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Dans un bidonville philippin, une jeune fille détestée par sa mère sous la coupe d’un caïd tente de s’en sortir en s’accrochant à différents garçons…
La beauté de Insiang, c’est d’abord celle d’un genre éternel -le mélodrame- assumé et maîtrisé par Lino Brocka comme personne après lui. Quoique le filmage tendance néo-réaliste rende très présente leur misère matérielle, les personnages sont guidés par des désirs complexes et leur individualité n’est jamais sacrifiée par le narrateur. Dans un mouvement dialectique qui est la vie même, les victimes deviennent bourreaux et les bourreaux deviennent victimes.
La jalousie entre une mère et sa fille est ainsi, par des moyens totalement différents, montrée avec autant de force que chez Jacques Demy. Le cinéaste cristallise cette amère rivalité dans des instants d’une exceptionnelle puissance dramatique jusqu’à la poignante acmé finale. Il faut tirer un coup de chapeau aux acteurs, tous excellents, et en particulier se rappeler la magnifique Hilda Koronel dans le rôle principal: tour à tour résignée, meurtrie et froidement déterminée, toujours juste.
Insiang est un film terriblement dur. Le metteur en scène montre la boue sociale dans laquelle est engluée son héroïne, il suscite la compassion du spectateur, il suscite son dégoût mais, tout à la conduite d’un récit mené à 100 à l’heure, il se garde bien de désigner des coupables ou de réduire le destin de ses personnages à un discours univoque. La façon dont Lino Brocka prend à bras-le-corps son matériau brûlant tout en faisant fi des conformismes intellectuels de tout poil rappelle Samuel Fuller. Comme chez l’auteur de The naked kiss, c’est la primauté donnée au mouvement et a l’émotion qui garantit la vérité des êtres et des situations. C’est du cinéma modeste et grand.