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Pendant la guerre d’Indochine, un jeune Américain est assassiné à Saïgon. Retour sur son passé et ses relations avec un couple formé par un journaliste anglais désabusé et une jolie indigène.
Bizarrement oublié aujourd’hui, Un Américain bien tranquille est peut-être le film le plus emblématique de l’oeuvre de Joseph L. Mankiewicz. En effet, jamais au cinéma le langage n’a eu une place aussi centrale qu’ici. Ce sont les subtilités de traduction (je n’ose imaginer le massacre perpétré par la version française) et les mots à double sens qui nouent une intrigue compliquée sans être nébuleuse. C’est le décalage entre leurs paroles et leurs actions qui définit le caractère de personnages très souvent manipulés. Cette virtuosité dramatique n’est cependant pas vain étalage de style. Mankiewicz montre l’aveuglement que peuvent provoquer des sentiments. Avec son ironie habituelle, il le fait en montrant -et donc en démontant- les illusions d’un personnage cynique; ce qui redouble le sentiment de jubilation du spectateur.
Toutefois, les personnages ne sont pas les jouets de l’intrigue mais l’intrigue naît des relations de personnages qui s’aiment, se trahissent, se trompent, paradent, combattent. Ce ne sont pas encore les pantins qu’ils seront dans les derniers films de l’auteur. Le contexte politique intelligemment exploité ancre l’oeuvre dans une réalité qui l’empêche de sombrer dans la mauvaise théâtralité qui caractérise Le reptile et Le limier. Les acteurs, Michael Redgrave au premier rang, sont au diapason du metteur en scène et offrent des compositions riches et nuancées. Subtil, prenant et intelligent, Un Américain bien tranquille est un excellent film.