Trois hommes à abattre (Jacques Deray, 1980)

Après avoir amené un accidenté de la route à l’hôpital, un joueur de poker se retrouve pourchassé par des tueurs à la solde d’un magnat de l’industrie de l’armement.

La superficialité de la contextualisation politique comme de la caractérisation psychologique réduit le film à une succession de courses-poursuites où Alain Delon est chassé par des méchants puis Alain Delon chasse des méchants. Même si la photo est assez laide, c’est mené adroitement et promptement et, surtout, parsemé d’éclairs de violence qui stupéfient. Bref, cette adaptation de Manchette a l’étoffe d’une bonne série B. Sans plus.

Un homme est mort (Jacques Deray, 1972)

A Los Angeles, un Français tue un homme d’affaires puis est lui-même pourchassé par un tueur.

Cet essai de polar français dans un cadre américain est raté pour les causes suivantes:

  • des dialogues uniquement français qui altèrent aussi bien la vraisemblance que la sensation de décalage entre le tueur et son environnement
  • l’absence totale de crédibilité des premières scènes où le héros échappe aux balles de l’autre tueur
  • le caractère trop tardif de la révélation de ce qui a poussé le tueur à tuer. Le fait de savoir d’emblée que c’est un monsieur tout-le-monde aurait facilité l’identification à son personnage antipathique
  • le caractère téléphoné de l’embryon de romance

Reste un exotisme qui, aujourd’hui que le mode de vie américain est familier au public français, a fait long feu (la famille qui mange devant la télé, les bikers, les bars top-less, les grosses voitures…), quelques poursuites bien réalisées et un final étonnamment sanglant. C’est peu, au regard de la médiocrité du scénario.

Le gang (Jacques Deray, 1977)

En 1945, le gang des Tractions avant enchaîne les braquages.

Avec ce polar rétro, Alain Delon et Jacques Deray ont visiblement voulu réitérer le succès de Borsalino. Malheureusement, malgré l’absence de Belmondo, ils se placent dans la lignée du film original et non de sa suite, infiniment supérieure. En effet, comme le faux classique de 1970, Le gang est un polar miné par la dérision et l’esprit de sympathie que les auteurs ont voulu insuffler à une chronique pourtant inspirée de crimes sinistres. Comme dans Borsalino, une rengaine de Claude Bolling fait tendre plusieurs scènes d’action vers la parodie. Comme dans Borsalino, on ne verra jamais le héros, pourtant un psychopathe calqué sur Pierrot le fou, abattre les policiers sur lesquels il tire: pas de contrechamp à ses coups de feu, ce qui rend neutralise littéralement les séquences de fusillades. Elles perdent tout leur intérêt dramatique.

Pire: parce qu’il jouait un personnage de dingue, Alain Delon a cru judicieux de s’affubler d’une ridicule perruque frisée. Il perd ainsi sa proverbiale beauté et la romance de son personnage avec une jeune fille qui quitte tout pour rejoindre le gangster voit sa crédibilité anéantie. C’était pourtant une des bonnes idées des auteurs que de faire raconter l’histoire par cette jeune fille, jouée par la jolie Nicole Calfan. Enfin, la seule séquence où Delon joue la folie justifiant le surnom de son personnage apparait invraisemblable et déplacée, tant le mélange des tons est mal géré; sauf dans Rocco et ses frères, Delon est un acteur d’autant plus grand qu’il s’extériorise peu. Reste la qualité visuelle de la reconstitution, bien mise en valeur par les cadres souvent larges de Jacques Deray: les scènes dans les auberges sur la Marne ont presque un parfum renoirien.

Doucement les basses (Jacques Deray, 1971)

Le curé d’un village breton voit son épouse qu’il croyait morte resurgir, au bras d’un truand: elle le menace de se donner à tous les marins du port si il ne la reprend pas.

Aïe. Jouant un curé dans une comédie avec Paul Préboist, Alain Delon a voulu sortir de ce qu’on appellerait aujourd’hui sa « zone de confort » mais force est de constater que le ratage est total et absolu. Intrigue paresseuse, invention comique quasi-inexistante (plus un gag est navrant plus souvent il est répété), vulgarité de « l’inspiration » et, il faut le dire, cabotinage lamentable du grand acteur qui vaut cependant le coup d’être vu par curiosité tant ce film et cette interprétation détonnent dans sa filmographie.

Borsalino & Co (Jacques Deray, 1974)

Après Borsalino, Roch Siffredi cherche à venger son ami François Capella.

Supérieur au premier volet car la dérision belmondoesque ne mine pas la dramaturgie. Si le roi de la pègre joué par Delon n’est jamais montré entrain de faire le mal sans « justification », sa froide dureté a quelque de terrifiant: le méchant brûlé vif dans la locomotive repousse les bornes de la violence communément admise dans le cinéma français de l’époque. Borsalino & Co est un sombre film de vengeance, assez conventionnel dans son déroulement mais nourri par l’intensité tragique d’Alain Delon et impeccablement mis en scène, sans dialogue ni plan inutile mais avec un vrai faste visuel et sonore (Claude Bolling a signé une musique bien adaptée à la nouvelle tonalité de cette suite même si la ritournelle du premier épisode est malheureusement réutilisée à certains endroits) et une belle intelligence de la reconstitution historique (la manif de la CGT dans un arrière-plan). Il est émaillé de fusillades tout à fait dignes des meilleurs polars américains d’alors. En revanche, les auteurs auraient pu et dû se dispenser de diaboliser l’ennemi du héros en en faisant un militant fasciste: Carbone et Spirito, qui ont inspiré Siffredi et Capella, n’obéissaient qu’à leur intérêt et n’ont pas hésité à fricoter avec le PPF ni à travailler pour la Carlingue.

Par un beau matin d’été (Jacques Deray, 1965)

Une petite frappe de la côte d’Azur qui vivote en montant des arnaques avec sa soeur voit un ancien co-détenu lui proposer le kidnapping de la fille d’un riche Américain pendant ses vacances en Andalousie.

Un relatif manque de concision dans le dessein d’ensemble et quelques lignes de dialogues argotiques qui sonnent faux n’empêchent pas cette adaptation de James Hardley Chase d’être brillamment menée. L’utilisation du Cinémascope est aussi élégante que chez Otto Preminger ou Anthony Mann et la distribution est impeccable avec à sa tête un Jean-Paul Belmondo stupéfiant de vitalité, mélange surprenant mais cohérent de sympathie et d’antipathie. Sans le diaboliser, le film n’excuse ni ne rachète son personnage qui « a un mauvais fond » comme le lui dit son comparse. Pour transformer le bon film en grand film, sans doute aurait-il fallu un réalisateur qui soit aussi un auteur car alors, certaines axes originaux du script -notamment les relents incestueux entre les deux personnages principaux- auraient peut-être été exploités avec plus de suite dans les idées. Ici, plus que jamais, Jacques Deray mérite sa réputation de « bon artisan ».

Rififi à Tokyo (Jacques Deray, 1963)

A Tokyo, un vieux gangster français réunit une bande pour dérober un énorme diamant.

Le flou délibéré de la narration, entretenu aussi bien par l’écriture que par le montage, agace mais Tokyo, miteuse et moderne, est bien restituée et l’intrigue de convention s’en trouve ancrée dans une réalité certaine.

 

Symphonie pour un massacre (Jacques Deray, 1963)

Après avoir doublé ses quatre complices, un trafiquant de drogue se retrouve obligé de les tuer.

Quelques facilités pour boucler l’intrigue mais une réalisation alerte et une distribution impeccable en tête de laquelle un Jean Rochefort étonnant de froide dureté. Pas mal.

 

Borsalino (Jacques Deray, 1970)

Film que je rêvais de voir étant gamin…et en effet, j’aurais certainement adoré ce film si je l’avais découvert dans ma période pré-ado/films de mafia. Aujourd’hui, il peut être difficile de passer outre la légèreté de la caractérisation des personnages et la superficialité de l’histoire racontée. Delon et Belmondo deviennent les rois de la pègre sans qu’on les voit tirer autrement qu’en état de légitime défense ou de vengeance. Leur seule mauvaise action montrée, c’est le saccage de l’étal de truculentes poissonnières…et c’est mis en scène de façon comique (à comparer par exemple avec la cruauté de l’incendie du kiosque à journaux dans Il était une fois en Amérique). Tout le problème, toute la différence avec les classiques du film de gangsters américain abondamment cités est là: la gravité et les enjeux moraux de l’intrigue sont trop souvent sacrifiés sur l’autel du sympathique, à l’image de la ritournelle de Claude Bolling. Il n’empêche. La dérision ne gâche pas complètement le film, les scènes de violence notamment sont réalisés de façon très sèche, sans musique, et les impacts sanglants sont montrés. La fin également donne une dimension humaine à des personnages qui se réduisaient jusqu’ici à leurs archétypes. Pour peu que l’on comprenne le fait que l’on regarde une superproduction très calibrée et non pas Le parrain français, Borsalino reste un bon film et il serait dommage de bouder son plaisir devant un divertissement d’aussi belle facture (distribution royale bien sûr mais aussi reconstitution fastueuse et métier de Jacques Deray) .