Morgane la sirène (Léonce Perret, 1928)

Cherchant sa fiancée disparue pendant une promenade en barque, un officier de marine rencontre la mystérieuse châtelaine d’une île bretonne.

Ce film tardif de Léonce Perret souffre d’un scénario alambiqué qui manque d’unité dramatique et, à l’instar de nombreux films français un peu prestigieux des années 20, d’une mise en scène essentiellement décorative. Morgane la sirène confirme que Perret perd sa pertinence après 1914.

L’X noir (Léonce Perret, 1916)

Sur la côte d’Azur, un voleur masqué dérobe les bijoux dans les palaces.

Film entrepris pour surfer sur la vague Fantomas, L’X noir intègre des éléments de comédie bourgeoise typiques de Léonce Perret. L’intrication des mensonges du vaudeville et des manipulations du cambrioleur singularise ce film d’action qui pèche par un rythme d’une rebutante mollesse. Lorsque cela commence à susciter l’intérêt, il s’avère que c’est déjà la fin. Dommage.

Dernier Amour (Léonce Perret, 1916)

Une actrice vieillissante s’entiche d’un jeune réalisateur de cinéma venu tourner dans sa villa.

Le récit a beau pécher par schématisme suranné, les relents incestueux d’une telle relation sont retranscrits avec une certaine justesse notamment dans la scène où Valentine Petit, impeccable dans ce rôle, prépare des crêpes pour son jeune amant. Au sein d’une mise en scène dont la facture souvent théâtrale dénote une régression par rapport aux formidables Mystère des roches de KadorEnfant de Paris et autres Roman d’un mousse (sans que ce primitivisme ne porte forcément préjudice à un canevas qui n’appelait pas la plus grande des virtuosités…), quelques idées cinématographiques se distinguent au premier rang desquelles le panoramique à 360° sur les différents plateaux de la Gaumont s’achevant sur la fiancée abandonnée; en revanche, le symbolisme floral est un peu lourdingue.

Koenigsmark (Léonce Perret, 1923)

Dans un duché imaginaire à l’Est de la France, la duchesse qui a fait un mariage de raison est victime d’une conspiration de son beau-frère…

De retour en France après son exil américain, Léonce Perret, qui fut le réalisateur numéro 1 de la Gaumont avant-guerre, se voit confier les rênes de cette superproduction adaptée de Pierre Benoit. Sa mise en scène est de bonne tenue et ne sombre jamais vraiment dans l’académisme décoratif mais chaque péripétie de ce qui reste somme toute un feuilleton est par trop délayée et le film finit par paraître interminable. Le récit, manquant d’unité dramatique et dont la trame est celle des opérettes de Lubitsch, aurait aussi gagné à se prendre moins au sérieux. Reste une petite poignée de belles scène tel la nuit de noces où le feu d’artifice (filmé en couleurs!) fait office de contrepoint à la solitude de la mariée. Sur 3 heures de métrage, c’est bien peu.

Le roman d’un mousse (Léonce Perret, 1914)

Un usurier et un mari ruiné escroquent une veuve seule avec son enfant…

L’archaïsme de la première partie laisse présager une régression formelle par rapport au formidable Enfant de Paris mais à partir du moment où le gamin est enlevé, à partir du moment où Le roman d’un mousse se transforme franchement en film d’aventures, la mise en scène se fait soudain plus inventive et plus variée. C’est comme si, chez Léonce Perret, l’aération faisait naître l’inspiration. Le réalisme des poursuites sur les remparts de Saint-Malo filmées à contre-jour et des séquences sur le bateau donne du corps au feuilleton mélodramatique. Enfin, le dénouement, fondé sur un véritable montage parallèle, annonce clairement les fameux morceaux de bravoure de Griffith.

Léonce cinématographiste (Léonce Perret, 1913)

La femme de Léonce est persuadée que son mari le trompe avec une de ses actrices.

Le début de ce court permet de voir un studio de la Gaumont d’avant 14 (un peu comme Sunset Boulevard permettait de voir les studios Paramount de l’âge d’or). Plus que de la galéjade burlesque, la suite tient de la comédie de moeurs. C’est léger, subtil et juste. Léonce Perret était -aussi- un grand acteur.

Léonce aime les morilles (Léonce Perret, 1913)

Les déboires de Léonce durant sa quête aux champignons.

Ce court-métrage qui met en scène Léonce dans son rôle comique récurrent est assez drôle. Les gags burlesques (l’un annonce celui de Milou qui fait manger une éponge à un fauve dans Tintin au Congo) sont un peu épais mais la tendre satire de la vie conjugale est bien sentie, excellemment servie qu’elle est par le jeu assez fin de Léonce Perret.

L’enfant de Paris (Léonce Perret, 1913)

Une orpheline est envoyée à l’internat, s’échappe, est enlevée…

L’enfant de Paris est un feuilleton mélodramatique transfiguré par une épatante maîtrise cinématographique qui oblige celui qui le découvre aujourd’hui à repenser quelque peu l’histoire du septième art et ses jalons couramment admis. Le mystère de roches de Kador montrait déjà l’intelligence qui était celle de Léonce Perret quant à sa caméra. Réalisé un an après, L’enfant de Paris montre qu’un bond de géant a encore été franchi. Découpage à vocation dramatique, plans en plongée, surimpressions, panoramiques, éclairages sophistiqués, allongement de la durée des plans pour instaurer du suspense…En 1913, Perret a une large connaissance des possibilités de son art et s’en sert brillamment. Il n’y a qu’à voir l’évasion de l’orphelinat ou le retour de l’officier à la maison pour se rendre compte de l’avance -légère- que le réalisateur majeur de la Gaumont avait alors sur Griffith.

Ses acteurs sont d’une rare sobriété. Suzanne Privat dans le rôle de l’enfant insuffle une justesse émotionnelle aux situations de mélodrame les plus grossières. Si, cent ans après sa sortie, L’enfant de Paris n’a guère perdu de son pouvoir spectaculaire, c’est aussi parce que Léonce Perret a tourné en extérieurs, arpentant les rues de Paris et de Nice avec la souveraine gourmandise du créateur excité par les capacités d’un outil pas encore vingtenaire. Au cœur de ce feuilleton riche en péripéties, il y a ainsi, parfaitement décorrélée de l’action dramatique, une longue et fascinante errance dans Nice que n’aurait pas reniée Antonioni (né l’année du tournage de ce film). L’enfant de Paris est donc un très grand film qui, je pense, suffit à placer Léonce Perret parmi les réalisateurs fondamentaux de l’histoire du cinéma. Lewis J.Selznick, père de David, qui l’embaucha en 1917, ne s’y était pas trompé.

Le mystère des roches de Kador (Léonce Perret, 1912)

Une homme endetté tente d’épouser sa cousine qui vient d’hériter…

Quelques westerns français et américains, quelques bandes des opérateurs Lumière, quelques films de Griffith, Capellani, Méliès et Max Linder constituent l’essentiel de ce que j’ai vu de la production cinématographique d’avant 1914. Autant dire que je connais très mal cette période où le cinéma français était le premier du monde. C’est pourquoi je ne saurais dire dans quelles mesure ce moyen-métrage de Léonce Perret est en avance sur son temps. Toujours est-il qu’il n’y a guère que dans certains courts de Griffith que j’avais déjà vu un découpage aussi souple et aussi assuré. Ici, les séquences ne se limitent pas à des tableaux comme c’est souvent le cas dans le cinéma primitif. La gestion d’un suspense tel que le moment où le fiancé se fait tirer dessus dénote de la part de Perret une compréhension intime des possibilités du septième art.

Les ressorts dramatiques sont parfois ceux d’un vulgaire mélo mais le décor naturel de Kador en Bretagne ancre le récit dans une réalité géographique, à la manière des futurs grands films américains et suédois. Trois ans avant Forfaiture, le travail sur la lumière, particulièrement variée, enrichit également la mise en scène. Mais toutes ces qualités ne sont pas encore ce qui impressionne le plus dans ce Mystère des roches de Kador. Ce qui impressionne le plus, c’est cette deuxième partie du film qui voit l’héroïne amnésique revivre son traumatisme grâce à la projection d’un film. Psychanalyse et méta-cinéma en 1912. Voilà qui devrait alimenter la glose de nos gloseurs professionnels si ceux-ci daignaient se pencher sur ce pan injustement méconnu du cinéma français.

Enlevez-moi (Léonce Perret, 1933)

Un homme qui croit refiler sa maîtresse à un ami lui refile en fait sa soeur.

La désuétude de cette opérette n’empêche pas une certaine liberté de ton. Il y a de la fantaisie mais le travail de Léonce Perret est routinier.   Le surjeu des comédiens et les facilités de l’intrigue empêchent toute forme de vraisemblance mais Arletty jeune (et jolie) est déjà remarquable. Comme le montre le final où l’équipe technique est filmée, personne n’est dupe dans cette entreprise. Enlevez-moi n’est pas franchement nul mais sa portée est tout de même limitée.