En Svanétie, dans le Caucase, la vie d’une communauté pauvre et coupée du monde avant l’arrivée des communistes.
On trouve déjà dans ce deuxième film de Kalatozov les qualités qui l’ont rendu célèbre dans les années 50: le lyrisme visuel, les raccords audacieux et brusques, la rapidité légère du rythme des images, dernière qualité qui le distingue de ses pesants confrères soviétiques. Ce génie formaliste, qui lui causa d’ailleurs de sérieux ennuis avec la censure du Parti, magnifie le mode du vie du peuple qu’il filme en poète ethnologue, tel un Flaherty du Caucase. En créant de belles images à partir d’un mode de vie archaïque, il nuance considérablement la propagande du scénario qui voit arriver le communisme comme une délivrance et un progrès nécessaire pour cette communauté arriérée. Cette propagande n’est en fait présente que dans les cinq dernières minutes du film.
La seule chose qui empêche Le sel de Svanétie de figurer parmi les chefs d’oeuvre du genre, c’est une présence du monteur qui peut s’avérer écrasante. Des plans trop brefs ne laissent pas le temps à certaines situations de se développer d’elles-mêmes, empêchent l’impression de naturel de leur déroulement et donnent au contraire l’impression, certainement voulue mais dommageable, que les images sont là pour illustrer le commentaire des intertitres. Il n’empêche: plusieurs plusieurs plans de ce documentaire sont magnifiques de poésie pure tel celui de cette femme versant du lait de son sein sur la tombe de son nouveau-né. Dans des moments pareils, le symbolisme cosmique de l’image transcende complètement la petitesse du propos initial.