Le mirage (Jean-Claude Guiguet, 1992)

En Suisse, une grande bourgeoise tombe amoureuse d’un jeune professeur d’Anglais qu’elle a embauchée.

A l’exception de un ou deux beaux plans, Jean-Claude Guiguet est incapable de restituer la trajectoire sentimentale de son héroïne autrement qu’en l’explicitant verbalement, par exemple avec une séquence où Louise Marleau monologue. Il est d’autant plus difficile de croire que le jeune homme bouleverse la dame en son automne qu’il est moche et habillé comme un sac, de même que son comparse. Cette absence totale de goût vestimentaire accroît la laideur du film même si, plus que jamais, avec ses références culturelles qui font office de glacis, Guiguet se comporte ici en Visconti du pauvre.

Les belles manières (Jean-Claude Guiguet, 1978)

Un jeune ouvrier entre au service d’une grande bourgeoise. De troubles rapports s’établissent.

Le sexe, les classes sociales, la mort. C’est la matière d’un mélodrame mais le style affecté et maniéré de Guiguet freine l’implication du spectateur. Une solennité du ton trop constante pour être honnête fait apparaître comme un exercice de style un peu vain ce qui aurait pu (du?) être un drame déchirant mâtiné d’une violente critique sociale. Les belles manières est une sorte de Violence et passion du pauvre.

Faubourg Saint-Martin (Jean-Claude Guiguet, 1985)

Dans un hôtel du faubourg Saint-Martin, les destins entremêlés de plusieurs femmes dont certaines se prostituent.

L’action se situe à Paris, elle pourrait tout aussi bien se situer à Ouarzazate. Détaché de tout contexte spatio-temporel précis, Faubourg Saint-Martin convoque les fantômes du cinéma français des années 30. Sans que l’ambition maniériste ne soit jamais manifeste, on se rappelle durant la projection ces films choraux d’avant-guerre tournés en studio dans lesquels personnages de prostituées et de jeunes filles n’étaient pas encore les infâmes clichés qu’ils sont devenus vers 1950. On se rappelle Derrière la façade, Hôtel du Nord…

Les dialogues ont ici une importance essentielle. Souvent théoriques, ce sont eux qui font avancer le récit et qui définissent les personnages. C’est la principale limite du film. En effet le drame, bien réel, manque de corps du fait d’une mise en scène très statique et peu incarnée. Les comédiens, honorables, n’ont pas la faconde d’un Jules Berry ou d’une Arletty (même si Ingrid Bourgoin, de loin l’actrice la plus truculente de la distribution, rappelle un peu cette dernière). Le ton est donc un peu monotone malgré les ruptures de ton adroitement ménagées par le scénario. On regrettera également la tendance de Jean-Claude Guiguet, typique des metteurs en scène Diagonale, à surappuyer les détails incongrus ou anticonformistes du film quitte à nuire à la vérité de l’ensemble (voir le traitement ridicule du personnage de l’homophobe).

Faubourg Saint-Martin est malgré tout un beau film sur sur les fêlures intimes et la façon dont on les supporte tout au long de la vie qui retrouve par endroits la beauté des chansons réalistes les plus mélancoliques (celle-ci par exemple).