The lonely passion of Judith Hearne (Jack Clayton, 1987)

A Dublin au milieu du XXème siècle, une professeur de piano anciennement alcoolique tombe amoureuse du frère de sa tenancière…

Le dernier film de Jack Clayton est une réussite tant la dialectique entre une société oppressante et les fêlures intimes y est subtilement retranscrite: la première ne détermine pas complètement les secondes, le mystère psychologique est ménagé. Maggie Smith incarne la vieille fille amoureuse avec brio, les pensions de famille dublinoises à l’atmosphère un peu rancie n’ont jamais été aussi bien filmées et la somptueuse musique de Georges Delerue insuffle le lyrisme nécessaire pour que tout ça ne verse pas dans le sinistre total.

Les innocents (Jack Clayton, 1961)

Le classique du « film de gouvernante anglaise envoyée s’occuper de gamins à l’imagination fertile qui vivent reclus dans un manoir à moitié hanté ».

A ma connaissance, il n’a jamais été dépassé. La raison est simple: Les innocents est une splendeur formelle, un film parfaitement mis en scène. Le découpage rigoureux alterne avec une pertinence  de chaque instant gros plans sur les visages et plans d’ensemble. Le Cinémascope Noir&Blanc de Freddie Francis est superbe et contribue à l’atmosphère gothique du film. Loin d’être étouffante, cette maîtrise classique crée de ambiguïté, interroge le regard du spectateur sur les éléments irrationnels: ne seraient-ils pas que le fruit de l’imagination d’une vieille fille frustrée par son éducation anglicane ? Jusqu’aux dernières images, le mystère est maintenu. En effet, comme tous les grands du fantastique, les auteurs se servent du genre pour traiter de thématiques d’ordre plus général que l’existence des revenants: ici, le récit est une matière élégamment exploitée par Jack Clayton pour parler de perversion engendrée par la répression des désirs sexuels. Deborah Kerr est grande; comme toujours mais il faut le dire alors je le dis.