Ne le criez pas sous les toits (Jacques Daniel-Norman, 1943)

L’assistant d’un chimiste décédé est poursuivi par divers personnages qui croient qu’il possède la formule d’un super carburant.

Avec cette fernandellânerie, Jacques Daniel-Norman est loin du niveau qu’il atteindra avec ses comédies policières suivantes, tel 120 rue de la gare, Monsieur Grégoire s’évade ou même L’aventure est au coin de la rue. Mais il faut dire qu’ici, il n’est pas crédité au scénario alors qu’il a écrit ces trois bons films.

L’aventure est au coin de la rue (Jacques Daniel-Norman, 1944)

Un célibataire qui s’ennuie se retrouve embarqué dans une étrange aventure après qu’un pickpocket a tenté de lui voler son portefeuille.

Cette brillante comédie policière s’essouffle dans sa seconde partie car il est difficile de prendre au sérieux une intrigue policière après la présentation ironique de son simulacre. L’aventure est au coin de la rue préfigure en effet The game de David Fincher. Comme dans le film suivant de Jacques Daniel-Norman, 120 rue de la gare (probablement son chef d’oeuvre), le mélange (plus que l’alternance) des tons occasionne des effets étonnants et la fantaisie est remarquablement emballée: découpage digne d’une comédie américaine de par sa vivacité, rapidité vacharde des dialogues, élégant détachement de Raymond Rouleau et jolie photo de Claude Renoir.

120, rue de la gare (Jacques Daniel-Norman, 1946)

Après le meurtre de son ancien élève, Nestor « Dynamite » Burma enquête sur une sale affaire…

La première adaptation cinématographique de Nestor Burma fut et demeure une très plaisante réussite. Cette réussite tient essentiellement à la singularité du ton employé par le réalisateur et adaptateur, Jacques Daniel-Norman. En effet, la légèreté de touche va de pair avec la vigueur policière. Les auteurs parviennent à moquer la vanité du héros sans décrédibiliser son enquête. Le début, alors que le spectateur ne sait pas sur quel pied on veut le faire danser, est d’ailleurs assez malaisant. Toutefois, la vitalité du personnage séduit rapidement et excuse son comportement hâbleur dans l’esprit du public. René Dary est ainsi une sorte de cousin parigot du Errol Flynn de Walsh.

Une belle galerie de seconds rôles étoffe le récit, en tête desquels Jean Tielment en judoka des Batignolles, le trop rare Albert Dinan en sympathique truand montmartrois et la jeune Sophie Desmarets en secrétaire impétueuse dont les vifs échanges avec son patron dénotent une influence bien digérée de la comédie américaine. D’une façon générale, les dialogues excellent, tant dans leur écriture -un argot sans concession qui préfigure Simonin et Audiard- que dans le rythme étourdissant avec lequel ils sont débités. Merveille de pétulance, 120, rue de la gare est bien un des joyaux méconnus du polar à la Française.

Monsieur Grégoire s’évade (Jacques Daniel-Norman, 1946)

Parce qu’il a gagné un concours de mots-croisés, un comptable est poursuivi par des malfrats qui le confondent avec un des leurs…

Ecrit et réalisé par Jacques Daniel-Norman, Monsieur Grégoire s’évade est une savoureuse comédie policière où l’équilibre entre drôlerie et mystère est finement tenu. Une plaisante galerie de seconds rôles entoure la belle Yvette Lebon, la fascinante crapule Jules Berry et Bernard Blier dans le rôle éponyme. Cette incarnation parfaite de la banalité s’insère idéalement dans le réalisme quotidien du début qui anticipe les films parisiens de Becker. Dans la suite du film, il faut reconnaître que l’attrait de son personnage pour le milieu n’est guère rendu sensible, la mise en scène peinant à se coltiner les invraisemblances psychologiques de l’astucieux scénario. Daniel-Norman filme avec des mouvements d’appareil alertes qui accentuent la charmante vivacité de l’ensemble. Ce n’est certes pas Toute la ville en parle mais c’est franchement pas mal.