Arise my love (Mitchell Leisen, 1940)

Pour écrire un article, une journaliste américaine sauve un compatriote des geôles franquistes puis les deux batifolent dans une Europe de plus en plus menacée par Hitler.

Un an après Ninotchka et un an avant l’entrée en guerre des Etats-Unis, Arise my love est une nouvelle comédie politique écrite par Billy Wilder et Charles Brackett. C’est avec courage et finesse que les auteurs traitent de la dialectique entre bonheur individuel et engagement dans le monde, dialectique qui structure habilement leur dramaturgie. Aussi bien que d’allusions comiques dignes de Lubitsch (le pansement sur le nez lorsque son patron revient de la chambre de son employée!), la reconstitution hollywoodienne est émaillée de notations qui frappent par leur justesse; ainsi cet officier allemand qui demande à la journaliste, couvrant l’armistice à Rethondes, d’enlever son rouge à lèvres et de ne pas fumer en présence du Führer. Il manque peut-être à Ray Milland la fantaisie d’un Cary Grant mais l’abattage de Claudette Colbert convient idéalement à l’héroïne. Dans la meilleure tradition des comédies américaines, le rythme enlevé n’empêche pas la prise au sérieux des tourments intimes des personnages. Bref, c’est très bon.

La duchesse des bas-fonds (Kitty, Mitchell Leisen, 1945)

A Londres à la fin du XVIIIème siècle, un jeune aristocrate éduque une fille des bas-fonds pour qu’elle séduise le duc qui lui a fait perdre sa place.

Sorte de mixte entre Ambre et Pygmalion. C’est dramatisé avec une certaine finesse, les acteurs sont bons, la reconstitution fastueuse, le récit assez prenant et la fin très belle. Néanmoins, KItty manque d’un point de vue fort de mise en scène et de continuité dans le focus sur l’héroïne pour être un vrai grand « women drama » (par exemple, au moment de l’accouchement, un cinéaste rigoureux -et non décoratif- n’aurait pas accordé autant de temps aux allées-et-venues pseudo-comiques du mari).

La dangereuse aventure (No time for love, Mitchell Leisen, 1943)

Une photographe réputée tombe amoureuse d’un perceur de tunnel rencontré lors d’un reportage.

Une comédie américaine typique, avec son histoire d’amour entre un homme et une femme diamétralement opposés racontée avec une pétillante précision ainsi que ses dialogues spirituels et bien envoyés par une Claudette Colbert pleine d’entrain. C’est très plaisant, à l’exception du dernier acte qui manque de la plus élémentaire des vraisemblances et qui tire un chouïa en longueur.

L’aventure d’une nuit (Remember the night, Mitchell Leisen, 1940)

Un procureur paye la caution de la voleuse qu’il a entraîné derrière les barreaux et, comme elle est seule, se retrouve à passer Noël avec elle.

L’artifice du postulat est vivifié par la finesse maintenue de l’écriture jusqu’au peu crédible dernier rebondissement et par le couple Fred MacMurray/Barbara Stanwyck, soutenu par la grande Beulah Bondi. Ce film assez peu comique de Mitchell Leisen écrit par Preston Sturges fait songer à du Leo McCarey en un peu moins bien.

 

Par la porte d’or (Hold back the dawn, Mitchell Leisen, 1941)

Au Mexique, un Français séduit une jeune institutrice en voyage scolaire pour acquérir la nationalité américaine en l’épousant.

La fusion entre le riche arrière-plan sociopolitique (belle galerie de seconds rôles français) et l’histoire d’amour n’est pas parfaite mais l’évolution dialectique de personnages finement interprétés fait de Par la porte d’or un bien beau film.

A chacun son destin (Mitchell Leisen, 1945)

A Londres pendant la seconde guerre mondiale un soir de jour de l’An, une Américaine se rappelle comment elle a fini seule…

Pourquoi, en dépit de rebondissements ridicules, ce mélodrame intéresse continûment et émeut parfois? Réalisée en France à la même époque, cette rocambolesque histoire de fille-mère aurait certainement donné lieu à un naveton façon Léonide Moguy ou Jean Stelli. Ce qui fait le prix de A chacun son destin, c’est la vérité dans le détail: qualité des reconstitutions, finesse des dialogues, richesse de la caractérisation des seconds rôles (impeccable personnage du troisième homme), bonne gestion de l’arrière-plan historique, sens de la litote qui paradoxalement redouble l’émotion (l’irrésistible réplique finale) et, surtout, excellence de l’interprétation: dans un rôle à la Bette Davis, Olivia de Havilland a heureusement gardé son désarmant naturel.

L’aventure vient de la mer (Frenchman’s creek, Mitchell Leisen, 1944)

Au XVIIème siècle, une aristocrate londonienne fâchée avec son mari retourne dans les Cornouailles et tombe amoureuse du pirate français qui écume la région.

Mélange de films d’aventures maritime façon L’aigle des mers et de film de rêverie féminine façon L’aventure de Mme Muir. Le mépris de la vraisemblance, l’inadéquation de Arturo de Cordova au rôle du héros, la faiblesse des scènes d’action et la manque de nerf de la mise en scène discréditent le versant aventureux de l’oeuvre. En revanche, l’aspect romantico-onirique est servi par une plastique renversante, le top de l’âge d’or hollywoodien. Les plans du bateau sous un ciel rosé sont d’un kitsch irrésistible.

La mère du marié (The mating season, Mitchell Leisen, 1951)

Une femme se fait engager en tant que cuisinière dans le foyer de son fils qui vient de se marier à une jeune femme de la haute-société…
Sous les dehors standardisés de la screwball comedy, il y a quelque chose du conte dans ce film par ailleurs pas aussi riche en gags, pas aussi trépidant, pas aussi léger, bref pas aussi drôle que les classiques des années 30. La beauté de La mère de la mariée réside plutôt dans le personnage adorable de la mère jouée par la grande Thelma Ritter, qui réunit les amants face à la belle-mère -jouée par Miriam Hopkins !- à la manière d’une bonne fée. Ou encore dans ce plan qui voit les jeunes mariés se retrouvant dans un de leurs placards, du comique de l’absurde à l’émotion de l’amour retrouvé comme au premier jour. Gene Tierney est lumineuse, plus désirable encore dans sa beauté simple de femme au foyer que dans les films très stylisés de la Fox.

La baronne de minuit (Midnight, Mitchell Leisen, 1939)

Une excellente screwball-comedy, réalisée par l’équipe A de la Paramount: Wilder/Brackett au scénario, Claudette Colbert et Don Ameche devant la caméra, Mitchell Leisen derrière. La baronne de minuit est, comme beaucoup de pépites du genre, un film tranquillement mais sûrement subversif, un de ces films qui, en nous présentant des personnages d’aventurière éminemment sympathique, en mettant en scène de façon très gaie et jamais vulgaire des personnages immoraux, véhiculent un idéal de femme libre, sûre d’elle et surtout n’hésitant pas à jouer de ses atouts naturels pour arriver à ses fins, bref une vision à l’opposé des normes sociales ayant toujours court. Ce évidemment sans verser une seule seconde dans le pamphlet féministe grâce à la divine légèreté de l’écriture comme de la mise en scène. Claudette Colbert a su incarner mieux que personne ces femmes déterminées (aussi bien dans les comédies que dans Imitation of life de Stahl, un mélo), sans le coté androgyne d’une Katharine Hepburn.

Vie facile (Mitchell Leisen, 1937)

Lors d’une scène de ménage, un riche banquier jette le nouveau manteau en fourrure de sa femme par dessus le balcon; manteau qui atterrit sur la tête d’une sympathique working-girl. S’ensuit une série de quiproquos jouant sur une supposée relation entre le banquier et la jeune fille déroulés suivant un excellent scénario de Preston Sturges. Un des miracles de la « screwball comedy »,  c’est d’arriver, via des personnages très typés voire caricaturaux et des péripéties de théâtre de boulevard, à une vérité sur les rapports entre hommes et femmes que peu des films sérieux ont atteint depuis. Ici, cela concerne particulièrement leur « représenté » social, c’est-à-dire le fossé entre ce que les gens imaginent de vous et la réalité. Pour expliquer ce paradoxe qui n’en n’est pas un pour qui se rappelle que « grand art » ne rime pas avec « pensum », on pourrait avancer que les conventions narratives n’empêchaient pas une réjouissante liberté de ton de la part des auteurs. D’ailleurs, Vie facile est également une satire percutante des dérives irrationnelles du capitalisme financier. Des acteurs habitués au genre, des répliques spirituelles, un réalisateur qui ne perd jamais le sens du rythme -bref le lustre de la facture Paramount- achèvent de faire du film un petit classique de la comédie américaine.