The song of life (John M. Stahl, 1922)

Au soir de sa vie qu’elle a ratée, une mère qui a abandonné son enfant parce qu’elle était attirée par les lumières de la grande ville retrouve son fils fiancé à une femme qui a également envie d’évasion.

Grâce à la qualité de l’interprétation et à des détails sociologiques ou comiques qui enrichissent plusieurs scènes, cet apologue réactionnaire tissé dans l’étoffe mélodramatique fonctionne assez bien jusqu’à une dernière partie par trop délayée et rocambolesque pour que mes bonnes dispositions à son égard aient été maintenues.

Back street (John M.Stahl, 1932)

L’ayant rencontré dans sa jeunesse, une femme reste la maîtresse d’un homme marié toute sa vie.

En dépit de ses nombreux et parfois glorieux succédanés, ce mélodrame canonique garde quelque chose de sublime peut-être justement parce qu’il se borne à être canonique: dénué de critique sociale aussi bien que d’esthétisme lyrique, il se contente de suivre « l’autre femme », admirablement jouée par Irenne Dunne, dans un amour dont on sait dès le début qu’il est sans issue. Illusions pathétiques et abnégation fataliste sont concrètement restituées par une mise en scène des plus épurées (usage très précis des possibilités du studio).

Une nuit seulement (Only yesterday, John M.Stahl, 1933)

Un notable reçoit une lettre où une femme avec qui il a couché il y a dix ans lui dit tout son amour.

Soi-disant adapté du livre historique éponyme de Frederick Lewis Allen, Only yesterday reprend en fait la trame de Lettre d’une inconnue de Stefan Zweig. La comparaison avec l’adaptation officielle de la nouvelle, réalisée par Max Ophuls en 1948, ne joue pas en sa faveur tant le style de John Stahl, sec et théâtral, tend vers l’académisme. Ainsi réduites à leur plus simple expression, les saugrenues péripéties du mélo -en particulier la fin- n’en apparaissent que plus consternantes. Cependant, Margaret Sullavan, peut-être l’actrice américaine la plus émouvante des années 30, insuffle à son personnage, et donc au film, une consistance inattendue. De plus, il faut être juste: quelques séquences sont mises en scènes avec attention et sensibilité. Je pense par exemple à la première nuit entre les deux personnages où les scintillements nocturnes, les gros plans sur le visage de l’actrice et un détail concrètement érotique évoquent L’adieu aux armes de Borzage, chef d’oeuvre du cinéma romantique s’il en est.

 

Veillée d’amour (When tomorrow comes, John M.Stahl, 1939)

Un riche pianiste tente de séduire une jeune serveuse syndiquée…

Sorti la même année et réunissant le même couple d’acteurs, When tomorrow comes évoque immanquablement le chef d’oeuvre absolu qu’est Elle et lui. On y retrouve cette noblesse dans l’expression des sentiments qui sublime le mélodrame. Les deux premiers tiers où les protagonistes sont suivis sur une période de moins de 24 heures sont touchants de par l’habileté du scénario à confronter un homme et une femme issus de milieux sociaux opposés. Il est rare de voir une héroïne de film hollywoodien évoquer la lutte des classes. C’est ce que fait le personnage d’Irene Dunne ici et c’est ce qui évite à l’intrigue de tendre vers la niaiserie façon Cendrillon.

Cependant, lorsqu’il s’agit de faire décoller le récit et d’en faire ressentir tout le lyrisme plus ou moins rentré, la froideur routinière du découpage de John M.Stahl, froideur qui pouvait jusqu’ici passer pour de la pudeur, en vient à handicaper la mise en scène et à empêcher When tomorrow comes d’être la grande oeuvre que son début laissait présager. Une fois que le contexte social est évacué, on a trop souvent l’impression d’assister à l’enregistrement d’une pièce de théâtre. Ainsi de la fin, acmé supposée se réduisant en fait à un dialogue filmé en un quasi-unique plan fixe. When tomorrow comes n’en demeure pas moins un joli film, nettement plus réussi que le vague remake de Sirk et idéalement servi par l’interprétation pleine d’élégance de Charles Boyer (en revanche, une actrice plus plébéienne qu’Irene Dunne eût mieux convenu à  la serveuse qu’elle incarne).