La porteuse de pain (Maurice Cloche, 1950)

Une femme condamnée à la prison à vie pour un meurtre qu’elle n’a pas commis s’évade et retrouve ses enfants 20 ans après leur séparation…

Mélodrame canonique s’il en est. Le problème est que Maurice Cloche dirige ça de façon pléonastique et ne se donne pas la peine de faire croire aux rocambolesques coïncidences de sa narration. A l’exception de la jolie Nicole Francis, les actrices surjouent ridiculement leurs personnages. Les acteurs sont parfois mal doublés (coproduction franco-italienne oblige). Heureusement, il y a Jean Tissier qui s’amuse et nous amuse. Rien que pour sa délectable composition de crapule incompétente, La porteuse de pain millésime 1950 vaut le coup d’oeil.

Monsieur Vincent (Maurice Cloche, 1947)

Hagiographie (c’est le cas de le dire) de Saint-Vincent de Paul.

Il n’y a qu’à  comparer ce film aux Cloches de Sainte-Marie, merveille de Leo McCarey sortie deux ans auparavant, pour se rendre compte de l’abîme esthétique qui sépare la bondieuserie française de la bondieuserie américaine. La différence essentielle entre les deux films réside dans la hauteur à laquelle se place l’auteur pour s’adresser au spectateur. Le film de McCarey était une chronique sociale révélant la beauté et l’harmonie du monde à travers l’oeuvre quotidienne d’un prêtre musicien. Le cinéaste n’assénait rien, il montrait. Au contraire, Cloche et ses commanditaires se vautrent allègrement dans le pire des prêchi-prêcha. Certes, il s’agit d’une hagiographie donc de raconter la vie d’un saint mais Rossellini a montré que l’on pouvait s’atteler à cette noble tâche sans pour autant faire la morale au spectateur tout le long du film. Maurice Cloche, lui, ne se pose aucune question sur la sainteté. Vincent de Paul n’est là que pour personnifier le Bien et sermonner. Sermon au seigneur, sermon à Richelieu, sermon aux nonnes…son film est un sermon permanent!

Seul contre tous, Vincent ne doute jamais et le film est toujours de son côté. Il n’y aucune sorte d’échange, aucun embryon de dialectique, on est donc dans la plus pure des nullités dramaturgiques. Quel intérêt de faire durer cela deux heures si ce n’est qu’à l’issue de la projection, le bourgeois se dise « ha! le Bien, c’est bien. »? C’est que « bourgeois », Monsieur Vincent l’est évidemment jusqu’au bout des ongles. Le film est d’abord une reconstitution historique bardée de tout le folklore académique du cinéma de papa: distribution estampillée « Comédie française », décors de studio luxueux, dialogues de Jean Anouilh, joliesse des éclairages, performance (plus qu’interprétation) de Pierre Fresnay dans le rôle-titre. Ces apparats du prestige ne masquent pas longtemps la profonde nullité d’une mise en scène poussiéreuse. Même le gros plan récurrent sur le visage mal rasé d’un Pierre Fresnay au regard perdu qui vient rompre la monotonie du découpage apparaît rapidement comme un procédé mélodramatisant qui, employé d’une façon systématique, est tout à fait caractéristique d’un style complètement verrouillé et dénué d’inspiration.