeste. Il m’a semblé préfigurer Quand passent les cigognes. En outre, Pyriev se paye le luxe de filmer la victoire un an avant qu’elle n’ait eu lieu.