The amazing Mrs Holliday (Bruce Manning et Jean Renoir, 1943)

Une jeune fille qui a recueilli 8 orphelins en Chine essaye de les faire adopter par la famille du capitaine qui les a ramenés et dont le navire a coulé.

Niaiserie de propagande où, quoique spécule Pascal Mérigeau, il est très difficile de trouver trace du style de Jean Renoir.

Tire-au-flanc (Jean Renoir, 1928)

Un jeune bourgeois et son domestique font leur service militaire…

Différence entre les classes sociales et universalité du désir sont filmées avec justesse et ironie dans un début et une fin typiquement renoiriennes. Le reste, à savoir une heure de comique troupier muet, est tout à fait ennuyeux.

Chotard et Cie (Jean Renoir, 1933)

Un épicier se réconcilie avec son gendre poète lorsque celui-ci obtient le prix Goncourt…

Pour réussir l’adaptation de la pièce de Roger Ferdinand, il aurait fallu que Jean Renoir soit libre de la réécrire. L’écrivain originel s’étant chargé lui-même du scénario, le récit est à l’image des dialogues: d’une consternante platitude. Charpin reprend le rôle qu’il a créé sur scène et joue comme au théâtre: de façon extrêmement caricaturale. Les autres acteurs sont médiocres. Renoir s’occupe comme il peut: il enrobe ces âneries même pas drôles avec des mouvements d’appareil compliqués.

Le bled (Jean Renoir, 1929)

Un Parisien va retrouver son oncle qui a fait fortune en Algérie dans le but de lui emprunter de l’argent. Sur le bateau, il rencontre une jeune héritière…

Cette commande du gouvernement français pour célébrer le centenaire de la conquête de l’Algérie est peut-être le pire film de Jean Renoir. Oh, il ne s’agit pas de s’indigner benoîtement devant le propos évidemment colonialiste de l’entreprise! Celui-ci ne fait que confirmer la terrifiante facilité avec laquelle le futur réalisateur de La vie est à nous et de Vivre libre! adaptait son style à l’idéologie requise par le moment.

Les séquences qui voient des soldats débarquer tandis que l’oncle se lance dans un éloge passionné du « rôle positif de la colonisation » devant un neveu citadin donc superficiel qui ne comprend pas que le travail, il n’y a que ça de vrai, sont d’ailleurs les passages les plus intéressants du film d’un point de vue strictement formel. Comme les scènes de duel du Tournoi dans la cité (film de commande précédent par ailleurs autrement plus intéressant), elles montrent la maîtrise qu’a atteint Renoir dans ces dernières années du cinéma muet.

Simplement, l’histoire racontée est parfaitement inepte. Jamais les personnages n’existent en dehors du rôle que leur a assigné une intrigue convenue et débile. Qui plus est, Le bled n’a même pas le mérite de la concision narative. A la fin, le héros n’en finit pas de courir après le méchant dans le désert. Il s’agit d’un film de prestige donc il faut les voir en voiture, en chameau, à pied, à cheval, avec la caméra qui bouge dans tous les sens. Las! Cette interminable course-poursuite achève l’indulgence du spectateur de 2010.

Le tournoi dans la cité (Jean Renoir, 1928)

Au temps des guerres de religion, un seigneur protestant et un seigneur catholique se disputent une belle catholique.

Commande réalisée dans le cadre du bi-millénaire de la cité de Carcassone, Le tournoi dans la cité est peut-être le meilleur film muet de Jean Renoir. La technique est sûre, les moyens sont là et on peut même déceler en filigrane la personnalité du futur auteur de La règle du jeu.

Le tournoi dans la cité est d’abord une des rares réussites françaises dans le genre de la reconstitution historique. Les enjeux narratifs sont multiples, variés et bien présentés. Il y a certes beaucoup de cartons et la mise en images est parfois illustrative mais le cinéaste trousse avec brio divers morceaux de bravoure dans lesquels découpage et mouvements de caméra insufflent une réelle force dramatique à l’action. Je songe notamment au duel d’anthologie sur les remparts de Carcassone avec l’épéiste italien Aldo Naldi.

La mise en scène de la violence est d’une crudité qui sauve le film de l’académisme et qui pourra étonner le spectateur qui comme moi associait la représentation cinématographique du XVIème siècle au genre, léger et guilleret par nature, du film de cape et épée. Le tournoi dans la cité est un film sanglant et dénué de mièvrerie. Un exemple: après avoir éventré son adversaire, le « héros » essuie sa lame dans les cheveux de la soeur convoitée du macchabée puis l’embrasse de force. Un grand moment de hussard attitude! Qui l’eût cru de ce cher vieux Renoir…

Les caractères sont relativement complexes car non soumis à un vulgaire schéma dramatique. En d’autres termes, difficile de savoir qui est le bon et qui est le méchant. Le héros est d’ailleurs franchement antipathique même s’il n’est pas diabolisé. C’est dans ce regard dénué d’a priori sur ses personnages qu’on a le plus de chances de retrouver la personnalité du réalisateur. « Tout le monde a ses raisons ».

On regrettera simplement le manque de concision du film. Le scénario n’a pas l’efficacité des grands films hollywoodiens de cape et épée. C’est certes parce que l’intrigue et les personnages sont peu conventionnels mais c’est aussi dû à certains moments décoratifs dans lesquels il s’agit plus de faire étalage des nombreux chevaux et des riches costumes qu’a pu se payer la production que de faire avancer le récit. L’attention retombe donc parfois mais Le tournoi dans la cité n’en reste pas moins un bon film ne méritant pas l’oubli dans lequel il est tombé.

La marseillaise (Jean Renoir, 1938)

Alors que les Américains n’ont su que trop bien enrichir leur mythologie nationale grâce au cinéma, rares sont les cinéastes français à avoir filmé l’histoire sans peur de l’édification ni du lyrisme. Rien que parce qu’il appartient aux heureuses exceptions, La marseillaise, évocation de la Révolution française vue du côté provençal, est à saluer. Oui, c’est un film produit par la CGT, oui, nombre de personnages et situations apparaissent outrageusement schématiques (je pense au personnage d’Andrex, sorte de petit livre rouge sur pattes qui n’est là que pour déblatérer des théories révolutionnaires) mais ce canevas est littéralement transfiguré par la mise en scène de Renoir, mise en scène d’une prodigieuse vitalité. Personne mieux que lui n’a su filmer les scènes de liesse populaire. Sa caméra est libre, se promenant d’un personnage à un autre dans une même séquence et n’ayant pas peur de s’envoler lorsque tout le monde se met à chanter l’hymne national. A ce titre, La marseillaise est sans doute un des films les plus lyriques de son auteur.
Il est intéressant d’ailleurs de voir que Renoir invente sa propre forme pour faire oeuvre de propagande. Il ne s’inscrit ni dans la tendance américaine qui met un individu exemplaire au centre de la fiction (il n’y a pas vraiment de héros dans ce film) ni dans la tendance théorico-dialectique des Soviétiques. Il fait quelque chose d’autre, entre les deux. Il filme la vie qui interfère sans cesse avec l’Histoire, façon à lui de montrer que la révolution filmée s’inscrit dans le cours naturel des choses. Je pense à cette scène épicurienne où Louis XVI, joué par un Pierre Renoir dont la bonhomie est un salutaire contrepoint à un ensemble très nettement pro-révolutionnaire, vante à sa vindicatrice épouse les tomates ramenées par les Marseillais (l’anecdote dans l’Histoire). Je pense de la même façon à ce regard particulièrement dérangeant du même Louis XVI lorsque, passant en revue ses troupes, l’un des soldats ose lui crier « A bas le Roy ». Il ne sait plus où se mettre et continue sa revue. Le sens profond de la grande histoire est alors évoqué par une puissante métonymie (c’est de cette incompréhension que découle directement la fuite de Varennes). De même, et bien que ce film cégétiste soit plein de foi dans l’idéal révolutionnaire, la brutalité des affrontements n’est pas éludée lorsqu’au milieu d’un joyeux assaut, un des personnages principaux est soudainement fauché. Loin de nier la violence d’un tel soulèvement, Renoir sait l’évoquer de façon claire.
Bref, La marseillaise est un film où, sans jamais sacrifier l’individualité des personnages (aidé en cela par le gratin des comédiens de l’époque: Andrex, Carette, Louis Jouvet…), Renoir célèbre comme personnes les élans collectifs et réalise un film profondément populaire.