Hara-Kiri (Masaki Kobayashi, 1963)

Avant de se faire hara-kiri chez un riche seigneur, un ronin (samouraï sans maître) tombé dans la misère raconte son histoire.

Pesant. L’auteur délaye pendant deux heures et demi une attaque contre les valeurs antiques. Pas de nuance, aucune rupture de ton mais une succession de péripéties mélodramatiques jouées par des acteurs grimaçants surlignant à traits épais la déchéance matérielle des samouraï et la cruauté des seigneurs défendant l’ordre féodal. La composition des cadres en Cinémascope est soignée mais académique. Les images sont austères (le récit avance plus à travers des dialogues de gens à genoux filmés en champ-contrechamp qu’à travers l’action) mais le style est dénué de toute rigueur: le découpage est à l’opposé de l’épure qui caractérise un Mizoguchi. Je songe notamment à cette fin qui n’en finit pas, sombrant allègrement dans la surenchère sanglante et mettant sérieusement à mal le sérieux d’une entreprise qui se prend pourtant terriblement au sérieux. Bref: si Yves Boisset avait un cousin japonais, il s’appellerait Masaki Kobayashi.

La condition de l’homme (Masaki Kobayashi, 1959-1961)

Un jeune idéaliste est enrôlé dans l’armée japonaise. Il sera chef d’un camp de prisonnier puis simple soldat puis prisonnier puis soldat à nouveau…

C’est d’abord un des films les plus longs de l’histoire du cinéma. Plus de neuf heures. Quand on entreprend une oeuvre d’une telle durée, il faut que la dramaturgie soit à la hauteur. Malheureusement, le scénario est particulièrement redondant et schématique. Le discours de ce film à la longueur démesurée peut se résumer à « La guerre c’est moche, la cruauté et la tyrannie, c’est mal » . Très intéressant. Et comme le discours est asséné à coups de séquences-chocs délibérément redondantes, La condition de l’homme fatigue vite par sa complaisance. En effet, filmer une demi-douzaines de marches forcées n’en dit pas plus long sur la « condition de l’homme » que de n’en filmer qu’une seule. Certes, tortionnaires et victimes changent et donc cela généralise le discours mais justement: à ne mettre en avant que de vagues thématiques pessimisto-humanistes telles que « il ne faut pas torturer son prochain » ou « l’homme est un loup pour l’homme » sans affiner la singularité de chaque situation,  Kobayashi annihile rapidement le potentiel de sa fiction. De plus, en agissant de la sorte, la pertinence de son discours est réduite à néant puisqu’il ne fait qu’asséner des certitudes sans se confronter à la complexité du réel. Le héros, absolument pur, n’a strictement aucun intérêt dramatique. Il n’est qu’un pantin au service du prêchi-prêcha de l’auteur. Son histoire d’amour qui aurait pu faire respirer le film se retrouve, comme le reste, vite subordonné à un ensemble pesant, cloisonné et démonstratif.

La condition de l’homme est joliment cadré et il y a une poignée de belles séquences (je pense à la reddition finale) mais cela ne nous sauve pas de l’ennui profond (neuf heures putain ! neuf heures !). Que l’on songe à l’élégante complexité des films « à grand sujet » qu’Otto Preminger réalisait à la même époque pour mesurer l’abîme qui sépare le chef d’oeuvre artistique de l’insupportable pensum.