Juliette ou la clé des songes (Marcel Carné, 1951)

Un détenu s’évade dans un rêve au cours duquel il recherche sa bien-aimée dans un village où tout le monde est amnésique.

De même que celui entre le romantisme de ses sujets et sa mise en scène désincarnée, le fossé entre les velléités oniriques de Marcel Carné et la réalité d’un talent extrêmement rigide et pesant est un des hiatus les plus ahurissants de l’histoire du cinéma. Jamais ce film, d’une terrible platitude visuelle malgré le prestige des collaborateurs techniques (Trauner, Alekan…), ne transfigure le ridicule artifice de son intrigue, de ses situations, de ses personnages.

La Marie du port (Marcel Carné, 1949)

Après la guerre, les films de Carné sont débarrassés de la mythologie un peu toc insufflée par Prévert. Les films sont plus simples, les dialogues moins oiseux, les personnages plus désenchantés aussi. Néanmoins, une bonne partie de l’équipe mythique associée aux succès de l’avant-guerre (et de l’Occupation) a participé à La Marie du port. De Trauner aux décors à Kosma à la musique en passant par la dernière contribution, non-créditée, de Prévert au scénario. Sans oublier évidemment le retour de Gabin, excellent dans un de ses premiers rôles de notable provincial simenonesque, rôles qui allaient se faire récurrents dans sa filmographie à venir. Le film est bon, les décors sont évocateurs, la photo signée Alekan est superbe, le réalisme poétique a de beaux restes, même s’il est maintenant plus réaliste que poétique, ce qui n’est pas plus mal vu la gueule de la poésie dans des films comme Les visiteurs du soir ou Les portes de la nuit. Comme dans tous les Carné de l’époque, il y a cette peinture de la jeunesse que l’on sent faite par un vieux monsieur, mais le cinéaste se rattrape largement lorsqu’il évoque avec justesse la fin des illusions et la désacralisation des amours à travers un Gabin qui ne promet plus rien aux femmes, contrairement aux légionnaires des années 30. A ce titre, la fin apparaît un peu déplacée par rapport au reste.