L’aventurier (Maurice Mariaud et Louis Omont, 1924)

Après avoir fait fortune aux colonies, un homme revient dans la famille qui l’a chassé.

Le film débute brutalement en plongeant le spectateur dans une violente séquence de siège mais la suite ressort du plus médiocre drame sentimental, artificiellement étiré avec des rebondissements plus nuls les uns que les autres. Le tout au service d’un propos colonialiste des plus simplistes. J’ai l’impression que Maurice Mariaud a tenté de se départir d’un matériau consternant en ajoutant des extérieurs exotiques et mouvementés, en jouant -timidement- sur la profondeur de champ et la lumière dans les séquences d’intérieur et en mâtinant de flashbacks la narration mais tout ça ne suffit pas à rendre intéressants l’intrigue et les personnages de la pièce d’Alfred Capus.

As Pupilas do Senhor Reitor (Maurice Mariaud, 1923)

Après avoir fait ses études, un jeune homme revient à son village natal où il séduit toutes les filles…

Alors que je me posais des questions sur la réalité du talent de Maurice Mariaud après la découverte d’une série de films guère plus qu’intéressants, ce deuxième long-métrage portugais, après le chef d’oeuvre Os Faroleiros, vient me rappeler pourquoi je fus séduit par ce cinéaste. Adaptation d’un classique de la littérature lusitanienne, As Pupilas do Senhor Reitor saisit d’emblée graĉe à sa restitution de la région du Douro. Les décors naturels sont appréhendés avec un sens du cadre remarquable. La virtuosité du metteur en scène se manifeste aussi bien au niveau de la direction d’acteurs, tous très bons et évitant la caricature bien que parfois inexpérimentés en matière de cinéma, qu’à celui de la lumière, variée, ou de la profondeur de champ, qui permet à Mariaud de multiplier les actions dramatiques dans un même plan.

L’enracinement du récit se traduit également par la présence de nombreuses scènes de genre (effeuillage collectif du maïs, lessive, enseignement primaire, jeu de quilles…) qui insufflent un côté documentaire à ce rare témoignage filmé du Portugal profond au début du XXème siècle. Au-delà de l’anecdote, Maurice Mariaud saisit quelque chose de la réalité sociale du pays notamment dans les séquences mettant en scène le curé au début. En quelque sorte, ces scènes rendent sensible le totalitarisme bienveillant de l’église catholique avec une justesse qui est celle des choses dites sans vouloir-dire.

Cette splendeur du vrai rend As Pupilas do Senhor Reitor passionnant à regarder malgré malgré quelques relâchements du rythme narratif et le caractère suranné de son dénouement sacrificiel.

Le secret du cargo/L’énigme du poignard (Maurice Mariaud, 1929)

En Algérie, un détective enquête sur l’enlèvement d’une artiste de music-hall…

Entre Tintin (le héros pur et dégingandé en pantalon de golf) et Rintintin (son fidèle acolyte n’est pas un fox-terrier mais un berger allemand), ce film policier qui se transforme en film d’aventures coloniales ne manque pas d’originalité dans le contexte du cinéma français de la fin des années 20. Le rythme de la narration aurait gagné à être plus rapide mais l’oeuvre n’est pas avare en extérieurs algériens qui donnent une touche documentaire légère et bienvenue au divertissement. Dynamique et désertique, la dernière partie culmine dans un duel sur les rochers parfaitement découpé où Maurice Mariaud s’avère plus proche de Anthony Mann qu’aucun des auteurs français contemporains régulièrement distingués comme tel par la critique parisienne. Sympathique.

Mon oncle de Passy (Maurice Mariaud, 1925)

Un clochard ayant, par chance, récupéré la situation d’un milliardaire suicidaire se voit soumis chantage par son ancien compagnon de refuge.

L’interprétation sobre mais expressive de René Navarre dans le rôle principal et le soin apporté à la mise en scène (notamment dans les éclairages) réhaussent l’intérêt de cette fable démagogique vaguement influencée par Chaplin (Une vie de chien est cité).

O Fado (Maurice Mariaud, 1923)

Un forgeron délaisse son foyer pour une fille de bar sous la coupe d’un chanteur de fado.

Inspiré par un célèbre tableau naturaliste portugais, ce court-métrage s’articule autour d’une intrigue moralisatrice et prévisible mais déroulée de façon concise et avec un sens de l’atmosphère crapoteuse qui rappelle la meilleure séquence du Fièvre de Delluc.

Quand la raison s’en va (Maurice Mariaud, 1919)

Ayant abusé de l’alcool, un jeune homme fait des rêves étranges.

Deux aspects singularisent ce classique drame de l’alcoolisme qui dure environ une demi-heure: le début, réaliste, où le travail dans les docks est largement montré, et la dernière partie où, a contrario, un onirisme féerique teinte la fable moralisatrice d’un soupçon d’ironie.

Le crépuscule du coeur (Maurice Mariaud, 1916)

Sur la côte d’Azur, une bourgeoise cherche à marier ses filles à un vieux marquis qui lorgne sur leur cousine.

Deux qualités dénotent l’originalité purement cinématographique de Maurice Mariaud:

  • un comique et une émotion qui passent par la mise en scène, c’est à dire l’organisation des personnages dans l’espace et leurs distances par rapport à la caméra. Le long travelling arrière sur les jeunes filles jouant des coudes pour se rapprocher du marquis en est l’expression la plus significative.
  • une fluidité des changements de registre qui éloigne le récit de tout carcan préétabli et le rapproche de la vie: la légèreté n’altère pas la matière dramatique; bien aidé par de bonnes actrices et aussi maître de la lumière qu’un Léonce Perret, Mariaud sait enchaîner des séquences amusantes avec des évocations mélancoliques (un vieil homme rêve à une jeune fille, mais sans que le rêve ne soit figuré) ou accablantes (une jeune fille est enlevée à la compagnie de ses cousines pour aller faire la conversation à un beau parti).

Les gardiens de phare (Maurice Mariaud, 1922)

Au Portugal, un gardien de phare tue une femme qui rejette ses avances…

Il n’y a pas que la coïncidence de titres qui fasse de Maurice Mariaud un digne précurseur de Jean Grémillon: la finesse et la variété du découpage (judicieuse utilisation de la profondeur de champ), la beauté nue des extérieurs maritimes, la dignité avec laquelle sont filmés les personnages, la sobriété implacable de la narration (en dépit d’un dernier acte qui tend vers le grand-guignol) et le lyrisme contrapuntique du montage qui met les sentiments des protagonistes au diapason des forces élémentaires de la Nature sont autant de qualités cinématographiques qui insufflent une belle puissance tragique à ce Os Faroleiros. Que ce soit en Bretagne dans les années 10 ou au Portugal dans les années 20, la constance de l’inspiration de Maurice Mariaud laisse à penser qu’un auteur majeur du cinéma muet est à découvrir.

Au pays des lits clos (Maurice Mariaud, 1913)

Après que son bateau a échoué, un amnésique est recueilli sur une île bretonne…

Une excellente surprise. La Bretagne -sa lande, ses intérieurs, ses rues, ses rochers, sa jetée- est aussi bien filmée qu’elle le sera chez Jean Epstein quinze ans plus tard. Le découpage où abondent les plans larges avec de nombreux figurants insère l’intrigue, digne d’un conte de fées, dans une forme documentaire tandis que la lumière sombre poétise l’action. Maurice Mariaud a un sens aigu du cadre comme en témoignent les belles images où le décor rocailleux et venteux intensifie la mélancolie de l’héroïne.